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Peter Molyneux et *Masters of Albion* : Le Dernier Souffle d’un Génie Controversé ?
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Un adieu en demi-teinte pour le "pape" des *god games* ?
A retenir :
- Peter Molyneux évoque Masters of Albion comme son ultime création, un *god game* médiéval développé en secret depuis 2021, marquant un tournant sobre dans sa communication.
- Inspiré de Black & White (2001) mais recentré sur une gestion villageoise accessible, le jeu devra convaincre face à des concurrents comme Dwarf Fortress ou Against the Storm, dans un marché exigeant.
- 22cans mise sur une IA "organique" pour les villageois, promettant des interactions crédibles – un défi technique après les critiques sur Godus (2014) et ses mécaniques jugées superficielles.
- Un développement discret (sans annonces prématurées) et une philosophie *hands-off* (moins de microgestion) contrastent avec les habitudes de Molyneux, entre nostalgie et dernière chance.
- Le jeu devra prouver que son créateur peut encore innover, malgré un héritage entaché par des promesses non tenues et un marché des *city-builders* ultra-concurrentiel.
- Une question persiste : *Masters of Albion* sortira-t-il avant que Molyneux ne quitte définitivement la scène, comme il l’évoque avec une lucidité inédite ?
"Je n’ai plus l’énergie pour recommencer" : L’Aveu Inattendu de Molyneux
Août 2024, Gamescom Opening Night Live. La salle retient son souffle quand **Peter Molyneux**, légende vivante du jeu vidéo, prend la parole. Pas de fanfare, pas de promesses démesurées. Juste une phrase, lourde de sens : *"Masters of Albion pourrait être mon dernier jeu. Je n’ai plus l’énergie vitale pour recommencer."* Un aveu qui sonne comme un électrochoc. Lui, l’homme qui déclarait en 2014 préférer *"mourir à son clavier"* plutôt que de prendre sa retraite, semble aujourd’hui confronté à une réalité plus crue.
À 66 ans, le créateur de Black & White, Fable, et Dungeon Keeper assume un ton inédit, presque mélancolique. *"On me trouvera un matin, la tête contre le clavier"*, confiait-il quelques mois plus tôt, évoquant sans fard son mode de vie – tabac, alcool, nuits blanches – et l’usure d’une carrière où les rêves se sont parfois heurtés à la réalité. Une lucidité nouvelle, loin des excès de communication qui ont marqué ses dernières années.
Pourtant, derrière cette apparente résignation se cache une détermination intacte. *Masters of Albion* n’est pas un adieu passif, mais un dernier combat. Un titre développé dans le secret depuis trois ans par son studio **22cans**, sans fuites, sans annonces prématurées. Une première pour Molyneux, souvent critiqué pour ses promesses trop précoces. *"Cette fois, pas de communication en l’air. Juste le jeu"*, murmure une source proche du projet. Un changement de méthode qui intrigue autant qu’il interroge : et si, pour une fois, le "pape des *god games*" sous-pesait ses mots ?
22cans : Entre Rédemption et Ombres du Passé
Fondé en 2012 après son départ houleux de Lionhead Studios, **22cans** était censé incarner la liberté créative absolue de Molyneux. Las, les titres qui en sont sortis – Godus (2014), The Trail (2017), ou encore Legacy (2022) – ont souvent reproduit le même schéma : un démarrage prometteur, suivi d’une désillusion collective. Des jeux annoncés comme révolutionnaires, mais livrés inaboutis, minés par des mécaniques creuses ou un manque de profondeur.
*Masters of Albion* arrive donc avec un bagage lourd : celui d’un studio – et d’un homme – en quête de rédemption. Le jeu se présente comme un retour aux sources, un hommage à Black & White (2001), considéré comme son œuvre la plus aboutie. Mais là où ce dernier misait sur une IA révolutionnaire (et partiellement décevante), *Masters of Albion* promet une gestion villageoise plus tangible, mêlant survie, construction, et une touche de stratégie. Un pari risqué, dans un marché où des titres comme Dwarf Fortress (2006, toujours mis à jour) ou Against the Storm (2023) ont élevé les standards à un niveau stratosphérique.
*"On ne peut plus se permettre de décevoir"*, confie un développeur sous couvert d’anonymat. La pression est d’autant plus forte que Molyneux lui-même a reconnu ses erreurs passées : *"J’ai parfois confondu ambition et réalisme. Cette fois, on vise l’essentiel."* Reste à savoir si "l’essentiel" suffira à convaincre des joueurs devenus méfiants.
Trois Ans de Silence : Le Développement Fantôme de *Masters of Albion*
Pendant que l’industrie s’embrasait pour les *battle royale* et les *live-service*, **Peter Molyneux** travaillait dans l’ombre. Trois années de développement discret, sans teasers, sans interviews, sans fuites. Une discrétion presque surréaliste pour un créateur connu pour ses coups d’éclat médiatiques. *"Peter a imposé un blackout total. Même l’équipe était tenue au secret"*, révèle une source interne.
Pourquoi un tel mutisme ? Plusieurs hypothèses circulent. Certains y voient une stratégie marketing calculée, destinée à créer l’effet de surprise. D’autres, plus cyniques, évoquent la crainte d’un nouvel échec public. *"Après Godus, il ne pouvait plus se permettre un faux pas"*, analyse un journaliste spécialisé. Qu’importe la raison, le résultat est là : *Masters of Albion* a émergé comme un ovni dans le paysage du Gamescom 2024, suscitant à la fois curiosité et scepticisme.
Le jeu place le joueur à la tête d’un village médiéval, avec une approche *hands-off* : moins de microgestion, plus d’émergence. Une philosophie qui rappelle Dungeon Keeper (1997), où l’équilibre entre contrôle et chaos faisait toute la magie. Mais avec un marché désormais saturé de *city-builders* (Cities: Skylines, Frostpunk, Timberborn…), la marge de manœuvre est étroite. *"Il ne s’agit plus de révolutionner le genre, mais de lui offrir une signature Molyneux"*, résume un testeur ayant pu essayer une version alpha. Un défi de taille pour un dernier opus.
L’IA, Éternel Talon d’Achille ?
Si *Masters of Albion* se veut un retour aux sources, c’est aussi une tentative de moderniser la formule Molyneux. Le moteur graphique, développé en interne, promet une simulation organique des villageois, avec des routines quotidiennes et des réactions dynamiques aux décisions du joueur. Une ambition qui rappelle… les promesses (inabouties) de Black & White. *"On a appris de nos erreurs"*, assure un membre de 22cans. Pourtant, les joueurs gardent en mémoire les villages fantômes de Godus, où l’IA se résumait à des animations basiques.
Cette fois, Molyneux mise sur une accessibilité accrue : pas de courbe d’apprentissage abrupte, mais une progression guidée, inspirée des tutoriels de Two Point Hospital (2018). Côté gameplay, les premières captures évoquent un mélange entre Banished (2014) pour la gestion des ressources et The Settlers pour l’aspect stratégique. Mais c’est sur l’IA que repose le vrai défi : après les déboires de Godus, où les interactions sociales étaient critiquées pour leur superficialité, l’équipe promet une *"simulation crédible des émotions et des conflits"*.
Un pari audacieux, quand on sait que même des géants comme The Sims 4 peinent à modéliser des interactions profondes. *"On ne cherche pas à concurrencer les AAA, mais à créer quelque chose de cohérent et immersif"*, tempère un développeur. Une approche humble, presque surprenante de la part de Molyneux. Pourtant, c’est peut-être cette humilité nouvelle qui fera la différence.
Le Temps Presse : Un Jeu Contre la Montre
*"On travaille comme si c’était notre dernier jour."* Cette phrase, lâchée par un membre de 22cans, résume l’urgence qui entoure *Masters of Albion*. Car au-delà des défis techniques, une question persiste : le jeu sortira-t-il à temps ? Molyneux lui-même a évoqué sa santé fragile et son rythme de travail effréné. *"Je ne veux pas mourir avant d’avoir terminé ce projet"*, a-t-il confié à Eurogamer en mars 2024.
Cette course contre la montre pourrait, paradoxalement, être un atout. *"Les contraintes stimulent la créativité"*, estime un ancien collaborateur de Lionhead. Reste à voir si l’équipe parviendra à livrer un jeu à la hauteur des attentes, sans sacrifier la qualité sur l’autel de l’urgence. *"Peter a toujours été un rêveur, mais aujourd’hui, il doit aussi être un finisseur"*, résume un proche.
La date de sortie n’a pas été dévoilée, mais les rumeurs évoquent un lancement en 2025, peut-être en early access pour affiner les mécaniques. Une stratégie prudente, qui contraste avec les sorties précipitées du passé. *"Cette fois, on prend le temps. Même si le temps, justement, nous est compté"*, conclut un développeur.
Entre Nostalgie et Dernière Chance : Que Resterait-il de Molyneux Sans *Masters of Albion* ?
Imaginons un instant que *Masters of Albion* ne voie jamais le jour. Ou pire : qu’il sorte, mais qu’il déçoive à nouveau. Quel héritage laisserait alors **Peter Molyneux** ? Celui d’un visionnaire ayant révolutionné les *god games* avec Populous (1989) et Black & White ? Ou celui d’un illusionniste, dont les promesses grandioses n’ont que rarement tenu la route ?
La réalité est sans doute entre les deux. Molyneux a inspiré des générations de développeurs, de Will Wright (*The Sims*) à Markus Persson (*Minecraft*). Mais il a aussi déçu, à force de projets inaboutis et de communications trop enthousiastes. *"Il a changé l’industrie, mais il s’est aussi brûlé les ailes"*, résume un historien du jeu vidéo.
*Masters of Albion* pourrait être sa dernière chance de réécrire l’histoire. Non pas en révolutionnant le genre – le marché est trop concurrentiel pour ça –, mais en offrant une expérience sincère, dépouillée des excès du passé. *"Peut-être que son plus grand jeu, ce ne sera pas le plus ambitieux, mais le plus honnête"*, suggère un ancien de Bullfrog Productions, le studio mythique qu’il a cofondé en 1987.
En attendant, les joueurs observent, entre espoir et méfiance. Car si Molyneux a souvent déçu, il a aussi, parfois, sublimé. Et ça, personne ne peut le lui enlever.