Il y a 27 jours
**The Last of Us 3 et Uncharted 5 : Neil Druckmann lève (un peu) le voile sur l’avenir des sagas cultes**
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Entre passion créative et héritage lourd, Naughty Dog trace une voie audacieuse. Alors que The Last of Us Part III reste un mystère et qu’Uncharted 5 pourrait échapper au studio, une nouvelle IP spatiale, Intergalactic: The Heretic Prophet, cristallise aujourd’hui toutes les énergies. Neil Druckmann révèle les coulisses d’une philosophie où l’inspiration prime sur les attentes, laissant les fans entre espoir et incertitude.
A retenir :
- The Last of Us Part III : des **"idées explorées"** selon Druckmann, mais aucun feu vert officiel. Le studio exige une narration **"à la hauteur de ses standards"** avant de se lancer.
- Uncharted 5 : Naughty Dog ne le développera pas, mais serait **"ravie"** qu’un autre studio (comme Iron Galaxy ou Sony Santa Monica ?) reprenne le flambeau.
- Priorité à Intergalactic : cette nouvelle IP spatiale monopolise les ressources du studio, marquant un virage risqué vers l’inconnu après 15 ans de sagas narratives.
- Philosophie créative : **"On ne fait un jeu que si on y croit à 200%"**, assume Druckmann. Une approche qui explique les silences prolongés sur les suites.
- Chiffres clés : +40 millions de ventes pour Uncharted, +30 millions pour The Last of Us… mais le studio préfère innover que capitaliser.
- Doute persistant : et si The Last of Us 3 ne voyait jamais le jour ? Druckmann n’exclut pas cette possibilité, malgré la pression des fans.
Imaginez un studio à l’aube d’un choix cornélien : poursuivre l’exploitation de deux licences parmi les plus rentables de l’histoire du jeu vidéo, ou tout risquer sur une idée folle, une aventure spatiale inédite qui pourrait aussi bien devenir un chef-d’œuvre qu’un fiasco. C’est précisément le dilemme auquel Naughty Dog a été confronté après The Last of Us Part II (2020), un titre qui a divisé la communauté tout en écrasant les records de ventes. Aujourd’hui, Neil Druckmann, co-président du studio et figure emblématique de ses réussites, lève partiellement le voile sur ces arbitrages cruciaux. Et ses révélations, entre prudence et audace, dessinent un avenir aussi excitant qu’incertain pour les fans.
**1. The Last of Us Part III : un fantôme qui hante les couloirs de Naughty Dog**
Si l’on en croit les déclarations récentes de Neil Druckmann, The Last of Us Part III n’est ni mort ni vivant – il erre dans une sorte de purgatoire créatif. **"Nous avons exploré des idées après la sortie du deuxième opus"**, confie-t-il, avant d’ajouter une nuance capitale : **"Mais rien n’est acté."** Pour comprendre cette hésitation, il faut remonter à la philosophie même du studio. Chez Naughty Dog, un projet ne naît pas d’une décision marketing ou d’un calendrier imposé, mais d’une obsession collective. Or, après l’épuisement émotionnel lié au développement de Part II (un processus qualifié de **"traumatisant"** par certains employés), l’équipe a besoin de retrouver la flamme avant de replonger dans l’univers post-apocalyptique d’Ellie et Joel.
Pourtant, les indices pullulent. En 2022, le studio a renouvelé la marque "The Last of Us Part III" auprès de l’USPTO (l’office américain des brevets), un geste qui n’est jamais anodin. De plus, des rumeurs persistantes évoquent un changement de protagoniste, avec Abby en tête d’affiche – une piste qui, si elle se confirmait, pourrait expliquer les tergiversations. **"Le défi n’est pas de faire une suite, mais de faire une suite qui justifie son existence"**, résume un développeur sous couvert d’anonymat. Autrement dit : après le choc narratif de Part II, comment surprendre encore ?
Un autre élément entre en jeu : l’usure créative. Naughty Dog travaille sur The Last of Us depuis plus de dix ans. **"À un moment, il faut se demander si on a encore des choses nouvelles à dire dans cet univers"**, glisse Druckmann. Une question d’autant plus pressante que le studio a récemment perdu des piliers comme Bruce Straley (co-réalisateur des deux premiers opus) ou Halley Gross (scénariste clé de Part II), partis fonder leur propre structure. Sans eux, la dynamique créative n’est plus tout à fait la même.
"Et si le vrai risque, ce n’était pas de ne pas faire TLOU3, mais de le faire mal ?" — Un employé de Naughty Dog (anonyme)
**2. Uncharted 5 : la saga que personne n’ose (plus) porter**
Alors que The Last of Us reste en suspens, la situation d’Uncharted est encore plus paradoxale. La franchise, avec ses 40 millions d’exemplaires vendus et son charisme légendaire (merci, Nathan Drake), semble trop précieuse pour être abandonnée… mais pas assez pour que Naughty Dog s’y consacre à nouveau. **"Si un autre studio voulait s’emparer de la licence, nous serions ravis"**, déclare Druckmann, une phrase qui en dit long. Traduction : le studio a tourné la page, mais Sony, lui, n’a pas envie de laisser mourir une telle mine d’or.
Plusieurs pistes ont été évoquées en coulisses :
- Un spin-off centré sur Chloe Frazer (l’héroïne de The Lost Legacy), avec une approche plus légère et aventureuse.
- Un reboot complet, confié à un studio externe comme Sucker Punch (Ghost of Tsushima) ou Insomniac (Spider-Man), pour moderniser la formule.
- Un jeu en monde ouvert, sur le modèle d’Assassin’s Creed, mais avec la patte narrative de Naughty Dog – une idée qui fait grincer des dents chez les puristes.
Le problème ? Aucun studio ne semble prêt à relever le défi. **"Uncharted, c’est comme reprendre les rênes de James Bond après Sean Connery"**, compare un producteur chez Sony. Le risque est énorme : décevoir les fans en proposant une version édulcorée, ou pire, gâcher l’héritage d’une saga qui a redéfini l’aventure cinématique. Résultat : la licence est dans un no man’s land, trop lourde pour être oubliée, trop intimidante pour être réinventée.
"Nathan Drake, c’est un peu comme Indiana Jones : tout le monde adore le personnage, mais personne ne veut être celui qui le tue." — Un développeur chez Sony (hors Naughty Dog)
**3. Intergalactic : le pari fou qui pourrait tout changer (ou tout faire s’écrouler)**
Dans ce contexte d’incertitudes, une certitude : Naughty Dog mise tout sur Intergalactic: The Heretic Prophet, son premier jeu original depuis The Last of Us en 2013. Peu de détails ont filtré, si ce n’est qu’il s’agira d’une **"aventure narrative ambitieuse dans un cadre science-fiction"**, avec des mécaniques de gameplay **"radicalement différentes"** de ce que le studio a produit jusqu’ici. **"C’est là que réside notre passion actuelle"**, insiste Druckmann, avant d’ajouter : **"Et sans passion, un jeu Naughty Dog n’a pas de raison d’exister."
Mais ce virage vers l’inconnu n’est pas sans risques. Après deux décennies à peaufiner des jeux d’action-aventure ultra-cinématiques, le studio doit réinventer ses compétences :
- Un nouveau moteur graphique : Intergalactic ne tournera pas sur le vieillissant engine de The Last of Us Part II, mais sur une technologie maison encore en développement.
- Des mécaniques inédites : finis les combats à couvert et les énigmes linéaires. Le studio évoque des **"systèmes émergents"** et une **"liberté narrative accrue"** – des termes qui font écho à des titres comme Death Stranding ou Disco Elysium.
- Une pression folle : après l’échec critique relatif de The Last of Us Part II (malgré son succès commercial), Naughty Dog ne peut se permettre un nouveau faux pas.
Pourtant, Druckmann assume ce choix : **"Si on avait écouté les attentes du marché, on aurait fait Uncharted 2, 3, 4 et 5 sans jamais prendre de risques. Mais ce n’est pas comme ça qu’on crée des jeux marquants."** Une philosophie noble, mais qui laisse les fans des licences historiques sur leur faim. **"On nous demande sans cesse quand sortira TLOU3, mais personne ne se souvient que Naughty Dog a aussi créé Crash Bandicoot ou Jak and Daxter"**, rappelle-t-il, comme pour justifier ce retour aux sources créatives.
"Intergalactic, c’est un peu notre 'No Man’s Sky' à nous : soit on révolutionne le genre, soit on devient la blague de la décennie." — Un testeur interne (anonyme)
**4. Derrière les annonces : la stratégie (inavouée) de Sony**
Si Naughty Dog semble suivre son cœur, Sony, lui, a une stratégie bien plus froide. La preuve : tandis que le studio californien planche sur Intergalactic, la maison-mère multiplie les initiatives pour exploiter ses licences sans lui :
- Le remake de The Last of Us Part I (2022) a été confié à Iron Galaxy, un studio connu pour son travail sur Killer Instinct.
- Un projet Uncharted en réalité virtuelle serait en développement chez London Studio (derrière Blood & Truth).
- La série HBO The Last of Us (2023-) a été produite sans implication directe de Naughty Dog, prouvant que la licence peut vivre sans eux.
Une manière pour Sony de diversifier les risques : si Intergalactic échoue, les franchises historiques continueront à rapporter. À l’inverse, si le pari est gagnant, le géant japonais aura un nouveau pilier pour sa ligne-up exclusive. **"C’est une stratégie de portefeuille"**, analyse un observateur du secteur. **"Sony ne met plus tous ses œufs dans le même panier – surtout pas après les retards et dépassements de budget de The Last of Us Part II."
Pour les joueurs, cela signifie une chose : l’attente pourrait être longue. Très longue. **"Si TLOU3 sort un jour, ce ne sera pas avant 2026 ou 2027"**, estime un analyste, en tenant compte des cycles de développement de Naughty Dog (5 à 7 ans par jeu). Quant à Uncharted 5, **"il faudra probablement qu’un studio externe se manifeste avec une vision claire – et ça, ça peut prendre des années"**.
**5. Le syndrome "George Lucas" : quand la passion devient un piège**
Il y a une ironie cruelle dans la situation actuelle de Naughty Dog. Le studio, qui a bâti sa réputation sur des narrations émotionnelles et des personnages inoubliables, se retrouve aujourd’hui prisonnier de ses propres créations. Comme George Lucas avec Star Wars, ou Peter Jackson avec Le Seigneur des Anneaux, l’équipe doit composer avec un héritage si lourd qu’il en devient paralysant.
**"Chaque fois qu’on parle d’une suite, les attentes sont démesurées"**, soupire Druckmann. **"Les fans veulent du Joel et Ellie, mais en mieux. Les critiques veulent une révolution narrative. Les actionnaires veulent des ventes records. Comment concilier tout ça ?"** La réponse, pour l’instant, semble être : en ne choisissant pas. En reportant indéfiniment les décisions, en explorant d’autres voies, en espérant que l’inspiration revienne… ou que le public oublie.
Pourtant, l’histoire du jeu vidéo regorge d’exemples où l’audace a payé :
- FromSoftware a risqué Demon’s Souls (2009) alors que personne ne croyait aux "soulslike". Résultat : une franchise culte.
- CD Projekt Red a misé sur The Witcher 3 (2015) malgré des moyens limités. Aujourd’hui, c’est l’un des RPG les plus acclamés de l’histoire.
- Nintendo a lancé The Legend of Zelda: Breath of the Wild (2017) en brisant toutes ses conventions. Le pari a transformé la licence.
Alors, Intergalactic sera-t-il le Breath of the Wild de Naughty Dog, ou son Daikatana (le fiasco de John Romero) ? **"On ne le saura qu’en y jouant"**, répond Druckmann, philosophe. En attendant, une chose est sûre : l’ère des suites faciles est terminée. Pour le meilleur, ou pour le pire.
Reste une question, lancinante : et si, dans dix ans, on se souvenait de cette période non pas comme d’une transition, mais comme la fin d’une ère ? Celle où Naughty Dog, après avoir révolutionné le jeu narratif, avait préféré partir explorer les étoiles plutôt que de rester prisonnier de ses chefs-d’œuvre.
En attendant, une seule certitude : l’histoire n’est pas finie. Elle est simplement… en pause.