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GenAI : **"Très séduisante"** selon la patronne de
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L’IA, entre révolution créative et menace sur l’emploi : le dilemme d’Electronic Arts
Battlefield 6 ne contient aucun contenu généré par IA, pourtant Rebecka Coutaz (DICE) et Andrew Wilson (PDG d’EA) en font un pilier stratégique. Entre gains de temps en préproduction, craintes de licenciements (comme chez Activision Blizzard) et rivalité avec Call of Duty, l’éditeur navigue entre innovation et prudence. Un équilibre délicat, alors que des titres comme College Football 25 ou Marvel’s Spider-Man 2 prouvent déjà l’efficacité – et les risques – de ces outils.
A retenir :
- Battlefield 6 sort sans IA générative dans le jeu final, mais EA l’utilise en coulisses pour accélérer la préproduction et libérer du temps créatif.
- Rebecka Coutaz (DICE) qualifie l’IA de **"très séduisante"**, tandis que Fasahat Salim (développeur) y voit un "levier pour repenser les workflows" – mais sans remplacer les humains.
- Licenciements chez Activision (Candy Crush) et restructurations chez EA : l’IA divise, entre promesses d’efficacité et menaces sur l’emploi.
- Concurrence féroce : Battlefield 6 (10 octobre) affronte Call of Duty: Black Ops 7 (novembre) avec un pari risqué : le gameplay avant tout.
- Exemples concrets : College Football 25 (EA Sports) et Marvel’s Spider-Man 2 (Sony) montrent comment l’IA optimise animations et environnements – sans toujours supprimer des postes.
"L’IA est très séduisante" : la confession de la patronne de Battlefield 6
Imaginez un outil capable de gagner des mois de travail en préproduction, de générer des ébauches de niveaux ou d’optimiser des animations… sans jamais apparaître dans le jeu final. C’est le paradoxe de l’intelligence artificielle chez Electronic Arts. Rebecka Coutaz, directrice générale de DICE (studio derrière Battlefield 6), ne cache pas son enthousiasme : lors d’une récente interview, elle a qualifié cette technologie de **"très séduisante"**, soulignant son potentiel pour **"libérer du temps créatif"**. Pourtant, aucune trace de GenAI ne subsiste dans le titre sorti le 10 octobre sur PS5, Xbox Series X|S et PC.
Comment expliquer cette apparente contradiction ? Pour Fasahat "Fas" Salim, développeur sur Battlefield 6, l’IA générative n’est pas une fin en soi, mais un **"levier pour repenser les workflows"**. Concrètement, elle intervient en amont : génération de concepts 3D, tests de mécaniques de jeu, ou même écriture de dialogues provisoires. **"Il s’agit de déterminer comment l’intégrer de manière productive pour élever nos jeux"**, précise-t-il. Une vision partagée par Andrew Wilson, PDG d’EA, qui mise sur une "transition progressive" – avec, à la clé, des créations de postes pour compenser les pertes liées à l’automatisation.
Mais cette optimisme a un goût amer. En avril 2024, Activision Blizzard a licencié des dizaines de développeurs de Candy Crush, remplacés par… des outils d’IA qu’ils avaient eux-mêmes contribué à créer. Un symptôme inquiétant pour un secteur où 56% des studios (selon une étude GDC 2023) utilisent déjà l’IA, mais où seulement 22% ont formé leurs équipes à ses implications éthiques.
Derrière les promesses, la réalité contrastée de l’IA dans le jeu vidéo
Si Battlefield 6 évite soigneusement la GenAI dans son produit final, d’autres titres en font déjà un atout majeur. Prenez College Football 25 (EA Sports) : selon ses créateurs, les outils d’apprentissage automatique ont permis de réduire de 30% le temps consacré aux animations des joueurs. Résultat ? Une sortie plus rapide, sans sacrifier la qualité. Même son de cloche chez Sony, où Marvel’s Spider-Man 2 a bénéficié de systèmes de machine learning pour générer des environnements secondaires ou affiner les mouvements de Peter Parker.
Pourtant, ces succès masquent une réalité plus complexe. **"L’IA est un couteau suisse : elle peut tout faire, mais mal utilisée, elle coupe les doigts"**, résume Cédric B., ancien développeur chez Ubisoft (qui préfère garder l’anonymat). Le risque ? Une standardisation des contenus. **"Si tous les jeux utilisent les mêmes modèles d’IA pour générer des paysages ou des PNJ, on va droit vers une uniformisation visuelle"**, avertit-il. Un comble pour une industrie qui se targue de créativité.
Autre écueil : la propriété intellectuelle. En juin 2024, un scandale a éclaté lorsque des artistes ont découvert que leurs œuvres (publiées sur ArtStation) avaient été utilisées sans consentement pour entraîner des modèles d’IA. EA a dû clarifier sa position : **"Nous n’utilisons que des données licenciées ou internes"**, a assuré un porte-parole. Une précaution qui n’empêche pas les questions juridiques de s’accumuler, notamment sur le statut des créations générées par IA.
Battlefield 6 vs Call of Duty : la guerre des FPS se joue (aussi) sur l’innovation
Sorti le 10 octobre 2024, Battlefield 6 arrive sur un marché ultra-concurrentiel. En face, Call of Duty: Black Ops 7 (prévu en novembre) mise lui aussi sur des technologies de pointe – mais avec une approche différente. Alors qu’EA évite la GenAI dans le jeu final, Activision aurait, selon des rumeurs (Bloomberg, septembre 2024), intégré des outils d’IA pour personnaliser les campagnes solo en fonction du style de jeu.
Un choix risqué pour DICE, qui parie tout sur son gameplay "old-school" : destructions massives, cartes XXL, et 128 joueurs en multijoueur. **"Les fans de Battlefield veulent du chaos organisé, pas des gimmicks technologiques"**, explique Julien "Shroud" Lecomte, streamer et ancien pro. Pourtant, les premiers tests (GameSpot, IGN) soulignent un manque d’innovation flagrant face à Black Ops 7, qui promet une IA dynamique pour les PNJ et des environnements "vivants".
Reste une question : et si l’absence d’IA visible dans Battlefield 6 était justement son atout ? **"Les joueurs en ont marre des jeux générés à la va-vite. Ils veulent du craft, pas du contenu algorithmique"**, tranche Marine, community manager chez Nacon. Une hypothèse que les ventes des prochaines semaines confirmeront… ou pas.
Dans les coulisses d’EA : quand l’IA réinvente (ou menace) les métiers
En 2023, Electronic Arts a annoncé un plan de restructuration incluant 6% de licenciements (soit environ 800 emplois). Officiellement, ces coupes visaient à **"réallouer les ressources vers l’innovation"**. Dans les faits, plusieurs employés (sous couvert d’anonymat) confirment à JeuxVideo.com que des rôles en QA (assurance qualité) et en design de niveaux ont été partiellement automatisés.
"On nous a dit que l’IA allait nous ‘libérer des tâches répétitives’… sauf qu’au final, c’est nos tâches tout court qui ont disparu", témoigne Alex, ex-testeur chez EA Vancouver. Un sentiment partagé par le syndicat STJV (Syndicat des Travailleurs du Jeu Vidéo), qui dénonce **"une course à la productivité au détriment des humains"**. Pourtant, Andrew Wilson reste optimiste : lors de la dernière conférence financière d’EA (août 2024), il a évoqué la création de "nouveaux métiers hybrides", comme **"ingénieur promptiste"** ou **"superviseur de modèles d’IA"**.
Un discours qui peine à convaincre. **"Ces ‘nouveaux postes’ nécessitent des compétences pointues en data science. Or, la plupart des artistes ou game designers n’ont pas ce bagage"**, souligne Amélie, recruteuse spécialisée dans le jeu vidéo. Résultat : une fracture grandissante entre ceux qui maîtrisent l’IA… et les autres.
Et demain ? Trois scénarios pour l’IA dans le jeu vidéo
À en croire les experts, trois futurs possibles se dessinent pour l’IA dans l’industrie :
1. Le scénario "collaboratif" (le plus probable) : les studios comme EA ou Sony utilisent l’IA pour assister les développeurs, sans les remplacer. **"L’outil parfait n’existe pas encore, mais il émergera d’ici 5 ans"**, prédit Olivier, CTO chez Quantic Dream.
2. Le scénario "black box" (le plus risqué) : des éditeurs opaques (comme certains studios mobiles) remplacent massivement des postes par de l’IA, au mépris de la qualité. **"On voit déjà des jeux AAA avec des dialogues générés par IA… et ça se voit"**, grimace Claire, scénariste freelance.
3. Le scénario "régulé" (le plus utopique ?) : sous la pression des syndicats et des joueurs, des lois encadrent l’usage de l’IA, imposant transparence et rémunération des données d’entraînement. **"La France pourrait jouer un rôle clé avec son projet de ‘label éthique’ pour les jeux"**, espère Thomas, juriste chez Ubisoft.
Battlefield 6 incarne à lui seul les contradictions de l’ère GenAI. D’un côté, Rebecka Coutaz et Andrew Wilson en font un levier de créativité, capable de révolutionner la préproduction. De l’autre, les licenciements chez Activision et les restructurations chez EA rappellent que cette technologie bouleverse aussi les carrières. Entre innovation technologique et préservation des équipes, l’équilibre est fragile.
Une chose est sûre : la bataille ne se joue plus seulement entre Battlefield et Call of Duty, mais entre deux visions du jeu vidéo. Celle d’un futur où l’IA complète le travail humain… et celle où elle le remplace. Aux joueurs, désormais, de choisir quel camp ils soutiennent.