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Call of Duty: Black Ops 6 – Le Game Pass coûte 300 millions de dollars à Microsoft : une stratégie risquée ?
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Call of Duty: Black Ops 6 a beau dominer les ventes aux États-Unis en 2024, son intégration immédiate dans le Xbox Game Pass lui aurait fait perdre 300 millions de dollars par rapport à Modern Warfare III. Une stratégie qui interroge : entre fidélisation des abonnés et effritement des revenus traditionnels, Microsoft joue-t-il avec le feu ? Pendant ce temps, 82 % des ventes restent sur PlayStation, et la hausse du Game Pass Ultimate à 30 $/mois cristallise les tensions. Analyse d’un pari audacieux aux conséquences imprévisibles.
A retenir :
- 300 millions de dollars en moins : l’impact direct du Game Pass sur les revenus de Black Ops 6, malgré des ventes records aux États-Unis.
- 82 % des ventes sur PlayStation : l’échec relatif de Microsoft à convertir les joueurs console vers son écosystème, malgré l’exclusivité temporaire.
- Game Pass Ultimate à 30 $/mois : une hausse de prix critiquée, perçue comme une conséquence du rachat d’Activision Blizzard par la FTC.
- Croissance en panne : le nombre d’abonnés au Game Pass stagne depuis 2020, et Microsoft ne communique plus ses chiffres depuis février 2024.
- Un paradoxe stratégique : entre accessibilité pour les joueurs et rentabilité pour Microsoft, le modèle du "Netflix du jeu vidéo" montre ses limites.
300 millions de dollars évaporés : le coût caché du Game Pass
Call of Duty: Black Ops 6 a beau trusté les premières places des ventes aux États-Unis en octobre 2024, les chiffres internes révélés par Bloomberg jettent un pavé dans la mare : le dernier opus de la franchise aurait généré 300 millions de dollars de moins que Modern Warfare III, sorti un an plus tôt. La raison ? Son arrivée dès le premier jour dans le catalogue du Xbox Game Pass, réduisant mécaniquement les achats en version physique et dématérialisée. Un coup dur pour Microsoft, qui avait pourtant brandi l’argument de l’exclusivité temporaire pour justifier le rachat colossal d’Activision Blizzard en 2023 (68,7 milliards de dollars, rappelons-le).
Le constat est sans appel : malgré une campagne marketing agressive et des critiques globalement positives (un 82/100 sur Metacritic), le modèle de l’abonnement cannibalise les ventes traditionnelles. Pire, cette stratégie semble profiter davantage à Sony qu’à Microsoft : selon les données de NPD Group, 82 % des ventes de Black Ops 6 ont été réalisées sur PlayStation, où le jeu reste payant. Un comble pour la firme de Redmond, qui misait sur le Game Pass pour attirer les joueurs vers son écosystème.
"Le Game Pass est une arme à double tranchant, explique Thomas, analyste chez Newzoo. D’un côté, il fidélise les joueurs et offre une visibilité immense. De l’autre, il réduit la valeur perçue des blockbusters comme Call of Duty, habituellement vendus 70 $ pièce. Microsoft doit maintenant prouver que les abonnés compensent cette perte."
Game Pass : une croissance en panne et des chiffres qui embarrassent
La stratégie de Microsoft repose sur un postulat simple : sacrifier les revenus ponctuels (les ventes de jeux) pour booster les revenus récurrents (les abonnements). Problème : le Xbox Game Pass ne connaît plus la croissance fulgurante de ses débuts. Après un pic à 34 millions d’abonnés en 2023, les chiffres stagnent, et Microsoft a cessé de les communiquer depuis février 2024. Un silence qui en dit long, surtout alors que la concurrence (comme le PlayStation Plus Premium de Sony) gagne du terrain.
Pour relancer la machine, Microsoft a choisi une solution radicale : augmenter les prix. Depuis septembre 2024, le Game Pass Ultimate (qui inclut les jeux Xbox, PC, et les titres EA Play) passe à 30 $ par mois, contre 17 $ auparavant pour les nouveaux abonnés. Une hausse de 76 % qui a immédiatement suscité l’ire des joueurs, mais aussi des régulateurs. Lina Khan, présidente de la Federal Trade Commission (FTC), a pointé du doigt cette décision comme une "conséquence directe du rachat d’Activision", accusant Microsoft de "profiter de sa position dominante pour imposer des tarifs abusifs".
"On nous vend le Game Pass comme un service ‘accessible’, mais à 30 $ par mois, ça revient plus cher qu’un abonnement Netflix + Spotify combinés ! Sans compter que les jeux quittent régulièrement le catalogue…", s’indigne Marco, joueur depuis 2018, sur les forums ResetEra.
Le casse-tête de Microsoft : comment rentabiliser Call of Duty sans aliéner les joueurs ?
Microsoft se retrouve face à un dilemme cornélien : comment concilier rentabilité et accessibilité, deux piliers de sa stratégie avec Activision ? D’un côté, le Game Pass permet de démocratiser l’accès à des franchises comme Call of Duty, historiquement chères. De l’autre, il érode les marges sur des licences qui généraient auparavant des milliards en ventes pures. Sans compter que les licenciements massifs chez Activision (près de 1 900 postes supprimés en 2024) ont terni l’image du géant, accusé de privilégier les actionnaires aux développeurs.
Pourtant, des signes encourageants existent. Selon une étude de IDC, les joueurs abonnés au Game Pass dépensent en moyenne 20 % de plus en microtransactions (skins, passes de combat) que les autres. Black Ops 6 n’échappe pas à la règle : son battle pass et ses bundles cosmétiques (comme le pack "Ghost Legacy" à 25 $) cartonnent, preuve que le modèle "free-to-play light" peut fonctionner. Reste à savoir si ces revenus supplémentaires suffiront à combler le manque à gagner.
"Microsoft joue un jeu dangereux, estime Julie, économiste spécialisée dans le gaming. Ils misent sur le fait que les joueurs, une fois habitués à avoir Call of Duty ‘gratuitement’ via l’abonnement, ne reviendront plus en arrière. Mais si la qualité des jeux baisse ou si les prix continuent d’augmenter, le backlash pourrait être violent."
Et si le vrai gagnant, c’était… Sony ?
Ironie de l’histoire : alors que Microsoft dépense des milliards pour verrouiller Call of Duty sur son écosystème, c’est Sony qui en profite le plus. Non seulement la PlayStation 5 domine toujours le marché des consoles (avec 60 % de parts aux États-Unis en 2024), mais les joueurs PS semblent moins sensibles au charme du Game Pass. Résultat, ils continuent d’acheter les jeux à prix fort, sans se soucier de l’abonnement.
Pire pour Microsoft : les exclusivités temporaires de Call of Duty sur Xbox (comme les maps Zombies en avance ou les skins exclusifs) ne suffisent pas à faire basculer les joueurs. "Les fans de CoD sont avant tout des joueurs compétitifs, analyse Paul, community manager chez Dexerto. Ils veulent jouer avec leurs potes, peu importe la plateforme. Et aujourd’hui, leurs potes sont sur PlayStation."
"On nous avait promis que le rachat d’Activision allait ‘révolutionner’ le gaming. Pour l’instant, la seule révolution, c’est que je paie plus cher mon abonnement pour avoir moins de choix…", résume Alex, joueur historique de la série depuis Black Ops 2.
Derrière les chiffres : la guerre des données et l’avenir du gaming
Au-delà des 300 millions de dollars perdus, c’est une bataille bien plus large qui se joue : celle de la maîtrise des données joueurs. En intégrant Call of Duty au Game Pass, Microsoft récupère une montagne d’informations sur les habitudes de jeu, les dépenses en microtransactions, ou encore les préférences des joueurs. Des données précieuses pour affiner ses algorithmes, cibler ses publicités, et même influencer les futures productions (imaginez un Black Ops 7 conçu en fonction des métriques du Game Pass…).
Mais cette collecte massive pose question. Des associations comme Digital Rights Watch alertent sur les risques pour la vie privée, tandis que des développeurs anonymes chez Treyarch (studio derrière Black Ops 6) confient à Kotaku que "les décisions créatives sont de plus en plus dictées par les analytics, au détriment de l’audace". Un glissement qui pourrait, à terme, standardiser une franchise autrefois connue pour ses prises de risque (comme le mode Zombies ou les campagnes solo ambitieuses).
"Le jour où Call of Duty deviendra un jeu ‘optimisé pour le Game Pass’ avant d’être un jeu optimisé pour le fun, ce sera la fin d’une époque. Et les joueurs le sentiront.", prédit un vétéran du studio sous couvert d’anonymat.
La stratégie de Microsoft avec Call of Duty: Black Ops 6 ressemble à un paradoxe bien moderne : en voulant tout avoir (les joueurs, les données, les revenus récurrents), le géant risque de tout perdre – ou du moins, de voir ses ambitions se heurter à une réalité têtue. Les 300 millions de dollars manquants ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Derrière, se cache une question bien plus épineuse : le gaming est-il prêt à abandonner la propriété des jeux (acheter un titre pour le garder) au profit d’un accès illimité mais précaire (louer un catalogue qui peut changer du jour au lendemain) ?
Pour Black Ops 7, prévu en 2025, Microsoft devra trancher : faut-il recentrer la franchise sur les ventes classiques (au risque de décevoir les abonnés du Game Pass) ou accélérer la transition vers l’abonnement (au risque d’aliéner les joueurs historiques) ? Une chose est sûre : entre Sony qui rit, les régulateurs qui surveillent, et les joueurs qui râlent, la partie ne fait que commencer. Et elle s’annonce beaucoup plus serrée que les matchs en ligne de Black Ops 6.