Conan O'Brien et son "Clueless Gamer" reviennent avec Borderlands 4 pour une bonne cause

Le retour inattendu d’un segment qui a marqué l’histoire du gaming et de l’humour

Quand Conan O’Brien a lancé "Clueless Gamer" en 2013 sur son late-night show, peu auraient parié que ce segment deviendrait un phénomène culturel. Pourtant, avec ses dizaines d’épisodes, ses invités stars (de Seth Rogen à Kevin Hart) et son mélange unique d’autodérision et de critique gaming, la formule a séduit des millions de spectateurs. Après une pause prolongée—le dernier épisode datait de 2024 avec Death Stranding: Director’s Cut—le retour du segment avec Borderlands 4 était loin d’être anodin. Cette fois, l’enjeu dépasse le simple divertissement : il s’agit de soutenir Next for Autism, une organisation qui conçoit des programmes éducatifs et thérapeutiques pour les personnes autistes et leurs familles.

L’idée d’associer humour et levée de fonds n’est pas nouvelle pour O’Brien, mais le choix de Borderlands 4 comme support est particulièrement judicieux. Le jeu, connu pour son ton satirique, ses personnages excentriques (comme le robot Claptrap, cible favorite des moqueries de l’humoriste) et son univers post-apocalyptique coloré, offre un terrain de jeu idéal pour le style décalé de "Clueless Gamer". Comme le soulignait un producteur de l’émission en 2019 : "Conan a cette capacité à rendre même les jeux les plus complexes accessibles, tout en les démontant avec un humour qui parle à tous, gamers ou non."

L’épisode met en scène Brian Long et Liz Day, les deux donateurs ayant remporté l’enchère sur CharityBuzz avec un montant non divulgué. Leur récompense ? Une partie en duo avec O’Brien, où ce dernier, fidèle à sa réputation, joue mal, critique ouvertement les mécaniques du jeu ("Pourquoi est-ce qu’un jeu aussi absurde a besoin d’une histoire ?"), et exagère ses réactions face aux dialogues de Claptrap. Une recette qui a fait ses preuves : certains épisodes, comme celui avec Mario Kart 8 où Rogen et Efron dessinaient un pénis sur le visage de Conan, ont cumulé plus de 10 millions de vues sur YouTube.

Borderlands 4 : un jeu taillé pour l’humour de Conan, entre satire et excès

Borderlands 4, développé par Gearbox Software et édité par 2K Games, est le dernier opus d’une franchise qui a toujours joué la carte de l’excès. Depuis Borderlands (2009), la série mélange FPS coopératif, loot obsessionnel et humour noir, le tout dans un univers où la folie est reine. Pour un humoriste comme O’Brien, c’est une mine d’or comique : les dialogues surjoués, les quêtes absurdes (comme celle où il faut récupérer des "chaussettes sales" pour un PNJ), et les bugs assumés (certains ennemis ont des hitboxes démesurées) sont autant de cibles faciles.

Dans l’épisode, O’Brien s’attaque particulièrement à Claptrap, le robot bipède devenu mascotte de la série. "Ce truc est plus énervant qu’un enfant de 4 ans qui a mangé trois bonbons rouges", lance-t-il après que le personnage ait enchaîné ses répliques. Une critique qui résonne avec une partie des fans : Claptrap, bien que culte, est souvent pointé du doigt pour son verbiage incessant. Pourtant, comme le note Randy Pitchford, PDG de Gearbox, dans une interview de 2021 : "Claptrap est conçu pour être irritant, mais c’est aussi un miroir de notre propre relation avec la technologie—on l’aime et on la déteste à la fois."

Au-delà de l’humour, Borderlands 4 introduit des nouveautés qui auraient pu alimenter les moqueries de O’Brien :

• Un système de mouvement revu : glissades, sprints et escalades plus fluides, mais que l’humoriste a visiblement du mal à maîtriser ("Je suis coincé dans ce rocher depuis cinq minutes, c’est un feature ou un bug ?").
• Des armes "dynamiques" : certaines changent de comportement en fonction de l’environnement (ex. : un fusil qui gèle les ennemis près de l’eau), une mécanique que O’Brien qualifie de "trop intelligente pour moi".
• Un mode "Chaos 2.0" : un système de modificateurs aléatoires qui rend chaque partie unique—et imprévisible, ce qui arrange bien l’humoriste.

Le jeu sortira le 12 septembre 2024 sur PS5, Xbox Series X|S et PC, avec une version Switch 2 prévue pour octobre, une première pour la franchise sur console Nintendo.

Next for Autism : quand le gaming se met au service d’une cause

Derrière les rires et les vannes sur Borderlands 4, l’épisode de "Clueless Gamer" a un objectif bien plus sérieux : sensibiliser et collecter des fonds pour Next for Autism. Fondée en 2003, cette organisation américaine se concentre sur la création de programmes innovants pour les personnes autistes, allant de l’éducation précoce à l’insertion professionnelle. Parmi ses initiatives phares :

• Project SEARCH + ASD Supports : un programme de formation professionnelle pour jeunes adultes autistes, en partenariat avec des entreprises comme Microsoft et JPMorgan Chase.
• Autism Friendly Spaces : des environnements adaptés (musées, bibliothèques) pour réduire les stimuli sensoriels.
• Research Grants : financement de études sur les thérapies comportementales et les technologies d’assistance.

Le partenariat avec CharityBuzz, plateforme d’enchères caritatives, a permis de lever des centaines de milliers de dollars via des expériences uniques—comme ce duel gaming avec Conan. "Le gaming a ce pouvoir de rassembler des communautés autour de causes importantes", explique Laura Slatkin, co-fondatrice de Next for Autism. "Un épisode comme celui-ci montre que l’humour et l’engagement peuvent coexister."

L’initiative s’inscrit dans une tendance plus large où l’industrie du jeu vidéo se mobilise pour des causes sociales. En 2023, Blizzard avait reversé 12,7 millions de dollars à des associations via ses événements caritatifs, tandis que Riot Games avait lancé "Social Impact Fund" pour soutenir l’éducation et la diversité. Pourtant, des voix critiques, comme celle du journaliste Jason Schreier, rappellent que ces actions restent souvent ponctuelles : "C’est bien de lever des fonds, mais il faudrait aussi que les studios intègrent davantage de personnes neurodivergentes dans leurs équipes de développement."

L’héritage de "Clueless Gamer" : entre succès viral et projets avortés

"Clueless Gamer" n’est pas qu’un simple segment comique : c’est un phénomène médiatique qui a marqué les années 2010. À son apogée, l’émission attirait plus de 3 millions de téléspectateurs par épisode sur TBS, avec des pics à 20 millions de vues sur YouTube. Son succès a même poussé la chaîne à envisager un spin-off dédié, comme l’a confirmé Jeff Ross, producteur exécutif, en 2018 : "On avait un pilote prêt, avec des invités récurrents comme Kumail Nanjiani, mais TBS a finalement choisi de se concentrer sur d’autres formats."

Parmi les épisodes les plus mémorables :

• GTA V (2013) : Conan, perdu dans Los Santos, se fait voler sa voiture par un PNJ et accuse le jeu d’être "une simulation réaliste de ma vie".
• Dark Souls III (2016) : Il passe 20 minutes à mourir contre le premier boss, avant de déclarer "ce jeu est une métaphore de l’échec humain".
• Among Us (2020) : Il triche ouvertement en utilisant le chat vocal pour dénoncer les imposteurs, provoquant l’hilarité générale.

Le segment a aussi eu un impact culturel inattendu. Des développeurs, comme Hideo Kojima, ont réagi à ses critiques : après l’épisode sur Metal Gear Solid V (2015), où O’Brien se plaignait des "cutscenes interminables", Kojima avait tweeté un simple "Touché."

Malgré son arrêt temporaire, "Clueless Gamer" reste un modèle du genre. Comme l’analyse Maddy Myers, rédactrice en chef de Paste Games : "Conan a prouvé que le gaming pouvait être un sujet grand public, pas seulement réservé aux niche audiences. Son approche—mélanger humour, autodérision et vraie passion pour les jeux—a inspiré des dizaines de créateurs." Preuve de son influence, des YouTubeurs comme Duncan "Yogscast" Jones ou Markiplier citent souvent le segment comme une référence.

Borderlands 4 et l’avenir de la franchise : entre innovation et risques

Si "Clueless Gamer" offre une vitrine humoristique à Borderlands 4, le jeu lui-même arrive à un tournant crucial pour la franchise. Après le succès mitigé de Borderlands 3 (2019), critiqué pour son scénario décousu et ses microtransactions agressives, Gearbox mise cette fois sur :

• Une narration plus ambitieuse : avec des choix moraux impactant la fin (une première pour la série).
• Un multijoueur repensé : modes coopératifs asymétriques (ex. : un joueur incarne un ennemi géant).
• Un écosystème cross-platform : sauvegardes et progrès partagés entre PC et consoles.

Pourtant, les défis sont nombreux. Comme le souligne Paul Tassi, journaliste pour Forbes : "Borderlands 4 doit prouver qu’il peut innover sans trahir l’ADN de la série. Les fans veulent du chaos, mais aussi de la profondeur."

La sortie sur Switch 2 en octobre est un autre pari. Bien que la console promette des performances proches des versions PS5/Xbox, les précédents ports de Borderlands sur Switch (comme Borderlands Legendary Collection) avaient souffert de problèmes techniques. Randy Pitchford a assuré que cette version bénéficierait d’optimisations spécifiques, mais les joueurs restent sceptiques.

Enfin, la collaboration avec Conan O’Brien pourrait s’avérer stratégique pour 2K. Comme l’explique Mat Piscatella, analyste chez NPD Group : "Associer un jeu à une personnalité comme Conan, c’est toucher un public qui ne suit pas forcément les sorties gaming. Ça peut booster les précommandes, surtout chez les casual gamers." Avec plus de 1,5 million de précommandes enregistrées en août 2024 (selon VGC), le pari semble déjà payant.