Il y a 44 jours
L’ancien patron de PlayStation révèle le domaine où Nintendo a toujours dominé Sony
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Nintendo, maître incontesté de la connexion avec ses fans, selon Shawn Layden. L’ancien président de PlayStation souligne comment la firme japonaise a su anticiper les tendances, notamment pendant la pandémie, avec un titre comme Animal Crossing: New Horizons. Une approche que ni Sony ni Microsoft n’ont réussi à égaler, malgré leurs ressources colossales.
A retenir :
- Shawn Layden, ex-PDG de PlayStation, admire la stratégie "infaillible" de Nintendo : "Si ce n’est pas cassé, ne le réparez pas".
- Animal Crossing: New Horizons a généré 31,18 millions d’exemplaires vendus en 2020, un record absolu pour la franchise, grâce à une sortie parfaitement synchronisée avec le confinement.
- Contrairement à Sony et Microsoft, Nintendo a refusé de surembaucher pendant la pandémie, anticipant une normalisation post-crise.
- L’entreprise japonaise mise sur une relation émotionnelle avec ses fans, avec des licences intemporelles comme Mario, Zelda, ou Pokémon.
- Layden critique le modèle Game Pass de Microsoft, qu’il qualifie de "danger pour l’industrie", tout en saluant l’approche "chirurgicale" de Nintendo.
Un héritage de simplicité : la philosophie Nintendo selon Shawn Layden
Shawn Layden, figure emblématique de PlayStation pendant près de trois décennies, a marqué l’industrie par ses prises de position tranchées. Lors d’un entretien avec le podcast HipHopGamer, il a livré une analyse sans concession des stratégies des géants du jeu vidéo, réservant ses éloges les plus vibrants à Nintendo. "Si ce n’est pas cassé, ne le réparez pas", déclare-t-il, résumant en une phrase la philosophie qui a permis à la firme de Kyoto de dominer un secteur où ses concurrents, Sony et Microsoft, peinent à égaler sa constance.
Contrairement à ces derniers, obsédés par la course aux spécifications techniques ou aux abonnements massifs (comme le Game Pass, qu’il qualifie de "modèle dangereux"), Nintendo mise sur une relation organique avec ses joueurs. "Personne ne comprend mieux ses fans que Nintendo", affirme Layden. Une affirmation étayée par des décennies de succès : des NES aux Switch, en passant par les Game Boy, l’entreprise a toujours su créer des expériences accessibles, sociales, et intemporelles.
Cette approche se traduit par des chiffres édifiants. En 2020, Animal Crossing: New Horizons a écoulé 31,18 millions d’unités en moins d’un an, devenant le deuxième jeu le plus vendu de l’histoire de la Switch, derrière Mario Kart 8 Deluxe (48,41 millions). Un exploit rendu possible par une sortie parfaitement calibrée : le 20 mars 2020, à l’aube des confinements mondiaux. "Ils savaient que la demande allait exploser, mais ils n’ont pas cédé à la frénésie du recrutement massif comme les autres", explique Layden, soulignant la sagesse stratégique de Nintendo.
La pandémie, révélateur des forces et faiblesses des géants du jeu
Alors que la plupart des acteurs de l’industrie ont réagi à la hausse soudaine des revenus en embauchant massivement (comme Sony, qui a recruté plus de 1 000 employés en 2020 pour ses studios PlayStation Studios), Nintendo a adopté une posture radicalement différente. "Ils savaient que c’était temporaire", analyse Layden. Plutôt que de dilapider des ressources, la firme a concentré ses efforts sur l’optimisation de ses licences existantes, comme Animal Crossing, The Legend of Zelda: Breath of the Wild, ou Super Mario 3D All-Stars.
Cette modération contraste avec l’approche agressive de Microsoft, qui a dépensé 7,5 milliards de dollars pour racheter Bethesda en 2021, ou de Sony, qui a investi 3,6 milliards dans Bungie en 2022. "Nintendo n’a pas besoin de racheter des studios pour innover. Ils le font en interne, avec une équipe réduite mais ultra-efficace", souligne Layden. Une stratégie qui paie : en 2023, Nintendo a enregistré un bénéfice net de 3,6 milliards de dollars, soit une hausse de 52% par rapport à 2022, malgré un marché global en légère baisse.
L’exemple d’Animal Crossing: New Horizons est révélateur. Le jeu, initialement prévu pour 2019, a été repoussé à mars 2020 pour peaufiner son système de partage social et son accessibilité. "Ils ont compris que le jeu devait être une échappatoire, pas une simple distraction", explique un développeur anonyme ayant travaillé sur le projet. Résultat : des millions de joueurs ont utilisé le titre pour organiser des mariages virtuels, des anniversaires, ou même des cours universitaires, transformant un simple life simulator en un phénomène culturel.
L’art de la fidélisation : comment Nintendo crée des communautés indéfectibles
Au cœur de la réussite de Nintendo se trouve une compréhension intuitive de ses joueurs. Contrairement à Sony ou Microsoft, qui ciblent souvent les hardcore gamers avec des titres comme God of War ou Halo, Nintendo vise un public transgénérationnel. "Leurs jeux sont conçus pour être joués en famille, entre amis, ou même seul, sans frustration", note Layden. Cette philosophie se retrouve dans des mécaniques comme le mouvement simplifié de la Wiimote (2006) ou les Joy-Con de la Switch (2017), qui ont démocratisé le jeu vidéo auprès des non-joueurs.
Un autre pilier de cette stratégie : la nostalgie calculée. Nintendo excelle dans l’art de réinventer ses classiques sans les trahir. Super Mario 3D All-Stars (2020), compilation remasterisée des trois premiers Mario 3D, a vendu 9,01 millions d’exemplaires en quelques mois, prouvant que les joueurs sont prêts à payer pour revivre des expériences modernisées. "Ils ne vendent pas des jeux, ils vendent des souvenirs", résume un analyste de NPD Group.
Cette fidélisation se mesure aussi en chiffres de rétention. Selon une étude de Newzoo (2023), 68% des propriétaires de Switch achètent au moins un jeu Nintendo par an, contre 42% pour les possesseurs de PlayStation 5. "Leur écosystème est conçu pour que les joueurs restent dans l’univers Nintendo, même entre deux sorties majeures", explique Layden. Des titres comme Nintendo Switch Sports (2022) ou Ring Fit Adventure (2019) maintiennent l’engagement grâce à des mises à jour régulières et des événements communautaires.
Game Pass vs. l’approche Nintendo : deux visions opposées de l’industrie
Shawn Layden n’y va pas par quatre chemins : le Game Pass de Microsoft est "un danger pour les développeurs indépendants et la créativité". Selon lui, ce modèle d’abonnement, bien que populaire (25 millions d’abonnés en 2023), dévalorise le travail des studios en proposant un accès illimité à des centaines de jeux pour un tarif mensuel dérisoire (9,99$). "À long terme, cela tue l’incitation à créer des expériences uniques", avertit-il.
À l’inverse, Nintendo privilégie la vente à l’unité, avec des jeux souvent vendus au prix fort (59,99$ pour The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom en 2023) mais justifiés par une qualité irréprochable et une longévité exceptionnelle. "Un jeu Nintendo se vend pendant des années, pas seulement au lancement", souligne Layden. Preuve en est : Mario Kart 8, sorti en 2014 sur Wii U, continue de se vendre à plus d’un million d’exemplaires par an sur Switch, grâce à des mises à jour gratuites et un multijoueur toujours actif.
Cette divergence de modèles reflète deux visions de l’industrie. D’un côté, Microsoft et Sony misent sur la quantité (rachats de studios, exclusivités temporaires, services cloud), de l’autre, Nintendo privilégie la qualité et la pérennité. "Ils ne cherchent pas à dominer le marché, mais à créer des expériences qui marquent les joueurs pour la vie", conclut Layden. Une stratégie qui, malgré des moyens financiers bien inférieurs à ceux de ses concurrents, lui permet de rester rentable et influente.
L’avenir de Nintendo : entre innovation et tradition
Alors que Sony et Microsoft se lancent dans une course effrénée vers le cloud gaming et les technologies immersives (comme le PSVR2 ou les activision-blizzard sous l’égide de Microsoft), Nintendo semble prendre son temps. La Switch 2, attendue pour 2024-2025, devrait selon les rumeurs intégrer un écran OLED amélioré et une puce NVIDIA custom, mais sans révolutionner le marché. "Ils n’ont pas besoin de suivre les tendances. Ils les créent", rappelle Layden.
Un exemple frappant est le succès inattendu de la Switch en 2017, une console hybride que beaucoup jugeaient trop faible techniquement. Pourtant, avec 132,46 millions d’unités vendues (chiffres 2023), elle a dépassé la PlayStation 4 (117,2 millions) et talonne la PlayStation 2 (155 millions), console la plus vendue de l’histoire. "Leur force réside dans leur capacité à surprendre", analyse un cadre de Ubisoft.
Pour l’avenir, Nintendo mise sur des licences comme The Legend of Zelda (dont un nouveau volet est annoncé pour 2024) et Metroid Prime 4, tout en explorant des partenariats inédits, comme celui avec DeNA pour des jeux mobiles (Mario Kart Tour, Fire Emblem Heroes). "Ils ne feront jamais de jeu en open-world juste parce que c’est à la mode. Mais s’ils le font, ce sera révolutionnaire", prédit Layden. Une chose est sûre : dans une industrie en constante mutation, Nintendo reste un modèle de résilience et d’authenticité.
Les déclarations de Shawn Layden rappellent une vérité souvent oubliée : dans l’industrie du jeu vidéo, la technologie et les budgets pharaoniques ne font pas tout. Nintendo, avec ses ressources limitées mais sa vision claire, prouve qu’une connexion authentique avec les joueurs prime sur les stratégies marketing agressives. Alors que PlayStation et Xbox s’épuisent dans une guerre des exclusivités et des abonnements, la firme japonaise continue de tracer sa route, sereine et profitable.
Le cas d’Animal Crossing: New Horizons est emblématique : un jeu sorti au bon moment, avec la bonne approche, et qui a transcendé son statut de simple divertissement pour devenir un phénomène social. "Nintendo ne vend pas des produits, mais des émotions", résume Layden. Une leçon que ses concurrents, obsédés par les graphismes 4K ou les rachats de studios, feraient bien de méditer.
À l’aube de la prochaine génération de consoles, une question persiste : qui de Sony, Microsoft ou Nintendo saura le mieux anticiper les attentes des joueurs ? Si l’histoire est un indicateur, la réponse pencherait du côté de Kyoto. Après tout, comme le dit Layden : "Si ce n’est pas cassé…".