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Pete Parsons quitte Bungie après 23 ans : un tournant historique pour le studio derrière
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Après 23 ans chez Bungie, dont près de dix en tant que PDG, Pete Parsons annonce son départ, laissant les rênes à Justin Truman. Ce changement intervient dans un contexte tumultueux pour le studio, marqué par des licenciements massifs, des retards sur Marathon et une intégration progressive au sein de Sony. Une page se tourne pour l'un des piliers de l'industrie, à l'origine de franchises cultes comme Halo et Destiny.
A retenir :
- 23 ans chez Bungie : Pete Parsons quitte le studio après avoir dirigé Destiny 2 et supervisé la transition vers Sony.
- Justin Truman prend la relève : Le vétéran de 15 ans, ancien directeur du développement, devient le nouveau PDG.
- Crise interne : Licenciements (320 postes supprimés en 2 ans), retards sur Marathon, et tensions post-acquisition par Sony.
- Héritage controversé : Parsons reconnaît des échecs dans la gestion des problèmes de culture d'entreprise, notamment envers les femmes.
- Futur incertain : Destiny 2 en déclin, Marathon repoussé à 2026, et une identité à reconstruire sous l'ère Sony.
L’adieu d’un vétéran : Pete Parsons, architecte des mondes de Bungie
Quand Pete Parsons a rejoint Bungie en 2002, le studio était déjà une légende. Fondé en 1991, il avait révolutionné le jeu de tir avec Halo: Combat Evolved (2001), un titre qui allait définir le FPS console pour une décennie. Parsons, alors directeur des opérations, a accompagné la transition post-Halo, un défi colossal : comment succéder à une licence aussi iconique ? La réponse arriva en 2014 avec Destiny, un MMO-FPS ambitieux, mélange de Halo et de World of Warcraft, mais aussi un pari risqué. Sous sa direction, Bungie a rompu avec Activision en 2019 après des années de tensions créatives, un divorce coûteux (1,4 milliard de dollars de droits cédés) mais libérateur.
Son héritage est cependant ambivalent. Si Parsons a permis à Bungie de retrouver son indépendance (du moins temporairement), son mandat a aussi été marqué par des crises répétées : des licenciements massifs (100 postes en 2023, 220 en 2024), des retards sur Destiny 2 (le DLC The Final Shape repoussé de plusieurs mois), et une culture d’entreprise décrite comme toxique dans un rapport d’IGN en 2021. Des employés anonymes y dénonçaient un environnement "hostile envers les femmes", avec des cas de harcèlement minimisés. Parsons avait alors présenté des excuses publiques, reconnaissant une "inaction coupable" : "Nos actions, ou notre absence d’action, ont causé de la souffrance. Je m’excuse personnellement."
Son départ intervient dans un contexte stratégique : après l’acquisition par Sony en 2022 pour 3,7 milliards de dollars, Bungie n’est plus le studio indépendant qu’il prétendait être. Destiny 2, malgré son succès commercial (plus de 50 millions de joueurs depuis 2017), voit son audience décliner, tandis que Marathon, leur nouveau projet, accumule les retards. Parsons laisse ainsi un studio à la croisée des chemins, entre l’ombre de ses gloires passées et l’incertitude d’un avenir sous Sony.
Marathon et Destiny 2 : deux chantiers titanesques pour Justin Truman
Justin Truman, 50 ans, incarne la continuité. Entré chez Bungie en 2009 comme développeur sur Destiny 1, il a gravi les échelons jusqu’à devenir directeur du développement. Son premier défi ? Relancer Destiny 2, un jeu qui, malgré ses mises à jour régulières, peine à retenir ses joueurs. Les chiffres sont éloquents : en 2023, le jeu a perdu 30% de son audience sur Steam par rapport à 2022, selon SteamDB. Les joueurs reprochent au titre son manque d’innovation, des microtransactions agressives, et une narration jugée "décousue".
Mais c’est Marathon, annoncé en 2023, qui cristallise les espoirs – et les craintes. Ce jeu d’extraction PvPvE (joueur contre joueur contre environnement), inspiré des "looter-shooters" comme Escape from Tarkov, devait sortir en septembre 2025. Il a été repoussé à une date indéterminée, officiellement pour "affiner l’expérience". Des sources internes évoquent cependant des problèmes techniques majeurs, notamment avec le moteur maison de Bungie, Tiger Engine, déjà critiqué pour ses limites sur Destiny 2.
Truman devra aussi gérer la transition vers Sony. Si l’acquisition a apporté une stabilité financière, elle a aussi suscité des inquiétudes : Bungie perdra-t-il son identité ? Sony, connu pour son approche "hands-off" avec ses studios (à l’inverse de Microsoft), pourrait-il imposer des contraintes créatives ? "Nous restons maîtres de notre destin", assurait Parsons en 2022. Mais avec 155 employés transférés chez Sony en 2024, la question se pose : Bungie est-il encore Bungie ?
Culture d’entreprise : entre progrès et vieux démons
Le rapport d’IGN en 2021 avait révélé une culture "toxique et misogyne" chez Bungie, avec des témoignages accablants : "Les femmes étaient systématiquement ignorées ou rabaissées. Les plaintes étaient étouffées." Parsons avait promis des changements, avec la création d’un comité d’éthique et des formations obligatoires. Mais en 2023, un nouveau scandale éclatait : des employés dénonçaient des inégalités salariales et un favoritisme envers les vétérans.
Justin Truman hérite de ce passif. Dans une interview interne obtenue par Kotaku, il a déclaré : "Nous devons reconstruire la confiance. Cela passe par la transparence et des actes, pas des mots." Parmi les mesures annoncées :
- Audit externe sur les conditions de travail, mené par un cabinet indépendant.
- Programme de mentorat pour les employés issus de minorités.
- Révision des salaires, avec un alignement sur les standards de l’industrie (selon Glassdoor, un développeur senior chez Bungie gagnait 20% de moins qu chez Naughty Dog en 2023).
Pourtant, les sceptiques restent nombreux. "Bungie a toujours été un boys' club. Changera-t-on vraiment ?", interrogeait un ancien employé sous couvert d’anonymat. Truman devra prouver que ces réformes ne sont pas que de la communication. D’autant que Sony, malgré sa réputation de progressisme, a aussi été critiqué pour des problèmes similaires chez Naughty Dog (The Last of Us Part II avait été marqué par des accusations de crunch extrême).
L’ombre de Sony : opportunité ou menace pour Bungie ?
L’acquisition par Sony en janvier 2022 avait été présentée comme une "alliance stratégique". Pour 3,7 milliards de dollars, Sony obtenait un studio capable de produire des GaaS (Games as a Service) rentables, un modèle qu’elle maîtrisait mal. Mais l’intégration s’est révélée plus complexe que prévu. Contrairement à Insomniac (racheté en 2019), Bungie conservait une autonomie théorique. Pourtant, les signes d’ingérence se multiplient :
- Priorité aux exclusivités PlayStation : Marathon sera multplateforme, mais Sony aurait exigé des contenus exclusifs pour PS5.
- Rationalisation des coûts : Les licenciements de 2024 auraient été "encouragés" par Sony, selon Bloomberg.
- Alignement créatif : Des rumeurs évoquent une pression pour intégrer des éléments narratifs liés à d’autres franchises Sony (comme Horizon ou God of War).
Pourtant, Sony pourrait aussi être un atout. "Ils ont les ressources pour sauver Destiny 2", estime Michael Pachter, analyste chez Wedbush Securities. Avec l’aide des studios Sony Santa Monica (experts en narration) ou Guerrilla Games (moteur Decima Engine), Bungie pourrait enfin moderniser sa technologie. Reste à savoir si Truman acceptera cette collaboration. "Nous ne sommes pas un studio Sony. Nous sommes Bungie.", a-t-il martelé lors d’une réunion interne.
Et maintenant ? Les défis immédiats de Justin Truman
Truman a trois priorités urgentes :
- Stabiliser Destiny 2 : Le DLC The Final Shape (sorti en juin 2024) a été un succès critique, mais les joueurs attendent une refonte du PvP et un nouveau raid d’ici fin 2025. Sans cela, la base de joueurs risque de s’effriter.
- Relancer Marathon : Le jeu, initialement prévu pour 2025, pourrait être repoussé à 2026. Truman doit clarifier sa vision : un extraction shooter pur, ou un hybride avec des éléments de Destiny ?
- Gérer la transition générationnelle : Avec le départ de Parsons, c’est toute une ère qui s’achève. Truman devra s’appuyer sur des figures comme Luke Smith (directeur de Destiny 2) ou Christie Madding (directrice narrative), tout en intégrant de nouveaux talents.
Son premier test ? La Gamescom 2025, où Bungie doit présenter un roadmap pour Destiny 2 et une démo jouable de Marathon. "Si nous échouons là, ce sera un signal très négatif pour les investisseurs et les fans", prévient un analyste de Newzoo. Truman, lui, reste optimiste : "Nous avons survécu à pire. Bungie a toujours été un studio de fighters."
Le départ de Pete Parsons marque la fin d’une époque pour Bungie. Sous sa direction, le studio a connu des sommets (Destiny 2, l’indépendance) et des abîmes (licenciements, scandales). Justin Truman hérite d’un legs lourd : un Destiny 2 en perte de vitesse, un Marathon incertain, et une culture d’entreprise à réformer. Pourtant, avec le soutien de Sony – à double tranchant –, Bungie a une chance de se réinventer.
Deux scénarios se dessinent : soit le studio s’efface dans l’ombre de Sony, réduit à produire des contenus pour PS5, soit il renaît, en combinant l’audace créative de ses débuts avec les ressources d’un géant. Une chose est sûre : après 33 ans d’existence, Bungie n’a plus droit à l’erreur. Comme le disait Parsons dans son message d’adieu : "Les mondes que nous créons ne vivent que par ceux qui les habitent. À vous de jouer, maintenant."
Les prochains mois seront cruciaux. Si Marathon échoue, ou si Destiny 2 s’effondre, Sony pourrait revoir sa stratégie – voire, dans le pire des cas, fermer le studio. L’histoire de Bungie, déjà riche en rebondissements, n’a pas fini de surprendre.