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De 20 euros à 1,1 million : comment un adolescent a révolutionné l’artisanat à Singapour
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Il y a 8 heures

De 20 euros à 1,1 million : comment un adolescent a révolutionné l’artisanat à Singapour

À 16 ans, avec seulement 20 euros en poche, Zames Chew a fondé Repair.sg – une plateforme qui a transformé l’artisanat à Singapour. Huit ans plus tard, son entreprise génère 1,1 million d’euros de chiffre d’affaires annuel, prouve que les métiers manuels peuvent être à la fois innovants et ultra-rentables. Découverte d’un parcours hors norme, entre défis sociaux, croissance fulgurante et révolution numérique d’un secteur souvent sous-estimé.

A retenir :

  • 20 euros pour 1,1 million : le pari fou de Zames Chew, qui lance Repair.sg à 16 ans avec un budget dérisoire, avant de dépasser les 70 % des PME locales en termes de revenus.
  • L’artisanat nouvelle génération : une plateforme 100 % dédiée aux métiers techniques (plomberie certifiée, électricité aux normes, ventilation), avec 12 000 artisans partenaires – dont 60 % ont moins de 35 ans.
  • Croissance record : +40 % en 2023, une marge bénéficiaire de 12 % (contre 8 % pour la concurrence), et un modèle économique moins cher que TaskRabbit (15-20 % de commission vs 30 %).
  • Le défi social : à Singapour, où 60 % des jeunes font des études supérieures, choisir l’artisanat reste mal perçu… Pourtant, les salaires du BTP ont bondi de 18 % en 4 ans, dépassant ceux de certains emplois de bureau.
  • Innovation à tous les étages : formation aux outils digitaux (app de devis, suivi GPS), reconversion d’anciens informaticiens en experts domotique… Repair.sg prouve que tradition et technologie font bon ménage.

2024 : quand un nom de domaine à 20 euros vaut 1,1 million

Imaginez : vous avez 16 ans, vos parents vous poussent vers des études "sûres", et vous, vous dépensez vos économies – 30 dollars de Singapour, soit l’équivalent de 20 euros – pour acheter un nom de domaine. Folie ? Pas pour Zames Chew. Ce jeune Singapourien vient de poser la première pierre de Repair.sg, une plateforme qui, huit ans plus tard, affiche un chiffre d’affaires annuel de 1,7 million de dollars de Singapour (soit 1,1 million d’euros). Une success story qui commence par un constat simple : "À Singapour, trouver un artisan qualifié, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Personne ne centralisait l’offre."

Pourtant, l’idée ne séduit pas tout le monde. Dans une société où 60 % des jeunes accèdent à l’enseignement supérieur (source : Ministry of Education Singapore), choisir l’artisanat équivaut, pour beaucoup, à un échec. "Mes proches me disaient : ‘Tu vas finir balayeur ?’", raconte Zames Chew dans une interview à The Straits Times. Mais le jeune entrepreneur persiste. Son arme secrète ? Une spécialisation ultra-pointue dans les métiers techniques – plomberie certifiée PUB (l’autorité locale de l’eau), électricité aux normes SP PowerGrid, ou maintenance des systèmes de ventilation selon les standards NEA. Rien à voir avec les plateformes généralistes comme TaskRabbit ou AlloVoisins, qui misent sur la quantité plutôt que sur l’expertise.


"L’artisanat, c’est ringard" : le préjugé qui coûte cher

À Singapour, comme dans beaucoup de pays asiatiques ou occidentaux, les métiers manuels traînent une réputation tenace : celle de "voies de garage". Pourtant, les chiffres racontent une autre histoire. Selon le Ministry of Manpower, les salaires moyens dans le BTP ont grimpé de 18 % entre 2019 et 2023, dépassant désormais ceux de certains emplois de bureau juniors. "Un électricien expérimenté peut gagner jusqu’à 5 000 dollars singapouriens par mois [3 200 euros], soit plus qu’un jeune cadre en marketing", précise un rapport de JobStreet Singapore.

Repair.sg surfe sur cette tendance en cassant les codes. L’entreprise ne se contente pas de mettre en relation clients et artisans : elle les forme aussi aux outils digitaux. Résultat ? Des devis gérés via une application maison, un suivi GPS des interventions en temps réel, et même des anciens étudiants en informatique reconvertis dans la domotique ou les systèmes intelligents. "On nous a toujours dit que l’artisanat, c’était pour ceux qui n’avaient pas le choix. Aujourd’hui, on prouve que c’est un secteur d’avenir, surtout avec la digitalisation", explique Jason Chew, le frère de Zames et cofondateur de la plateforme.

Preuve que les mentalités évoluent : parmi les 12 000 artisans partenaires de Repair.sg, 60 % ont moins de 35 ans. Certains, comme Li Wei, 28 ans, ancien développeur web, ont tout plaqué pour se former à la plomberie connectée. "Je gagnais 3 500 dollars en tant que codeur. Aujourd’hui, avec mes compétences en IoT [Internet des Objets] appliquées à la plomberie, je touche 4 200 dollars. Et je ne passe plus mes journées assis devant un écran."


Le secret d’une croissance à +40 % ? Un modèle économique malin

Comment Repair.sg a-t-elle réussi à dépasser 70 % des PME locales du secteur en seulement huit ans ? La réponse tient en trois mots : spécialisation, technologie et tarifs compétitifs. Contrairement à ses concurrents, qui prélèvent jusqu’à 30 % de commission (comme TaskRabbit aux États-Unis), la plateforme singapourienne se contente de 15 à 20 %. Une différence qui attire les artisans… et les clients.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • 1,1 million d’euros de chiffre d’affaires en 2024 (contre une moyenne de 600 000 euros pour les PME du secteur, selon le Department of Statistics Singapore).
  • +40 % de croissance en 2023, contre +25 % pour le géant local HomeFix.
  • 12 % de marge bénéficiaire nette (la concurrence plafonne à 8 %).
  • 1,2 milliard de dollars : la taille du marché des services à domicile à Singapour, dont Repair.sg capte une part toujours plus grande.

Autre atout majeur : la confiance. Tous les artisans partenaires sont vérifiés et certifiés selon les normes locales. "Chez nous, pas de bricolage amateur. Si vous appelez pour une fuite d’eau, vous aurez un plombier agréé PUB, pas un ‘dépanneur du dimanche’", insiste Zames Chew. Une garantie qui rassure dans un pays où la qualité des services est une obsession.


Derrière le succès, une question : et si l’artisanat sauvait l’économie ?

La performance de Repair.sg pose une question plus large : et si les métiers manuels étaient la clé pour relancer les économies locales ? À Singapour, où le chômage des jeunes atteint 6,2 % (source : Ministry of Manpower, 2023), les secteurs comme le BTP ou la maintenance technique recrutent à tour de bras. Pourtant, les candidats se bousculent peu. "On a 5 000 offres d’emploi non pourvues dans l’artisanat. Le problème, c’est l’image : les parents préfèrent voir leurs enfants devenir avocats plutôt que plombiers, même si ces derniers gagnent parfois mieux leur vie", déplore Tan Chuan-Jin, ancien ministre du Travail singapourien.

Repair.sg pourrait bien changer la donne. En misant sur la formation (partenariats avec des écoles techniques) et en modernisant le secteur (outils digitaux, reconversion des profils tech), l’entreprise montre que l’artisanat n’est plus un "plan B", mais une carrière d’avenir. D’ailleurs, le gouvernement singapourien commence à s’y intéresser : en 2023, le SkillsFuture Singapore a lancé un programme de 10 millions de dollars pour former 5 000 artisans aux nouvelles technologies d’ici 2025.

Et demain ? Zames Chew voit plus loin : "Notre objectif, c’est d’exporter le modèle en Malaisie et en Indonésie d’ici 2025. Et pourquoi pas en Europe ? Les problèmes sont les mêmes partout : pénurie d’artisans, méfiance des clients, manque de digitalisation. Nous, on a la solution." Une ambition qui, si elle se concrétise, pourrait bien faire de Repair.sg le "Uber des métiers manuels"… mais en mieux.


Le revers de la médaille : critiques et défis à relever

Pourtant, tout n’est pas rose. Certains artisans reprochent à Repair.sg de trop standardiser les tarifs, limitant leur marge de manœuvre. "Avant, je facturais 100 dollars pour une réparation complexe. Maintenant, la plateforme me dit de ne pas dépasser 85 dollars pour rester ‘compétitif’. C’est bien pour le volume, mais moins pour le portefeuille", témoigne un électricien sous couvert d’anonymat.

Autre écueil : la concurrence des géants. En 2023, Grab (l’équivalent asiatique d’Uber) a lancé GrabHandyman, une offre similaire mais adossée à une marque déjà installée. "Eux, ils ont des millions à investir en pub. Nous, on mise sur la qualité et le bouche-à-oreille. Ça marche… pour l’instant", reconnaît Jason Chew.

Enfin, question scalabilité : le modèle de Repair.sg, très dépendant des certifications locales, sera-t-il transposable à l’étranger ? "En Malaisie, les normes ne sont pas les mêmes qu’à Singapour. Il faudra tout repenser, des formations aux partenariats avec les autorités", prévient un expert du secteur.

Malgré ces défis, une chose est sûre : Repair.sg a déjà changé la donne. Et si son histoire inspire d’autres entrepreneurs, l’artisanat de demain pourrait bien ressembler à ça : high-tech, rentable, et enfin reconnu à sa juste valeur.

L’histoire de Zames Chew et de Repair.sg est bien plus qu’un simple succès entrepreneurial. C’est la preuve que les idées les plus audacieuses naissent souvent là où personne ne les attend – ici, dans un secteur jugé "peu glamour", avec un budget de départ dérisoire. Huit ans après ses débuts, la plateforme a non seulement révolutionné l’artisanat à Singapour, mais elle a aussi redéfini ce que signifie "réussir" : pas besoin d’un diplôme prestigieux ou d’un emploi de bureau pour bâtir un empire. Il suffit parfois de 20 euros, d’une intuition juste, et d’une obstination à toute épreuve.

Reste à voir si ce modèle pourra s’exporter. Une chose est certaine : dans un monde où les métiers manuels peinent à recruter alors que les besoins explosent (transition énergétique, rénovation des logements, etc.), des initiatives comme Repair.sg pourraient bien devenir la norme. Et ça, c’est une révolution qui mérite qu’on en parle.

L'Avis de la rédaction
Par Nakmen
Zames Chew, 16 ans, 30 dollars de Singapour, un nom de domaine, et voici Repair.sg, une success story qui prouve que l’artisanat peut être un secteur d’avenir. À 20 euros, un nom de domaine qui vaut 1,1 million d’euros, c’est du pur génie.
Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Nakmen

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