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La Larga Marcha : l’adaptation glaçante de Stephen King divise et fascine – premières réactions
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Pourquoi *La Larga Marcha* pourrait devenir le film culte de 2024
Francis Lawrence resuscite l’un des romans les plus sombres de Stephen King, publié en 1979 sous le pseudonyme de Richard Bachman, avec une adaptation qui défie les codes des dystopies modernes. Là où Hunger Games ou Battle Royale misaient sur l’action frénétique, La Larga Marcha opte pour une tension psychologique étouffante, portée par une mise en scène épurée et une performance bouleversante de Cooper Hoffman (fils de Philip Seymour Hoffman).
Avec un budget modeste (35M$) et une violence suggérée inspirée de Kubrick, le film divise : certains y voient une œuvre trop contemplative, d’autres une métaphore glaçante de la jeunesse sacrifiée, fidèle à l’esprit originel du roman. Entre horreur intérieure et réalisme brut, cette marche mortelle s’annonce comme l’adaptation la plus audacieuse de King depuis Shining.
A retenir :
- Une dystopie sans fard : Francis Lawrence (Hunger Games) rompt avec le spectacle pour une tension psychologique proche de Full Metal Jacket, avec des plans-séquences haletants et une violence sourde inspirée de Kubrick.
- Cooper Hoffman, révélation tragique : Le fils de Philip Seymour Hoffman livre une performance minimaliste et poignante, comparée à Miles Teller dans Whiplash, incarnant l’épuisement mental des marcheurs avec un réalisme glaçant.
- Un parti pris radical : l’ellipse comme arme : Contrairement aux adaptations récentes de King (It, Doctor Sleep), le film mise sur l’imagination du spectateur, suggérant les morts plutôt que les montrant – un choix qui divise (Screen Rant parle de "fidélité radicale", Variety de "prudence excessive").
- Budget modeste, ambition démesurée : Avec 35M$ (contre 128M pour Dune), Lawrence prouve qu’une dystopie peut marquer les esprits sans effets spéciaux, en misant sur l’angoisse pure et une photographie oppressante.
- Une résonance contemporaine troublante : Le film est comparé à Squid Game pour son cadre sadique, mais s’en distingue par son absence de glamour – une métaphore crue sur la compétition sociale et l’usure de la jeunesse.
"Un Bachman renaît en force" : quand Stephen King rencontre Kubrick
En 1979, Stephen King publiait The Long Walk sous le pseudonyme de Richard Bachman, un stratagème pour explorer des récits plus noirs, loin des attentes commerciales liées à son nom. 45 ans plus tard, ce roman dystopique – où 100 adolescents s’engagent dans une marche sans fin, sous peine de mort – trouve une résonance inquiétante avec notre époque obsédée par la performance et la survie.
L’adaptation cinématographique, intitulée La Larga Marcha (titre espagnol retenu pour l’international), est portée par Francis Lawrence, réalisateur des Hunger Games. Mais là où ces derniers misaient sur l’action spectaculaire, ce nouveau projet embrasse l’horreur psychologique, plus proche de l’esprit originel de King. "Une plongée dans l’absurde et le désespoir, où chaque pas est une torture mentale", résume The Playlist après une projection test.
Le choix de Lawrence est audacieux : pas de combats chorégraphiés, pas de décors futuristes tape-à-l’œil. Juste une route infinie, des visages creusés par la fatigue, et une caméra qui épouse le rythme haletant des marcheurs. Une approche qui rappelle Running Man (1987) – autre adaptation de Bachman – mais dépouillée de son côté kitsch, ou encore Cube (1997), où l’horreur naît de l’enfermement et de l’inconnu.
Pourquoi ce roman, pourquoi maintenant ? The Long Walk n’était pas le plus évident à adapter : pas de monstres, pas de surnaturel, juste une mécanique implacable où des jeunes gens marchent jusqu’à l’épuisement, éliminés au moindre faux pas. Pourtant, dans un monde où les réseaux sociaux et les réalités télévisées poussent à l’extrême (cf. Squid Game), cette fable sur la jeunesse sacrifiée semble terrifiantement actuelle.
Francis Lawrence : l’architecte d’une descente aux enfers
Après avoir marqué The Hunger Games de son style visuel, Lawrence prend un virage à 180 degrés. Ici, pas de couleurs saturées, pas de costumes extravagants. Juste une photographie terne, des plans serrés sur des pieds ensanglantés, et une bande-son minimaliste où le silence devient oppressant. "Une esthétique qui rappelle Kubrick dans Shining : l’horreur par l’absence", note IndieWire.
Le réalisateur assume un rythme contemplatif, loin des standards hollywoodiens. Les scènes de mort sont suggérées, jamais montrées frontalement – un parti pris qui divise. Screen Rant y voit une "fidélité radicale au roman", où King décrivait la terreur par les réactions des personnages, jamais par des effets gore. À l’inverse, Variety critique une "prudence excessive", estimant que le film "manque de punch" face à des dystopies comme Battle Royale.
Le génie de Lawrence ? Avoir compris que The Long Walk n’est pas une course, mais une marche funèbre. Les marcheurs ne courent pas : ils traînent les pieds, hallucinés, brisés. La caméra les suit en plans-séquences épuisants, comme dans Full Metal Jacket, où la folie rampante devient le vrai ennemi. "On pense à A Clockwork Orange pour la violence sourde, mais aussi à Into the Wild pour le dépouillement", analyse Empire.
Cooper Hoffman, ou l’art de jouer l’épuisement
Le choix de Cooper Hoffman pour incarner le protagoniste, Ray Garraty, était un pari risqué. Fils de Philip Seymour Hoffman, le jeune acteur (29 ans) porte sur ses épaules le poids d’un rôle physiquement et mentalement exténuant. Et selon les premiers retours, il relève le défi avec brio.
Son interprétation est minimaliste : peu de dialogues, beaucoup de regards vides, de soupirs étouffés, de mouvements mécaniques. "Il rappelle Miles Teller dans Whiplash, mais en version tragique et déshumanisée", écrit The Hollywood Reporter. Une performance qui transcende le film, donnant une dimension humaine à ce cauchemar collectif.
Autour de lui, un casting de jeunes acteurs peu connus (dont Jovan Adepo, vu dans Watchmen) compose une galerie de personnages aussi crédibles qu’effrayants. Pas de héros, juste des victimes consentantes, chacune avec ses faiblesses et ses illusions. "Un miroir tendu à une génération sacrifiée sur l’autel de la compétition", résume Collider.
"On ne marche pas, on survit" : la métaphore qui dérange
The Long Walk n’est pas qu’un thriller dystopique : c’est une allégorie cruelle sur la jeunesse broyeuse, la compétition absurde, et l’obéissance aveugle. King lui-même a expliqué que le roman était né d’un cauchemar récurrent où il se voyait "forcé de marcher sans savoir pourquoi".
Francis Lawrence pousse cette idée plus loin en déshumanisant les organisateurs de la marche. On ne voit jamais leurs visages, on n’entend que leurs voix métalliques, comme dans 1984. Pas de méchants caricaturaux, juste un système – une critique à peine voilée du capitalisme extrême et des réalités télévisées qui exploitent la souffrance.
"C’est plus actuel que jamais", estime Slate, qui voit dans le film un "miroir des réseaux sociaux, où l’on s’épuise à performer pour des likes". Une lecture que partage The Guardian : "Une métaphore parfaite pour une génération burn-out, condamnée à courir après des objectifs vides de sens."
Budget modeste, ambition colossale : le pari gagnant ?
Avec 35 millions de dollars (contre 128M pour Dune), La Larga Marcha prouve qu’une dystopie peut marquer les esprits sans effets spéciaux. Lawrence mise tout sur :
- Une photographie réaliste : des routes désertes, des forêts hostiles, une lumière sans glamour.
- Un son immersif : le souffle des marcheurs, le craquement des articulations, les silences pesants.
- Des décors naturels : tourné dans le Maine (comme beaucoup d’œuvres de King), le film évite les plateaux artificiels pour un réalisme brut.
Résultat : une atmosphère unique, entre Into the Wild et The Road. "Un film qui vous hante bien après le générique", écrit Total Film, tandis que Rolling Stone le qualifie de "expérience cinématographique épuisante… dans le bon sens du terme."
Pourtant, tous ne sont pas convaincus. Deadline regrette un "manque de rythme", et THR trouve que le film "s’étire en longueur". "C’est volontaire", défend Lawrence : "La marche doit être épuisante à regarder, comme elle l’est pour les personnages."
Comparaisons inévitables : entre Hunger Games et Shining
Impossible d’évoquer La Larga Marcha sans la comparer à d’autres dystopies. Pourtant, le film s’en distingue radicalement :
The Hunger Games Battle Royale La Larga Marcha Action spectaculaire Violence graphique Tension psychologique Décors colorés Esthétique cyberpunk Réalisme terne Héroïne charismatique Adolescents rebelles Anti-héros brisésLa vraie comparaison, selon les critiques, est avec Kubrick : "Un mélange de Full Metal Jacket pour la folie collective, et de Shining pour l’horreur sourde" (Little White Lies). Même la musique, signée Jóhann Jóhannsson (compositeur de Sicario), rappelle les nappes sonores angoissantes de 2001, l’Odyssée de l’espace.
Le mot de la fin : une adaptation fidèle, mais pour qui ?
La Larga Marcha ne plaira pas à ceux qui cherchent du divertissement pur. C’est un film exigeant, lent, parfois désespérant. Mais c’est aussi une œuvre profondément fidèle à l’esprit de King – bien plus que It ou Doctor Sleep, souvent critiqués pour leurs excès visuels.
Les fans du roman devraient être satisfaits : Lawrence a conservé les dialogues clés, l’ambiguïté du système, et surtout, l’absence de happy end. "Enfin une adaptation qui ne trahit pas King", se réjouit Bloody Disgusting.
Pour les autres, ce sera une expérience – à la fois fascinante et éprouvante. Comme le dit IndieWire : "Ce n’est pas un film que l’on regarde, c’est un film que l’on subit."