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Starbreeze Enterre Son Projet Dungeons & Dragons et Parie Tout sur Payday : Une Stratégie à Haut Risque
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Pourquoi Starbreeze sacrifie son ambitieux projet Dungeons & Dragons pour sauver Payday ?
En annulant Project Baxter (27,2M$ de pertes) et en licenciant 44 employés, le studio suédois Starbreeze engage un virage radical : tout miser sur Payday. Malgré des chiffres décevants pour Payday 3 (24K joueurs vs 80K pour Payday 2), la stratégie repose sur un modèle live-service agressif, 50 développeurs dédiés, et une diversification contrôlée. Objectif ? L'équilibre financier en 2026, avec en ligne de mire des expériences narratives inédites et des contrats externalisés pour stabiliser les revenus. Un pari risqué, mais calculé.
A retenir :
- 27,2 millions de dollars perdus avec l'annulation de Project Baxter, le jeu Dungeons & Dragons de Starbreeze, au profit d'une concentration totale sur Payday.
- 44 suppressions de postes (CDI et prestataires) pour recentrer les ressources sur Payday 3, malgré des chiffres Steam deux fois inférieurs à ceux de Payday 2 (24K vs 80K joueurs simultanés).
- Une stratégie en trois axes : transformer Payday 3 en plateforme live-service (50 développeurs d'ici 2025), exploiter Payday 2, et lancer des projets dérivés dans l'univers du braquage.
- Contrats externalisés (*work-for-hire*) pour sécuriser les revenus, à l'image d'IO Interactive (Hitman) pendant sa transition.
- 6 mises à jour majeures en un an pour Payday 3, mais un avenir incertain : le studio table sur des événements saisonniers et des collaborations cross-média pour fidéliser les joueurs.
- Un modèle économique inspiré d'Ubisoft (Assassin's Creed) : faire de Payday un écosystème multi-formats, avec des narrations plus poussées et des extensions vers de nouvelles plateformes.
L'Abandon de Project Baxter : Un Choix Douloureux mais "Nécessaire"
Le 12 novembre 2024 restera une date noire pour les fans de Dungeons & Dragons : Starbreeze a officiellement enterré Project Baxter, son jeu de rôle tactique annoncé en 2021. Le coût de cette décision ? 255 millions de couronnes suédoises (27,2M$), une somme colossale pour un studio déjà fragilisé. Dans un communiqué, le PDG Adolf Kristjansson justifie ce "sacrifice" par une "revue stratégique approfondie" : *« Nos ressources doivent se concentrer sur ce que nous maîtrisons le mieux : les jeux de braquage immersifs. »*
Derrière cette annonce se cache une réalité plus brutale : Project Baxter, malgré son potentiel, ne correspondait plus aux priorités financières du studio. Les rumeurs évoquaient un jeu hybride, mêlant exploration de donjons et combats tactiques au tour par tour – un pari audacieux, mais risqué pour un éditeur en quête de stabilité. Hasbro, détenteur de la licence D&D, n'a pas réagi publiquement, mais des sources internes (sous couvert d'anonymat) suggèrent que les retards accumulés et les désaccords créatifs ont précipité la fin du projet.
Pour les joueurs, c'est une occasion manquée : D&D n'a plus eu de jeu vidéo majeur depuis Baldur's Gate 3 (Larian Studios, 2023), et Project Baxter promettait une approche inédite. Mark "TheDM" Sullivan, streamer spécialisé dans les jeux de rôle, a réagi sur Twitter : *« Dommage, Starbreeze avait une vraie vision pour un D&D plus 'hardcore'. Espérons qu'un autre studio reprendra le flambeau. »*
Petite ironie de l'histoire : en 2018, Starbreeze avait frôlé la faillite après l'échec de Overkill's The Walking Dead. Cinq ans plus tard, le studio répète le même schéma : abandonner un projet ambitieux pour se recentrer sur une licence sûre. Une stratégie de survie, mais à quel prix ?
Payday 3 : Le Pari Risqué d'un Live-Service à Contre-Courant
Avec Payday 3, sorti en septembre 2023, Starbreeze espérait réinventer la formule qui avait fait le succès de son prédécesseur. Las, les chiffres sont sans appel : 24 000 joueurs simultanés sur Steam à son pic (contre 80 000 pour Payday 2 en 2013), et une note Metacritic de 72/100 (vs 79/100 pour le deuxième opus). Les critiques pointent des missions répétitives, un système de progression peu gratifiant, et un manque de contenu au lancement.
Pourtant, le studio refuse de baisser les bras. En un an, six mises à jour majeures ont été déployées, ajoutant :
- De nouveaux braquages (dont un inspiré de Heat, le film de Michael Mann),
- Un système de personnalisation des armes plus poussé,
- Des événements limités avec récompenses exclusives,
- Une refonte partielle de l'IA des ennemis (critiquée pour son manque de réalisme).
Mais le vrai défi reste la rétention des joueurs. Payday 2 avait mis trois ans à atteindre un niveau de contenu similaire, mais bénéficiait d'une communauté de moddeurs ultra-active – un écosystème que Payday 3 peine à recréer. Johan "Chain" Andersson, ancien level designer chez Starbreeze, explique : *« Payday 2 était un jeu de niche qui a explosé grâce aux mods. Aujourd'hui, les joueurs attendent un contenu clé en main, et c'est là que le live-service devient un piège. »*
Pour 2025, Starbreeze promet une feuille de route ambitieuse :
- Des collaborations cross-média (une série animée est en discussion avec un studio européen),
- Un mode "Héritage" reprenant les meilleurs braquages de Payday 2, remasterisés,
- Des saisons thématiques (la première, prévue pour l'été, s'inspirera des films de casse des années 70).
Reste une question : le modèle live-service peut-il sauver Payday 3 ? Les exemples de Destiny 2 ou The Division 2 montrent que même les franchises établies peinent à maintenir leur audience. Starbreeze mise sur une approche "boutique" : moins de joueurs, mais plus engagés. *« Nous ne voulons pas être un jeu pour 100 000 personnes, mais un jeu que 10 000 personnes adorent »*, résume Kristjansson.
Derrière les Licenciements : Une Restructuration en Mode "Survie"
L'annonce des 44 licenciements (soit 15% des effectifs) a envoyé un signal clair : Starbreeze est en mode urgence. Parmi les postes supprimés, on compte des développeurs seniors de Project Baxter, mais aussi des membres de l'équipe marketing et community management. Une décision qui a provoqué l'incompréhension chez certains employés, comme en témoigne ce message anonyme sur Glassdoor : *« On nous avait promis que Payday 3 était la priorité. Aujourd'hui, on vire ceux qui l'ont fait. »*
Pourtant, le studio assure que cette restructuration est "ciblée" :
- 20 développeurs de Project Baxter sont redéployés sur Payday 3 ou des projets non annoncés,
- Une cellule d'accompagnement a été créée pour aider les licenciés à trouver un poste dans l'industrie (partenariats avec Embracer Group et Paradox Interactive),
- Les contrats externalisés (*work-for-hire*) sont renforcés, avec déjà deux projets signés pour 2025 (dont un jeu narratif pour un éditeur américain).
Cette stratégie rappelle celle d'IO Interactive après l'échec de Hitman Absolution (2012) : le studio danois avait licencié la moitié de ses effectifs avant de renaître avec Hitman (2016) et son modèle épisodique. Starbreeze espère un scénario similaire, mais avec une différence majeure : Payday 3 n'a pas encore trouvé son public.
Un détail révélateur : parmi les licenciés figure Simon Viklund, compositeur historique de la saga Payday. Son départ, officiellement "amiable", a surpris les fans. *« Sans ses musiques, Payday perd une partie de son âme »*, commente LeDome, un youtubeur spécialisé dans les jeux de casse.
Et si Payday Était Déjà un Jeu du Passé ?
Le plus grand risque pour Starbreeze ? Miser sur une licence en déclin. Les jeux de braquage, très populaires dans les années 2010 (Payday 2, GTA V), doivent aujourd'hui faire face à une concurrence féroce :
- GTA Online (Rockstar) domine toujours le marché avec ses mises à jour régulières et son modèle économique ultra-lucratif,
- Robbery Bob (mobile) et Monopoly Go! (Scopely) captent l'attention des joueurs occasionnels,
- Les jeux de survie comme Escape from Tarkov ou Dark and Darker offrent des mécaniques de vol plus immersives et punitives.
Face à cela, Starbreeze mise sur l'identité unique de Payday : un mélange de coopération chaotique, d'humour noir, et de réalisme tactique. *« Aucun jeu ne donne cette sensation de braquage improvisé, où tout peut déraper en une seconde »*, argue Ulrika Gyllenhaal, directrice créative. Pour preuve, le studio planche sur :
- Un système de "réputation" : les joueurs pourront devenir des légendes du crime, avec des quêtes personnelles,
- Des braquages "sandbox", où chaque partie est unique (génération procédurale des niveaux),
- Une intégration plus poussée du modding, via un atelier Steam prévu pour 2026.
Mais le temps presse. Payday 2, malgré son âge, reste plus joué que le troisième opus (moyenne de 15 000 joueurs/jour vs 8 000 pour Payday 3). Starbreeze doit donc convaincre les fans de migrer, tout en attirant de nouveaux joueurs. Une équation complexe, d'autant que le studio a perdu 60% de sa valeur en Bourse depuis 2023.
Un ancien employé, sous le pseudonyme "SwedishHeister", confie : *« Payday 3 est un bon jeu, mais il arrive trop tard. Les joueurs veulent du neuf, pas une version polie de ce qu'ils connaissent déjà. »* Un avis partagé par une partie de la communauté, qui réclame un "Payday 4" plutôt que des rustines.
2026 : L'Année de Tous les Danger
L'objectif affiché par Starbreeze est clair : atteindre l'équilibre financier en 2026. Pour y parvenir, le studio s'appuie sur trois leviers :
- Payday 3 : transformer le jeu en une plateforme pérenne, avec un budget annuel de 15M$ (contre 8M$ en 2024),
- Payday 2 : continuer à monétiser via des DLCs et des partenariats (un crossover avec John Wick est en négociation),
- Nouveaux projets : deux jeux en développement, dont un "spin-off narratif" dans l'univers de Payday, prévu pour 2027.
Mais les défis sont immenses :
- La concurrence : GTA VI (prévu en 2025) risque d'écraser tous les jeux de crime,
- La fidélisation : les joueurs de live-service sont volatils (ex. : Fortnite perd 30% de son audience entre les saisons),
- L'innovation : Payday 3 doit se réinventer sans aliéner sa base historique.
Pour Adolf Kristjansson, la clé réside dans l'agilité : *« Nous ne sommes plus un studio AAA. Nous devons être rapides, créatifs, et proches de notre communauté. »* Une philosophie qui se traduit par :
- Des mises à jour bimensuelles (au lieu de trimestrielles),
- Un programme de bêta-test ouverte pour impliquer les joueurs,
- Des collaborations avec des créateurs de contenu (ex. : Sodapoppin pour des événements spéciaux).
Reste à savoir si cette approche suffira. Les analystes sont sceptiques : pour Piers Harding-Rolls (Ampere Analysis), *« Starbreeze a une fenêtre de 12 à 18 mois pour prouver que sa stratégie fonctionne. Après, ce sera trop tard. »*
Un dernier détail, presque symbolique : le siège de Starbreeze à Stockholm a été mis en vente. *« Nous n'avons plus besoin d'un bureau aussi grand »*, justifie le studio. Une métaphore parfaite de sa situation : rétrécir pour mieux grandir.
En sacrifiant Project Baxter et en recentrant ses forces sur Payday, Starbreeze joue son va-tout. Le studio suédois, autrefois synonyme d'audace (Syndicate, The Chronicles of Riddick), se transforme en machine à live-service, avec tous les risques que cela comporte. Payday 3 a désormais deux ans pour prouver qu'il peut rivaliser avec les géants du genre – ou disparaître dans l'ombre de GTA VI.
Pour les joueurs, l'enjeu est double : verront-ils enfin le "vrai" Payday 3 qu'ils attendent, ou Starbreeze va-t-il répéter les erreurs du passé en misant sur une formule usée ? Une chose est sûre : 2025 sera l'année de vérité pour le studio. Entre temps, les fans de Dungeons & Dragons peuvent toujours rêver... mais ailleurs.