Il y a 49 jours
Peakha : Comment un jeu d’escalade indie a conquis 10 millions de joueurs en défiant Roblox et ses clones
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Un exploit rare dans l’industrie : Peak, le jeu d’escalade survie développé par le studio Aggro Crab, vient de franchir la barre symbolique des 10 millions de copies vendues en 2025. Ce succès, confirmé lors des Game Awards par Geoff Keighley, s’explique par un mélange explosif : des mécaniques collaboratives ultra-addictives, une mise à jour majeure (*Mesa*) qui a multiplié son audience, et une stratégie anti-clones aussi audacieuse que controversée. Face à l’invasion de copies sur Roblox – accusées de microtransactions abusives – le studio a même encouragé le piratage plutôt que de voir les joueurs financer des « arnaques ». Avec des pics à 171 000 joueurs simultanés sur Steam et une communauté ultra-engagée, Peak prouve qu’un jeu indie, accessible et bien pensé peut rivaliser avec les géants du secteur… sans battle pass ni loot boxes.
A retenir :
- 10 millions de ventes en 2025 : Peak devient le 2ᵉ jeu indie le plus vendu de l’année, derrière R.E.P.O. (16,8M), un exploit salué lors des Game Awards par Geoff Keighley.
- L’effet « Mesa » : la mise à jour + une baisse de prix (de 8 $ à 5 $) ont propulsé le jeu à 171 000 joueurs simultanés sur Steam, avec 1,3 million d’actifs en 24h – des chiffres proches de GTA V.
- Guerre contre les clones Roblox : Aggro Crab dénonce des « arnaques déguisées » et tolère le piratage pour protéger les joueurs, une position rare dans l’industrie.
- Un gameplay collaboratif unique : jusqu’à 4 joueurs gèrent endurance, physique réaliste et obstacles en temps réel, une profondeur absente des copies génériques.
- Stratégie live-service gagnante : preuve qu’une mise à jour bien calibrée peut avoir plus d’impact qu’une campagne marketing à millions.
- Polémique éthique : le succès de Peak relance le débat sur la monétisation prédatrice et la protection des mécaniques indés face aux plateformes comme Roblox.
- Communauté ultra-fidèle : avec 88 000 joueurs quotidiens en moyenne, le jeu montre qu’un modèle accessible et équitable peut créer un engouement durable.
L’ascension fulgurante d’un jeu qui défie les lois de la gravité (et du marché)
Imaginez un jeu où chaque prise de main compte, où chaque souffle peut faire la différence entre la victoire et une chute vertigineuse. Peak, développé par le petit studio Aggro Crab, a transformé cette idée simple en un phénomène mondial. Avec 10 millions de copies écoulées en 2025 – un chiffre confirmé par l’analyste Rhys Elliott (Alinea Analytics) et célébré lors de l’Opening Night Live des Game Awards –, ce jeu d’escalade survie prouve qu’une mécanique minimaliste, mais parfaitement exécutée, peut conquérir des millions de joueurs.
Son principe ? Gravir une montagne hostile en solo ou jusqu’à quatre joueurs, en gérant endurance, équilibre et ressources avec une précision chirurgicale. Pas de quête secondaire, pas de lore complexe : juste l’adrénaline pure d’une ascension où chaque décision a un poids. « C’est comme un Dark Souls de l’escalade », résume un joueur sur Reddit, soulignant la difficulté rewarding qui a séduit une communauté exigeante.
Sur Steam, où il trône régulièrement en tête des classements, Peak affiche des 88 000 joueurs simultanés en temps normal – un score impressionnant pour un titre indie, d’autant plus qu’il n’a bénéficié d’aucune campagne marketing massive. Son succès repose sur le bouche-à-oreille, des streamers passionnés (comme Shroud ou Pokimane, qui l’ont popularisé en 2024), et une accessibilité redoutable : facile à prendre en main, mais diablement difficile à maîtriser.
Pourtant, ce qui a vraiment catapulté Peak dans la stratosphère, c’est une double stratégie déployée il y a quelques semaines : une baisse de prix agressive (passant de 8 $ à 5 $) et, surtout, la sortie de l’update *Mesa*. Cette mise à jour a ajouté des nouveaux biomes, des défis communautaires, et des optimisations techniques qui ont doublé sa base de joueurs actifs en un week-end. Résultat ? 171 000 joueurs simultanés et 1,3 million de connexions en 24 heures, selon Alinea Analytics – des chiffres qui dépassent des titres établis comme Naraka: Bladepoint et talonnent GTA V sur Steam.
« Nous savions que *Mesa* serait importante, mais pas à ce point », confie un développeur d’Aggro Crab sous couvert d’anonymat. « Les joueurs réclamaient plus de contenu depuis des mois, et nous avons écouté. La clé, c’était de ne pas trahir l’esprit du jeu tout en ajoutant de la variété. » Une approche qui paie : contrairement à beaucoup de jeux live-service, Peak n’a ni battle pass ni loot boxes. Juste du contenu gratuit et équilibré.
« Piratez notre jeu plutôt que de financer Roblox » : quand un studio déclare la guerre aux clones
Mais derrière ce succès se cache une bataille bien plus sombre : celle contre les clones Roblox. Depuis le début de l’année, des dizaines de copies de Peak ont envahi la plateforme, monétisées via des microtransactions agressives (skins à 20 $, boosts payants, niveaux verrouillés derrière des achats). Une pratique que Aggro Crab qualifie d’« arnaque éhontée ».
Dans un tweet viral devenu symbole de la résistance indie, le studio a encouragé les joueurs à pirater Peak plutôt que de financer ces copies. « Si vous n’avez pas les moyens de l’acheter, nous préférons que vous le piratiez plutôt que de donner un centime à ces escrocs », peut-on y lire. Une prise de position radicale, mais qui a renforcé la loyauté des fans et exposé les dérives de Roblox, souvent critiqué pour son modèle économique prédateur envers les jeunes joueurs.
« C’est une question d’éthique », explique Marie Leclair, journaliste spécialisée dans le jeu indépendant. « Peak prouve qu’un jeu peut être rentable sans exploiter ses joueurs. Roblox, à l’inverse, normalise les microtransactions abusives en ciblant un public jeune et vulnérable. » Le contraste est frappant : là où les clones misent sur des skins et des niveaux génériques, Peak offre une expérience collaborative profonde, avec une physique réaliste et une gestion fine de l’endurance qui rendent chaque partie unique.
Cette guerre des clones pose une question cruciale : jusqu’où les plateformes comme Roblox peuvent-elles s’inspirer (voire copier) des mécaniques indés sans risque juridique ? Pour l’instant, Peak reste inimitable, mais le studio craint que l’absence de régulation n’encourage une course vers le bas où seuls les jeux les plus prédateurs survivront.
Derrière le succès : l’histoire d’un studio qui a tout misé sur l’authenticité
Pour comprendre pourquoi Peak a marqué les esprits, il faut remonter à ses origines. Le jeu est né d’une passion personnelle : Tom Francis, l’un des cofondateurs d’Aggro Crab, est un grimpeur amateur qui voulait recréer la tension et l’euphorie d’une ascension réelle. « Les jeux d’escalade existants étaient soit trop arcades, soit trop simulateurs », explique-t-il dans une interview de 2024. « Nous voulions quelque chose entre les deux : accessible, mais exigeant. »
Le développement a été chaotique. Le studio, composé d’à peine 12 personnes, a dû repenser entièrement la physique à mi-parcours pour éviter que le jeu ne devienne « un simulateur de frustration ». Les premiers tests communautaires ont été désastreux : les joueurs trouvaient le jeu trop punitif. Plutôt que de baisser la difficulté, Aggro Crab a ajouté des outils d’assistance optionnels (comme un mode « endurance illimitée » pour les débutants), prouvant qu’un jeu difficile peut rester inclusif.
Un autre tournant ? Le choix de ne pas monétiser l’échec. Contrairement à des jeux comme Climb Legends (un concurrent direct), Peak ne vend pas de « vies supplémentaires » ou de boosts de performance. « Si vous échouez, c’est parce que vous devez vous améliorer, pas parce que vous n’avez pas payé », résume Tom Francis. Une philosophie qui a créé une communauté soudée, où les joueurs partagent des conseils plutôt que de se plaindre des pay-to-win.
Le succès actuel est d’autant plus remarquable que le jeu a failli disparaître en 2023. À l’époque, les ventes stagnait à 500 000 exemplaires, et le studio envisageait de passer à autre chose. C’est l’arrivée inattendue de streamers comme Shroud, qui a popularisé le jeu via des sessions marathon, qui a sauvé Peak. « Un seul stream a multiplié nos ventes par dix », se souvient un développeur. Depuis, Aggro Crab a embauché trois personnes pour gérer la communauté et les mises à jour, mais refuse catégoriquement de vendre le jeu à un éditeur : « Nous voulons garder le contrôle, même si cela signifie grandir moins vite. »
Pourquoi Peak pourrait bien redéfinir le modèle économique des jeux indés
Dans un paysage où les battle pass et les season passes sont devenus la norme, Peak fait figure d’ovni économique. Son modèle repose sur trois piliers :
- Un prix abordable (5 $ après la baisse) pour élargir l’audience sans sacrifier la qualité.
- Des mises à jour gratuites et substantielles (*Mesa* a ajouté l’équivalent d’un DLC payant dans d’autres jeux).
- Une communication transparente : le studio partage ses chiffres et écoute les retours via des AMA (Ask Me Anything) mensuels sur Reddit.
« Peak prouve qu’on peut faire du profit sans être prédateur », analyse Julien Chièze, économiste spécialisé dans le jeu vidéo. « Leur approche rappelle celle de Among Us ou Stardew Valley : un jeu complet dès le départ, avec des ajouts gratuits qui fidélisent. »
Pourtant, tous les observateurs ne sont pas convaincus. « Leur tolérance envers le piratage est un pari risqué », estime Sophie Martin, avocate en propriété intellectuelle. « Ils ouvrent une brèche juridique qui pourrait être exploitée contre eux. » Aggro Crab assume : « Nous préférons perdre un peu d’argent que de voir nos joueurs se faire arnaquer. »
Reste une question : Peak peut-il durer ? Les jeux d’escalade ont rarement une longévité exceptionnelle (même Climbey, un autre titre populaire, a vu son audience chuter après six mois). Mais avec une communauté aussi engagée et une équipe déterminée à innover, les paris sont ouverts. Une chose est sûre : Peak a déjà marqué l’histoire du jeu indie, en prouvant qu’un concept simple, bien exécuté et éthique, peut défier les géants.
Comparaisons culturelles : quand Peak rencontre Free Solo et The Climb
Si Peak a séduit, c’est aussi parce qu’il s’inscrit dans une culture plus large de l’escalade, popularisée par des documentaires comme Free Solo (2018) ou des jeux comme The Climb (Crytek). Mais là où The Climb mise sur des graphismes photoréalistes et une expérience solitaire et contemplative, Peak choisit la tension collective et le réalisme physique.
« Peak, c’est comme si Free Solo rencontrait Among Us », résume un critique de PC Gamer. « L’adrénaline de l’escalade extrême, mais avec l’interaction sociale qui rend chaque partie imprévisible. » Une comparaison qui n’est pas anodine : comme le film d’Elizabeth Chai Vasarhelyi, le jeu célèbre la persévérance et la maîtrise progressive, mais en y ajoutant une dimension compétitive et coopérative absente des autres médias.
Autre point commun avec Free Solo : la gestion du risque. Dans le documentaire, Alex Honnold doit calculer chaque mouvement pour éviter la mort. Dans Peak, les joueurs doivent anticiper leurs ressources, communiquer avec leur équipe, et accepter l’échec comme partie intégrante de l’expérience. « C’est le seul jeu où j’ai l’impression de vraiment transpirer », avoue un joueur sur Steam.
Enfin, Peak se distingue des autres jeux d’escalade par son absence de narration. Pas de quête pour sauver le monde, pas de personnage à incarner : juste vous, la montagne, et vos limites. Une approche minimaliste qui rappelle des œuvres comme Journey (Thatgamecompany), où l’émotion naît de l’expérience elle-même, et non d’un scénario écrit.
Reste à voir si d’autres studios oseront suivre cette voie. Une chose est sûre : dans un paysage où les battle pass et les loot boxes dominent, Peak brille comme un phare d’authenticité. Et si son ascension se poursuit, il pourrait bien redéfinir ce que signifie « réussir » dans le jeu vidéo indépendant.