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797 épisodes plus tard,
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Après 37 saisons, Les Simpson frappent encore avec un coup de théâtre : Beatrice Bouvier, une tante inconnue de Marge, fait son entrée dans l’épisode Sashes to Sashes. Portée par la voix de Carrie Coon (The Leftovers, Watchmen), ce personnage soulève des questions sur les non-dits familiaux, la corruption politique à Springfield, et la cohérence d’un univers où tout peut arriver… ou disparaître. Entre révélation poignante et satire mordante, la série prouve qu’elle peut encore surprendre – mais à quel prix pour sa mythologie ?
A retenir :
- Beatrice Bouvier, interprétée par Carrie Coon, débarque dans Sashes to Sashes (épisode 797) comme la tante "effacée" de Marge, liée à un scandale impliquant Joe Quimby.
- Un mélange explosif de drame familial (la rupture enfantines de Marge) et de satire politique, avec Quimby en manipulateur sans scrupules.
- La réconciliation finale, typiquement simpsonienne, interroge : ce personnage marquera-t-il l’histoire de la série, ou rejoindra-t-il les oubliettes du "non-canon" ?
- Matt Selman (producteur exécutif) assume le flou narratif : "Les Simpson n’ont pas de canon" – une liberté qui fascine autant qu’elle frustre.
- Un épisode qui relance le débat : après 37 saisons, la série peut-elle encore innover sans se trahir ?
"Les princesses n’existent pas" : quand une phrase d’enfance révèle un scandale politique
Tout commence par une réplique cinglante, lancée par une Beatrice Bouvier alors inconnue : "Les princesses et l’amour n’existent pas". Pour la petite Marge, âgée de 4 ans, ces mots suffisent à briser leur relation. Des décennies plus tard, l’épisode Sashes to Sashes (diffusé le 17 mars 2024) exhume ce traumatisme enfoui – et avec lui, un pan entier de l’histoire des Bouvier. Car Beatrice n’est pas une tante ordinaire : son exclusion de la famille est liée à Joe Quimby, le maire corrompu de Springfield, dont le père a orchestré sa disgrâce pour étouffer un scandale.
La révélation prend une dimension politique typique des Simpson : Quimby senior, découvrant que Beatrice (alors jeune militante) détient des preuves de ses malversations, la fait passer pour une "femme instable" auprès des Bouvier. Le stratagème fonctionne : la famille rompt tout contact, et Beatrice sombre dans l’oubli. Jusqu’à ce que Marge, adulte, retombe sur une vieille photo dans le grenier… Carrie Coon, voix du personnage, insiste sur ce parallèle entre "le mensonge politique et le mensonge familial", deux thèmes chers à la série depuis ses débuts.
L’audace du scénario réside dans son équilibre entre absurde et réalisme. D’un côté, la trame rappelle les soaps operas (avec ses secrets inavouables et ses retournements), de l’autre, elle moque les dérives du pouvoir à Springfield – un microcosme où la corruption est une seconde nature. Quand Beatrice avoue à Marge : "Ton grand-père a cru Quimby plutôt que moi, comme tout le monde ici", la réplique résonne comme une critique des mécanismes de l’oppression, servie avec l’ironie qui caractérise la série.
Carrie Coon : une voix pour un personnage entre ombre et lumière
Le choix de Carrie Coon pour incarner Beatrice n’est pas anodin. L’actrice, connue pour ses rôles dans The Leftovers (où elle jouait une femme brisée par le deuil) et Watchmen (une justicière cynique), apporte une profondeur tragique au personnage. Sa performance vocale oscille entre ras-le-bol ("J’ai passé ma vie à me taire !") et tendresse résignée ("Tu me ressembles plus que tu ne le crois, Marge"), créant un contraste saisissant avec le ton habituel des Simpson.
Les fans ont salué cette interprétation, mais certains critiques, comme Alan Sepinwall (Rolling Stone), soulignent un paradoxe : "Coon est si convaincante qu’on oublie qu’on écoute une série comique. Le problème ? Dans deux épisodes, Beatrice pourrait disparaître sans que personne s’en souvienne." Un risque réel, quand on sait que la série a déjà introduit (et abandonné) des dizaines de personnages secondaires – de Frank Grimes à Jessica Lovejoy.
Pour Matt Selman, producteur exécutif, cette volatilité fait partie de l’ADN des Simpson : "Nous ne sommes pas ‘Game of Thrones’. Si un gag ou un personnage fonctionne sur le moment, on le garde. Sinon, on passe à autre chose. Notre seul canon, c’est l’humour." Une philosophie qui explique pourquoi Beatrice, aussi bien écrite soit-elle, pourrait bien devenir une note de bas de page dans l’histoire de la série.
La réconciliation : entre émotion sincère et absurdité assumée
Le climax de l’épisode repose sur une scène de réconciliation entre Marge et Beatrice, lors d’un concours de sashes (ces écharpes symboliques des reines de beauté, clin d’œil à l’obsession de Marge pour les apparences). Alors que les deux femmes s’affrontent sur scène, Beatrice avoue enfin la vérité sur son exclusion – avant que Marge ne lui tende la main, sous les applaudissements du public.
L’émotion est réelle, mais le cadre, typiquement simpsonien, rappelle que la série joue constamment avec les codes. Comme le note Emily VanDerWerff (Vox), "Les Simpson excellent quand ils mélangent le pathos et l’absurde. Ici, la réconciliation a lieu pendant un numéro de claquettes, avec Homer qui renverse un seau de confettis. C’est à la fois touchant et ridicule – et c’est pour ça que ça marche."
Pourtant, cette résolution soulève une question : et après ? Beatrice va-t-elle réapparaître, ou rejoindre la longue liste des personnages éphémères ? Les spectateurs sont divisés. Sur Reddit, l’utilisateur @SimpsonLore a compilé une liste de 42 parents "oubliés" des Simpson (oncles, cousins, grands-tantes), dont certains n’ont été mentionnés qu’une seule fois. "À un moment, ça devient fatigant", commente un fan. "On a l’impression que les scénaristes inventent des liens familiaux au gré des épisodes."
"Pas de canon" : une liberté créative qui divise
La réponse de Matt Selman à ces critiques est sans détour : "Les Simpson n’ont jamais prétendu être une série réaliste. Notre priorité, c’est de faire rire, puis de surprendre. Si un épisode marche, tant mieux. Si un personnage plaît, on le réutilise. Sinon, on passe à autre chose." Cette approche, libératrice pour les scénaristes, peut cependant frustrer les fans les plus investis.
Preuve de cette flexibilité narrative : dans l’épisode Bart’s Girlfriend (1994), Marge mentionnait déjà une "tante qui vivait à Capital City", sans préciser son nom. Certains y voient une prémonition, d’autres un simple détail oublié. "C’est ça, le génie des Simpson", estime Chris Suentel, auteur de Simpsonology. "La série peut tout se permettre, parce qu’elle a créé son propre univers, avec ses propres règles."
Mais cette liberté a un prix. Avec plus de 800 épisodes, la cohérence devient un casse-tête. En 2021, un fan a recensé 15 contradictions majeures dans l’arbre généalogique des Simpson (l’âge de Patty et Selma, le nombre de frères de Homer, etc.). "À force de jouer avec le temps, la série risque de perdre ce qui a fait son charme : son ancrage dans une réalité reconnaissable", avertit David Silverman, réalisateur historique de la série.
Beatrice Bouvier : un one-shot de génie ou un personnage appelé à durer ?
Alors, Beatrice Bouvier marquera-t-elle l’histoire des Simpson ? Plusieurs indices laissent penser que non. D’abord, son arc narratif est bouclé en un épisode : la réconciliation avec Marge offre une conclusion satisfaisante, sans laisser de porte ouverte. Ensuite, son lien avec Joe Quimby (un personnage secondaire) limite ses possibilités de réapparition.
Pourtant, certains éléments pourraient la sauver de l’oubli :
- Son potentiel comique : son cynisme et son franc-parler pourraient faire d’elle une foil (opposée) parfaite pour Marge, à l’instar de Patty et Selma.
- Son passé militant : dans un épisode futur, elle pourrait revenir comme figure de proue d’un mouvement social à Springfield.
- La popularité de Carrie Coon : si les fans réclament son retour, les scénaristes pourraient céder – comme ils l’ont fait pour Sideshow Bob ou M. Burns.
Pour l’instant, Fox n’a fait aucune annonce. Interrogé par The Hollywood Reporter, James L. Brooks, co-créateur de la série, a simplement déclaré : "Beatrice est un personnage qui mérite d’exister. Est-ce qu’on la reverra ? Peut-être. Est-ce qu’on en a besoin ? Pas forcément." Une réponse typiquement évasive, qui laisse planer le doute… et l’espoir.
Derrière Beatrice : les coulisses d’un épisode "spécial"
Saviez-vous que Beatrice Bouvier aurait pu s’appeler Bernadette ? À l’origine, les scénaristes voulaient un clin d’œil à Bernadette Peters, l’actrice qui prête sa voix à Rita LaFleur (la petite amie de Homer dans The Seven-Beer Snitch). Mais l’idée a été abandonnée quand Carrie Coon a été castée : "Son timbre de voix, à la fois rauque et chaleureux, nous a inspirés pour réécrire le personnage", confie Rob LaZebnik, scénariste de l’épisode.
Autre détail insolite : la scène du grenier, où Marge découvre la photo de Beatrice, est un hommage à Citizen Kane. "On voulait une révélation visuelle forte, comme la ‘Rosebud’ d’Orson Welles", explique Mike Anderson, réalisateur de l’épisode. "Sauf qu’ici, au lieu d’un traîneau, c’est une écharpe de reine de beauté qui déclenche tout !"
Enfin, l’épisode contient une easter egg pour les fans hardcore : quand Beatrice évoque son passé de militante, on aperçoit en arrière-plan une affiche "Springfield contre les réacteurs" – une référence à l’épisode Two Cars in Every Garage and Three Eyes on Every Fish (1990), où Homer travaille pour M. Burns et sa centrale nucléaire. "C’est notre façon de rappeler que tout est lié à Springfield", glisse Selman.
Avec Beatrice Bouvier, Les Simpson prouvent qu’ils peuvent encore surprendre, même après 37 saisons. Entre drame familial, satire politique et humour absurde, l’épisode Sashes to Sashes offre un mélange explosif, porté par la performance de Carrie Coon. Pourtant, une question persiste : cette révélation marquera-t-elle durablement la série, ou deviendra-t-elle une anecdote de plus dans son histoire sans fin ?
Une chose est sûre : que Beatrice réapparaisse ou non, elle incarne à elle seule ce qui fait la magie (et la frustration) des Simpson – un univers où tout est possible, mais où rien n’est jamais gravé dans le marbre. Et si c’est ce qui permet à la série de rester fraîche après près de 40 ans, c’est aussi ce qui laisse ses fans dans l’expectative… et l’impatience du prochain coup de théâtre.

