Netflix : *Chicken Run*, le coup de génie qui a révolutionné l’animation face à Disney

2000 : quand un film de poules a fait trembler l’empire Disney

Imaginez la scène : **1999**, les studios **Disney** enchaînent les succès avec *Tarzan* et *Toy Story 2*, tandis que **DreamWorks** tente de percer avec *Le Prince d’Égypte*. Dans ce paysage dominé par les **géants américains**, un petit studio britannique, **Aardman Animations**, prépare un coup d’éclat. Leur arme ? Un film en **stop-motion** mettant en scène… des **poules en révolte**.
Sorti en **juin 2000**, *Chicken Run: Evasion en la ferme* (*Chicken Run*) devient **l’un des plus gros succès critiques et publics de l’année**. Avec **224,8 millions de dollars** de recettes mondiales (pour un budget de **45 millions**), il pulvérise les attentes et prouve qu’une **animation artisanale**, loin des standards Disney, peut séduire **toutes les générations**.
Le secret de cette alchimie ? Un mélange explosif :

• Un humour typiquement britannique : entre **absurde** (des poules qui rêvent de voler) et **noir** (la menace constante du **four à tarte** de Mme Tweedy).
• Une intrigue universelle : une **allégorie de la résistance** (la ferme comme camp de concentration ?) et de la **quête de liberté**.
• Une prouesse technique : **53 animateurs**, **3 ans de tournage**, et **850 000 poses** pour donner vie à 90 minutes de film.

Résultat : une **nomination aux Oscars** (Meilleur film d’animation, 2001) et un statut de **classique instantané**. Comme le résumait The Guardian en 2020 : *« Chicken Run a fait pour le stop-motion ce que Pulp Fiction a fait pour le cinéma indépendant – en prouver la viabilité commerciale. »*

Ginger, Rocky et les autres : des personnages plus humains que bien des héros Disney

Au cœur du film, **Ginger** (voix de **Julia Sawalha** en VO, **Marina Foïs** en VF), une poule **stratège et rebelle**, incarne l’espoir d’un monde meilleur. Son objectif ? Organiser l’évasion de la **Ferme Tweedy**, où les poules sont **parquées comme du bétail** avant de finir en **tarte ou en nuggets**. Un scénario qui, sous ses airs de comédie, aborde des thèmes **surprisingly matures** :

• La déshumanisation : les poules sont réduites à des **numéros** (comme dans les camps de prisonniers).
• La propagande : le coq **Rocky** (voix de **Mel Gibson**), star de cirque déchu, est d’abord perçu comme un **sauveur manipulator**.
• Le sacrifice : certains personnages acceptent de **risquer leur vie** pour le groupe.

À leurs côtés, une galerie de seconds rôles **mémorables** :

• Babs, la poule **naïve mais courageuse** (voix de **Jane Horrocks**).
• Fowler, le vieux coq **parano et survivant de la Seconde Guerre mondiale** (un clin d’œil à l’humour **Monty Python**).
• Mme Tweedy (voix de **Miranda Richardson**), **cruelle et grotesque**, inspirée des méchants de **Roald Dahl**.

Le génie du film ? **Équilibrer comédie et drame** sans jamais tomber dans le **moralisme**. Les gags visuels (comme la **machine à voler artisanale**) côtoient des scènes **poignantes**, comme le discours de Ginger : *« Je ne veux pas finir en tarte. Je veux vivre ! »* – une réplique devenue **culte**.

"On a mis 22 ans à faire la suite… et ça valait le coup !"

Après un tel succès, une suite semblait **évidente**. Pourtant, il aura fallu **22 ans** pour que *Chicken Run: L’Aube des nuggets* (*Chicken Run: Dawn of the Nugget*) voie le jour, en **décembre 2023**. Pourquoi un tel délai ?
Trois raisons principales :

1. La perfection technique : Aardman a refusé de **brader la qualité**. La suite combine **stop-motion traditionnel** et **effets numériques** pour des séquences plus dynamiques (comme la **course-poursuite en camion**).
2. Un scénario ambitieux : l’histoire se déplace vers une **usine de nuggets**, où Ginger et Rocky (devenus parents de **Molly**) doivent sauver des **milliers de poules** d’un sort bien pire que la tarte.
3. Les aléas de la production : entre **changements de financeurs** et **pandémie**, le projet a failli être abandonné plusieurs fois.

Le résultat ? Un film **plus sombre** que le premier, mais tout aussi **drôle et inventif**. Les critiques ont salué :

• L’**évolution des personnages** : Molly, **ado rebelle**, apporte un **souffle nouveau**.
• Les **clins d’œil au premier film** (le retour de la **machine à voler**, les running gags avec Fowler).
• Une **satire mordante** de l’industrie agroalimentaire (les poules sont **transformées en nuggets** comme à la chaîne).

Pourtant, certains fans **puristes** ont critiqué l’usage accru du **numérique**, estimant que le film perdait un peu de son **âme artisanale**. Comme l’écrivait Empire Magazine : *« C’est toujours du Aardman, mais avec un peu moins de magie manuelle. »* Malgré cela, le film a obtenu **79 % d’approbation sur Rotten Tomatoes** et confirmé que l’univers de *Chicken Run* avait encore **beaucoup à offrir**.

Netflix, nouvelle terre d’asile pour l’animation alternative

En intégrant *Chicken Run* et sa suite à son catalogue (depuis le **1ᵉʳ septembre 2025**), **Netflix** envoie un signal fort : la plateforme mise sur des **œuvres audacieuses**, loin des **formules Disney ou Pixar**.
Cette stratégie s’inscrit dans une **tendance plus large** :

• L’acquisition de films **Ghibli** (*Le Château ambulant*, *Princesse Mononoké*).
• La production de **pépites originales** comme *Klaus* (2019), un autre film d’animation **artisanale** nommé aux Oscars.
• Le soutien à des **créateurs indépendants**, comme **Nora Twomey** (*Le Pain perdu*).

Pour les abonnés, c’est une **aubaine** : (re)découvrir *Chicken Run* en **4K**, avec des **bonus inédits** (making-of, interviews des animateurs). Et pour Netflix, c’est l’occasion de **se différencier** dans un marché saturé de **contenus formatés**.
Comme le souligne **Peter Lord**, cofondateur d’Aardman : *« Netflix comprend que le public a soif de diversité. Un film comme Chicken Run n’est pas juste pour les enfants – c’est pour tous ceux qui aiment les histoires bien racontées. »*

Pourquoi *Chicken Run* reste un modèle (et pas seulement pour l’animation)

Au-delà de son succès commercial, *Chicken Run* incarne **trois leçons intemporelles** pour le cinéma :

1. L’audace paie : en **2000**, parier sur du **stop-motion** pour un blockbuster était un **risque énorme**. Aujourd’hui, le film est étudié dans les **écoles de cinéma**.
2. L’humour intelligent peut toucher tous les publics : entre **jeux de mots** (le nom "Tweedy" joue sur "tweed", tissu britannique, et "weedy", chétif) et **références culturelles** (la ferme rappelle les **camps de la Seconde Guerre mondiale**), le film **niveau multiple**.
3. La technique au service de l’émotion : chaque **détail manuel** (les plumes des poules, les expressions des personnages) renforce l’**immersion**. Comme le disait un animateur d’Aardman : *« Quand vous savez que chaque mouvement a demandé des heures de travail, vous regardez le film différemment. »*

Enfin, *Chicken Run* rappelle que les **meilleurs films d’animation** ne sont pas forcément ceux qui **coûtent le plus cher**, mais ceux qui **osent le plus**. Dans un paysage dominé par les **franchises Disney** et les **reboots**, son héritage est plus actuel que jamais.
Et si la vraie révolution, ce n’était pas de **battre Disney**, mais de prouver qu’il existe **d’autres façons de raconter des histoires** ?

Derrière les caméras : les secrets d’un tournage (très) mouvementé

Saviez-vous que :

• Les animateurs devaient **porter des gants** pour ne pas laisser d’empreintes sur les **maquettes en argile**.
• La **scène du tunnel** (où les poules creusent leur évasion) a nécessité **6 mois de travail** pour… **20 secondes à l’écran**.
• Le **coq Rocky** était à l’origine écrit comme un **Américain arrogant**, avant que Mel Gibson n’en fasse un **anti-héros charismatique**.
• Les **œufs en plastique** utilisés dans le film étaient **peints à la main** un par un (plus de **2 000** au total).
• La **machine à voler** de Ginger a été inspirée par les **inventions farfelues** de **Léonard de Vinci**.

Mais le tournage a aussi été marqué par des **défis imprévus** :

• Un **incendie** dans les studios a failli détruire les décors de la **ferme**.
• Les **poules en argile** fondaient sous les **projecteurs** (il a fallu inventer un système de refroidissement).
• La **voix de Mme Tweedy** (Miranda Richardson) a été enregistrée en **une seule prise** pour garder son **ton hystérique**.

Comme le confiait **Nick Park** (créateur de *Wallace et Gromit*) : *« Chicken Run, c’était comme construire un avion en volant. On ne savait pas si ça marcherait… jusqu’à ce que ça marche. »*