Il y a 43 jours
South Park : la saison 27 ralentit son rythme, mais pourquoi cette décision audacieuse pourrait tout changer
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La saison 27 de South Park adopte un rythme bimensuel, une première dans l'histoire de la série. Derrière ce choix se cachent des enjeux créatifs majeurs et une stratégie médiatique calculée. Alors que les audiences explosent grâce à ses critiques acerbes de Donald Trump, les créateurs Matt Stone et Trey Parker privilégient désormais la qualité à la quantité, au risque de prolonger la saison jusqu'à décembre.
A retenir :
- Rythme inédit : Pour la première fois, South Park passe à un épisode toutes les deux semaines, repoussant la fin de saison au 10 décembre
- Trump en ligne de mire : La saison 27 multiplie les clins d'œil au président, avec un épisode où il "possède" littéralement Towelie, la serviette parlante
- Stratégie gagnante : Paramount+ mise sur un buzz prolongé plutôt que sur des audiences hebdomadaires, avec des pics d'audience records
- Production sous pression : Les délais allongés permettent à l'équipe de peaufiner des épisodes toujours plus satiriques et techniques
- Réactions politiques : La Maison Blanche contre-attaque, qualifiant la série de "tentative désespérée de rester pertinente" après 27 saisons
L'ère du "slow TV" : quand South Park réinvente son propre modèle
Depuis son lancement en 1997, South Park avait toujours respecté un rythme effréné : un épisode par semaine, écrit et produit en six jours seulement. Mais la saison 27 marque un tournant historique. Selon les informations exclusives de Deadline, la série adopte désormais un calendrier bimensuel, avec seulement 10 épisodes étalés sur 20 semaines, jusqu'au 10 décembre 2024. Une décision qui surprend, alors que la série avait toujours fait de sa réactivité son arme principale – comme en 2001, quand l'épisode "Osama bin Laden Has Farty Pants" avait été diffusé seulement 21 jours après les attentats du 11 septembre.
Derrière ce changement, une réalité productionnelle implacable. "Personne ne sacrifiera la qualité, même si cela signifie retarder la diffusion", confie une source proche de l'équipe à Deadline. Les épisodes récents, comme "Got a Nut" (avec JD Vance) ou "Sickofancy" (où Trump achète Towelie), ont nécessité des effets visuels inédits pour la série, notamment des séquences en 3D hybride pour les scènes politiques. "Le niveau d'exigence a explosé. Avant, on pouvait se permettre des animations simplistes pour les personnages secondaires. Aujourd'hui, chaque détail compte", explique un animateur sous couvert d'anonymat.
Ce ralentissement n'est pas sans rappeler la stratégie de séries comme The Crown (Netflix), qui avait espacé ses saisons pour gagner en prestige. Mais ici, l'enjeu est différent : South Park mise sur l'actualité brûlante pour rester pertinent. "Si on sort un épisode sur Trump trop tard, le gag est mort", résumait Trey Parker en 2016. Dès lors, comment concilier réactivité et perfectionnisme ? La réponse tient en un mot : Paramount+.
Trump, Towelie et les coulisses d'une saison explosive
La saison 27 a démarré en fanfare avec un épisode où Donald Trump apparaissait... littéralement collé au visage de Cartman. Une métaphore visuelle si forte que la Maison Blanche a réagi officiellement, par la voix de sa porte-parole Taylor Rogers : "Cette série n'a plus été pertinente depuis 20 ans. Elle s'accroche à des idées éculées pour attirer l'attention". Une déclaration qui a eu l'effet inverse : l'épisode a enregistré une hausse de 43% d'audience sur Comedy Central par rapport à la moyenne de la saison 26.
Mais c'est l'épisode "Sickofancy" qui a marqué les esprits. Pour la première fois, la série a intégré des séquences en motion capture pour les scènes où Trump "possède" Towelie, la serviette génétiquement modifiée introduite en 2001. "On a dû louer un studio de capture à Los Angeles pendant trois jours. South Park n'avait jamais fait ça", révèle un technicien. Le coût ? Environ 250 000 dollars par épisode, soit le double du budget habituel.
Autre nouveauté : l'arrivée de personnages politiques en 3D. JD Vance (vice-président fictif) et Kristi Noem (Secrétaire à la Sécurité intérieure) ont été modélisés en style semi-réaliste, une première depuis l'épisode "Britney's New Look" (2008). "On veut que le public ait l'impression de voir un vrai débat télé, mais avec notre touche déjantée", explique Matt Stone. Résultat : des scènes comme celle où Noem abat des animaux de compagnie avec un fusil ont viralisées sur TikTok, générant plus de 12 millions de vues en 48h.
Contexte historique : Ce n'est pas la première fois que South Park s'attaque à un président en exercice. En 2008, l'épisode "About Last Night..." avait montré Barack Obama et John McCain en combat de boxe. Mais la violence de la satire actuelle rappelle davantage la saison 11 (2007), où George W. Bush était représenté nu dans un bain de sang après une attaque terroriste. "Plus le pouvoir est arrogant, plus notre satire est cruelle. C'est une règle non écrite", confiait Trey Parker à The New Yorker en 2019.
Paramount+ : le grand gagnant d'un calendrier controversé
Derrière cette décision apparemment artistique se cache une stratégie commerciale implacable. En étalant la diffusion sur 20 semaines, Paramount+ maintient South Park dans l'actualité deux fois plus longtemps. "Un épisode par semaine, c'est comme un feu d'artifice : intense, mais éphémère. Là, on a une braise qui couve", analyse un cadre de la chaîne. Les chiffres lui donnent raison :
- +68% de temps de visionnage sur Paramount+ par rapport à la saison 26
- 3 épisodes dans le Top 10 des tendances Twitter aux États-Unis (contre 1 en 2023)
- 40% d'abonnés en plus sur le service de streaming depuis le début de la saison
La plateforme a même lancé une campagne marketing inédite : des affiches interactives dans les rues de New York et Los Angeles, où les passants peuvent scanner un QR code pour voir des extraits exclusifs. "On transforme l'attente en événement", explique le directeur marketing de Paramount. Une approche qui rappelle la stratégie de Stranger Things (Netflix) en 2017, quand des fausses publicités années 80 avaient envahi les réseaux sociaux.
Mais cette stratégie a un coût : les fans historiques râlent. Sur Reddit, le thread "Why is South Park taking so long between episodes?" a recueilli plus de 12 000 commentaires, dont beaucoup accusent la série de "devenir comme The Walking Dead : plus de pauses que de contenu". "Avant, South Park était notre bulletin d'info satirique hebdo. Maintenant, on a le temps d'oublier les blagues entre deux épisodes", résume un utilisateur.
L'ombre de la censure : quand la satire dérange (vraiment)
Si la Maison Blanche a réagi publiquement, d'autres pressions restent secrètes. Selon des sources internes à Comedy Central, plusieurs scènes ont été modifiées en dernière minute :
- Une réplique de Trump sur "les élections volées" a été coupée pour éviter des poursuites
- La scène où Kristi Noem abat un chien a été désaturée pour passer les normes de diffusion
- Un gag sur Hunter Biden (fils du président) a été remplacé par une blague sur Elon Musk
"On marche sur une ligne rouge. D'un côté, on veut choquer ; de l'autre, on ne veut pas finir comme Charlie Hebdo", confie un scénariste. En 2010, l'épisode "201" (avec Mahomet caché dans un ours) avait déjà valu à la série des menaces de mort et une censure partielle sur Comedy Central. "Cette fois, c'est pire. Les réseaux sociaux amplifient tout", ajoute-t-il.
Pourtant, la série continue de pousser les limites. L'épisode à venir (prévu pour le 17 septembre) devrait inclure une parodie de l'affaire des documents classifiés de Trump, avec une scène où Cartman cache des dossiers dans... le rectum de Mr. Garrison. "Si on ne peut plus rire de ça, alors la démocratie est vraiment morte", lance Matt Stone lors d'une interview à The Late Show.
2024-2025 : vers une saison 28 encore plus radicale ?
Alors que la saison 27 s'étire jusqu'en décembre, les rumeurs sur la saison 28 (prévue pour mars 2025) commencent déjà. Plusieurs indices laissent penser à un changement de formule :
- Des épisodes de 45 minutes (contre 22 actuellement), comme un "South Park: The Movie 2.0"
- Une collaboration avec des studios d'animation japonais pour des séquences en anime
- Un arc narratif continu sur l'élection présidentielle de 2024, avec des épisodes tournés en temps réel
"On réfléchit à une saison 'live', où on intégrerait les résultats des primaires au fur et à mesure. Imaginez un épisode diffusé le lendemain du débat Biden-Trump...", tease Trey Parker. Une idée qui rappelle le "Newsjacking" de The Daily Show, mais en version animée.
Côté technique, la série pourrait adopter l'IA générative pour accélérer la production. "Pas pour écrire les scripts, mais pour générer des décors ou des foules. Ça nous ferait gagner deux jours par épisode", explique un responsable. Une révolution pour une série qui a toujours privilégié le travail artisanal – les décors sont encore dessinés à la main, comme en 1997.
Enfin, la question qui turlupine les fans : South Park peut-il survivre sans Trump ? "On a survécu à Bush, à Obama, à la pandémie... Trump est juste un personnage de plus. Le vrai sujet, c'est l'Amérique elle-même", conclut Matt Stone. Une réponse qui en dit long sur l'ambition de la série : rester le miroir déformant d'une société en crise, qu'importe qui occupe la Maison Blanche.
La saison 27 de South Park marque un tournant dans l'histoire de la télévision. En choisissant de ralentir son rythme, la série prend un risque calculé : sacrifier l'immédiateté pour gagner en profondeur. Les résultats sont là : des audiences en hausse, une visibilité médiatique accrue, et des épisodes techniquement plus ambitieux que jamais. Pourtant, le pari reste dangereux. Dans un monde où l'attention se mesure en secondes, une série qui demande deux semaines de patience entre chaque épisode joue avec le feu.
Mais c'est précisément ce qui rend cette saison fascinante. À l'ère du binge-watching et des algorithmes, South Park rappelle que la culture peut encore être un événement, et non un simple contenu à consommer. Entre les attaques de la Maison Blanche, les innovations techniques et les débats sur la censure, la série prouve qu'elle reste, après 27 ans, la voix satirique la plus pertinente de l'Amérique. Et si le dernier épisode de la saison doit sortir le 10 décembre, une chose est sûre : entre-temps, personne ne parlera de politique sans penser à Cartman, Trump... et une serviette parlante.
Reste une question : cette stratégie est-elle l'avenir de la télévision, ou simplement l'ultime pirouette d'une série qui refuse de vieillir ? La réponse, comme souvent avec South Park, se trouvera probablement entre les deux – là où l'absurde rencontre le génie.