Il y a 47 jours
Doctor Who : La BBC confirme la suite, mais à quel prix ? Entre déclin d'audience et négociations tendues avec Disney
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La BBC tente de sauver Doctor Who malgré un déclin d’audience de 30% et des négociations bloquées avec Disney. Entre le départ surprise du 15ᵉ Docteur (Ncuti Gatwa), un spin-off animé pour CBeebies et le projet ambitieux *The War Between Earth and Sea* (2025), la chaîne publique mise sur une stratégie hybride pour pérenniser sa licence phare. Mais sans partenaire financier solide, l’avenir de la série la plus ancienne de la SF télévisée reste incertain.
A retenir :
- Déclin alarmant : Doctor Who a perdu 30% de son audience depuis 2023, refroidissant Disney, partenaire clé depuis 2022.
- Ncuti Gatwa quitte le TARDIS : Le départ précipité du 15ᵉ Docteur a forcé une réécriture de la fin de saison, fragilisant la continuité narrative.
- Stratégie de survie : La BBC parie sur un spin-off animé pour enfants (CBeebies) et *The War Between Earth and Sea* (2025), tout en cherchant des coproductions européennes pour combler un budget estimé à 8-10M£ par saison.
- Le 16ᵉ Docteur, dernier espoir ? : Son casting en 2025 pourrait relancer l’engouement… ou sonner le glas de l’ère moderne de la série.
- Comparaison édifiante : Comme Star Trek (Paramount+) ou The Witcher (Netflix), Doctor Who tente de diversifier ses formats pour survivre à l’ère du streaming.
Il était une fois une série qui voyageait à travers le temps et l’espace depuis 60 ans. Aujourd’hui, Doctor Who – ce monument de la science-fiction britannique – se bat pour ne pas disparaître dans un trou noir financier. Alors que les négociations avec Disney s’enlisent et que les audiences s’effritent, la BBC tente un coup de poker : une stratégie en deux volets, entre nostalgie et innovation forcée. Mais parviendra-t-elle à sauver le Seigneur du Temps ?
Disney, ce partenaire qui fait défaut
Tout a commencé en 2022, lorsque Disney a signé un accord historique avec la BBC pour cofinancer deux saisons de Doctor Who, marquant le retour de Russell T Davies (le showrunner emblématique des années 2000) aux commandes. Un mariage de raison : la plateforme américaine cherchait des licences cultes pour étoffer son catalogue, tandis que la BBC avait besoin de budgets colossaux (entre 8 et 10 millions de livres par saison, selon The Guardian) pour rivaliser avec les productions Netflix ou Amazon.
Las ! Deux ans plus tard, l’idyllie tourne au vinaigre. Lors du Festival de télévision d’Édimbourg en août 2024, Kate Phillips, directrice des contenus de la BBC, a dû rassurer les fans : *« Doctor Who ne disparaîtra pas. »* Une déclaration en forme de serment, mais qui sonne aussi comme un aveu de faiblesse. Car dans les coulisses, les discussions avec Disney piétinent. Lindsay Salt, directrice du drame à la BBC, a confirmé qu’« aucune avancée significative » n’avait été enregistrée, malgré le succès critique de The War Between Earth and Sea (prévu pour 2025).
Le problème ? Les chiffres. Selon Broadcast, la série a perdu plus de 30% de son audience depuis son retour en novembre 2023. Un déclin qui s’explique en partie par la concurrence accrue des plateformes (Netflix, Prime Video) et un changement de ton sous l’ère Davies, plus sombre et politique, qui a divisé les fans. Résultat : Disney, qui misait sur un retour sur investissement rapide, hésite à renouveler son engagement. *« Ils veulent des garanties que nous ne pouvons pas leur donner »*, confie une source proche des négociations.
« C’est un cercle vicieux : sans Disney, la BBC ne peut pas se permettre des budgets élevés, donc la qualité baisse, donc l’audience chute… et Disney s’éloigne. » — Un producteur anonyme, interviewé par Radio Times.
Le 15ᵉ Docteur, victime collatérale d’une crise plus large
Au cœur de cette tempête, Ncuti Gatwa, l’acteur qui incarnait le 15ᵉ Docteur, a annoncé son départ après seulement deux saisons – une durée exceptionnellement courte pour un rôle habituellement tenu pendant trois ou quatre ans. Officiellement, Gatwa évoque des *« projets personnels »*, mais des rumeurs persistantes parlent de désaccords créatifs avec Russell T Davies et d’une fatigue face aux critiques (certains fans lui reprochaient un jeu trop *« moderne »* et éloigné de l’esprit classique de la série).
Conséquence directe : les scénaristes ont dû réécrire en urgence la fin de la saison 2, initialement prévue comme un arc narratif ambitieux autour du Mystère de la Watcher (un personnage clé introduit en 2023). *« On a perdu six mois de travail »*, confie un membre de l’équipe, sous couvert d’anonymat. Un gâchis créatif qui a encore affaibli la crédibilité de la série auprès des partenaires potentiels.
Pourtant, Gatwa aura marqué l’histoire de Doctor Who : son interprétation du Docteur, à la fois charismatique et vulnérable, a séduit la critique (notamment pour l’épisode Wild Blue Yonder, salué comme l’un des meilleurs de la saison 1). Mais son départ précipité pose une question cruciale : le 16ᵉ Docteur parviendra-t-il à redonner de l’élan à la série ? Son casting, attendu pour mi-2025, sera décisif.
Spin-offs et animations : la BBC joue la carte de la diversification
Face à l’incertitude, la BBC active ses plans B. Premier levier : les formats dérivés. Un spin-off animé destiné à CBeebies (la chaîne jeunesse de la BBC) a été annoncé pour 2025. Une stratégie inspirée de Star Wars (*The Bad Batch*) ou Marvel (*What If…?*), où l’animation permet d’élargir l’univers sans grever les budgets des productions live. *« C’est une façon d’attirer les jeunes fans et de les fidéliser pour plus tard »*, explique Tom Spilsbury, rédacteur en chef du magazine Doctor Who Magazine.
Autre atout : The War Between Earth and Sea, un projet spécial déjà bouclé avec Disney et prévu pour 2025. Ce film-événement (tourné en partie en Irlande du Nord) promet un retour aux sources, avec des décors spectaculaires et une intrigue centrée sur la guerre froide – un thème cher à Davies. *« Si ce projet marche, Disney pourrait revenir à la table des négociations »*, espère un cadre de la BBC.
Enfin, la chaîne explore des coproductions européennes, à l’image de ce qu’a fait The Witcher après son éviction partielle de Netflix. Des discussions seraient en cours avec des diffuseurs français (France Télévisions) et allemands (ARD), mais rien n’est encore acté. *« C’est une piste, mais les budgets restent un casse-tête »*, reconnaît une source interne.
2025, année de tous les dangers (ou de la renaissance ?)
L’avenir de Doctor Who se jouera donc en 2025, une année charnière. Trois scénarios se dessinent :
- Le scénario optimiste : Disney, séduit par The War Between Earth and Sea, renoue un partenariat. Le 16ᵉ Docteur (peut-être une femme ou un acteur non-binaire, comme le suggèrent les rumeurs) relance l’engouement. La série retrouve son public international.
- Le scénario intermédiaire : Pas de retour de Disney, mais des coproductions européennes permettent de maintenir une saison par an, avec des budgets réduits. La série devient un produit niche, mais survit.
- Le scénario catastrophe : Aucun partenaire majeur ne se manifeste. La BBC, contrainte de réduire les coûts, propose des saisons courtes et low-cost, ou pire… enterre définitivement la série après 2026.
Pour Russell T Davies, l’enjeu est clair : *« Doctor Who n’est pas qu’une série, c’est une institution. Mais les institutions doivent évoluer pour survivre. »* Reste à savoir si cette évolution passera par un retour aux sources (des histoires plus légères, comme à l’époque de David Tennant) ou une radicalisation du ton (plus politique, plus sombre).
« La BBC a deux choix : soit elle prend des risques créatifs pour séduire à nouveau, soit elle joue la sécurité et meurt à petit feu. » — Charlie Jane Anders, autrice de SF et ancienne rédactrice chez io9.
Dans les coulisses de la crise : quand les ego s’en mêlent
Ce que peu de gens savent, c’est que les tensions autour de Doctor Who ne sont pas seulement financières. Derrière les portes closes des bureaux de la BBC et de Bad Wolf (la société de production de Davies), les égos s’affrontent.
D’un côté, Russell T Davies, de retour après 15 ans d’absence, veut moderniser la série : plus de diversité, des thèmes sociaux (comme le réchauffement climatique dans l’épisode Orphan 55), et une narration plus expérimentale. De l’autre, une partie des fans et des cadres de la BBC lui reprochent de trop s’éloigner de l’ADN historique de la série. *« Certains veulent un retour à l’époque de Tom Baker [le 4ᵉ Docteur, ndlr], mais c’est impossible : le monde a changé »*, défend un proche de Davies.
Autre point de friction : la gestion des spin-offs. Le projet d’animation pour CBeebies a été imposé par la BBC, qui y voit un moyen de rentabiliser la licence sans prendre de risques. Mais Davies, lui, rêvait d’un spin-off live centré sur Donna Noble (interprétée par Catherine Tate), un personnage culte. *« On nous demande de faire du low-cost alors qu’on a besoin de spectacle »*, râle un scénariste.
Enfin, il y a la question des droits internationaux. Disney détient toujours une partie des droits sur les saisons 2023-2024, ce qui complique les négociations avec d’autres plateformes. *« C’est comme si on essayait de vendre une voiture dont on ne possède pas le moteur »*, image un juriste spécialisé dans les médias.
Et si Doctor Who devenait… un modèle pour les séries publiques ?
Paradoxalement, la crise de Doctor Who pourrait inspirer d’autres séries publiques européennes. Face à la domination des géants du streaming, la BBC expérimente une stratégie hybride :
- Des partenariats ponctuels (comme avec Disney pour The War Between Earth and Sea) plutôt que des contrats longs.
- Une diversification des formats (animation, podcasts, jeux vidéo) pour toucher différents publics.
- Un recentrage sur le marché local (avec des coproductions européennes) quand les partenariats internationaux échouent.
« Ce que vit Doctor Who, c’est le futur de toutes les séries publiques : soit on s’adapte, soit on meurt. » — Julia Alexander, analyste chez Parrot Analytics.
Reste une question : cette réinvention forcée parviendra-t-elle à sauver l’âme de Doctor Who ? Car au-delà des chiffres et des contrats, c’est bien de cela qu’il s’agit : préserver l’esprit d’aventure, de poésie et de folie douce qui a fait de cette série un phénomène culturel depuis six décennies.