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Call of Duty : Comment une Guerre d’Ego a Créé l’Une des Plus Grandes Franchises du Jeu Vidéo
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D’une rupture conflictuelle à un empire : comment Call of Duty a émergé des tensions entre Infinity Ward et Electronic Arts pour devenir un phénomène mondial. Avec plus de 425 millions de jeux vendus, une adaptation hollywoodienne en route et un héritage qui façonne encore les FPS modernes, voici l’histoire méconnue d’une franchise née d’un clash créatif – et des retombées inattendues qui ont marqué l’industrie.
A retenir :
- Call of Duty est né en 2003 après la rupture entre Infinity Ward et EA, lorsque Vince Zampella et son équipe ont rejoint Activision pour créer un concurrent à Medal of Honor.
- La franchise a dépassé les 425 millions d’unités vendues, écrasant son ancien rival et devenant un pilier des jeux de guerre, malgré un départ chaotique.
- Un parcours en boucle pour Zampella : de EA à Activision, puis retour sous EA via Respawn Entertainment (Star Wars Battlefront), illustrant les alliances mouvantes du secteur.
- Hollywood se lance enfin : Paramount prépare un film et une série Call of Duty, alors que Battlefield 6 prouve que les FPS militaires restent ultra-populaires.
- Ridley Scott avait envisagé une adaptation dès les années 2000, mais le projet avait capoté face aux échecs passés des films de jeux vidéo.
- Une leçon d’histoire : parfois, les conflits créatifs engendrent des révolutions – à condition de tomber sur le bon éditeur au bon moment.
2003 : Quand un "F*** You" à EA a Changé l’Histoire du Jeu Vidéo
Imaginez la scène : 2003, dans les bureaux d’Infinity Ward, une petite équipe de développeurs frustrés par les contraintes imposées par Electronic Arts. Parmi eux, Vince Zampella, cofondateur du studio, qui n’a pas sa langue dans sa poche. Years plus tard, il résumera la situation avec un franc-parler qui en dit long : "Call of Duty existe parce qu’EA étaient des connards." Une phrase choc, mais qui résume à elle seule l’origine explosive d’une des franchises les plus lucrative de l’histoire.
À l’époque, Zampella et son équipe planchent sur Medal of Honor, une série de tir tactique en partenariat avec Steven Spielberg. Malgré ce coup de pouce hollywoodien, le jeu peine à rivaliser avec l’essor des FPS plus dynamiques. Pire : les tensions avec EA s’enveniment. Les développeurs se sentent bridés, leurs idées créatives étouffées par des directives commerciales jugées trop rigides. La goutte d’eau ? Un désaccord sur la direction à donner à Medal of Honor: Allied Assault, sorti en 2002. Pour Zampella et ses associés, c’est le déclic : il est temps de voler de leurs propres ailes.
Leur arme secrète ? Un prototype de jeu qu’ils ont développé en cachette, un FPS plus rapide, plus nerveux, avec une approche multiplayer révolutionnaire pour l’époque. Ce projet, c’est l’embryon de Call of Duty. Reste à trouver un éditeur prêt à les suivre. C’est là qu’Activision entre en jeu, flairant le potentiel d’un titre qui pourrait concurrencer Medal of Honor… et accessoirement, donner un coup de pied dans la fourmilière d’EA.
"On Va Leur Montrer" : Le Pari Fou d’Activision
Le rachat d’Infinity Ward par Activision en 2003 est un coup de maître. L’éditeur, alors en quête de franchises fortes, mise gros sur ce studio inconnu et son jeu encore confidentiel. Le pari est audacieux : Call of Duty sortira la même année que Medal of Honor: Rising Sun, le nouveau opus d’EA. La guerre est déclarée.
Résultat ? Un succès critique et commercial immédiat. Les joueurs adorent le réalisme tactique du titre, son mode multijoueur addictif, et surtout, cette sensation de liberté que Medal of Honor ne leur offrait plus. En à peine quelques mois, Call of Duty s’impose comme le FPS de référence sur PC, reléguant son ancien rival au rang de simple souvenir. Ironie suprême : le jeu qui devait tuer Medal of Honor est né… parce que ses créateurs en avaient assez de travailler dessus.
Pour Activision, c’est le jackpot. La franchise va s’enchaîner à un rythme effréné : un nouvel opus presque chaque année, des spin-offs, des extensions, et surtout, des ventes qui explosent. En 2024, le compteur dépasse les 425 millions d’unités écoulées – un chiffre astronomique, même pour l’industrie du jeu vidéo. Pendant ce temps, Medal of Honor ? La série s’éteint doucement, victime de son incapacité à innover… et des choix stratégiques d’EA qui, ironiquement, auront indirectement créé son pire cauchemar.
Le Retour du Bâton : Quand Zampella Boucle la Boucle
L’histoire de Vince Zampella est un véritable roman à rebondissements. Après avoir quitté EA pour fonder Infinity Ward, puis avoir propulsé Call of Duty au sommet, il se retrouve en 2010 au cœur d’un nouveau conflit – cette fois avec Activision. Licencié dans des conditions houleuses (un procès s’ensuivra, avec un dédommagement record de 42 millions de dollars pour Zampella et son associé Jason West), il décide de recommencer à zéro.
Avec Respawn Entertainment, son nouveau studio, il signe un partenariat surprise… avec Electronic Arts. Oui, le même EA qu’il avait quitté une décennie plus tôt en claquant la porte. Le cercle est bouclé. Sous la bannière d’EA, Respawn donne naissance à Titanfall, puis à Apex Legends, avant de récupérer les rênes de Star Wars Battlefront. Une revanche en douceur ? Peut-être. Toujours est-il que Zampella a prouvé une chose : dans le jeu vidéo, les ennemis d’hier peuvent devenir les partenaires de demain.
"L’industrie est petite, tout le monde se connaît, et les rancœurs ne durent qu’un temps", confie un ancien d’Infinity Ward sous couvert d’anonymat. "Ce qui compte, c’est de tomber sur les bonnes personnes au bon moment. Vince a eu cette chance deux fois : d’abord avec Activision, puis avec EA. Et à chaque fois, ça a payé."
Hollywood Tente (Encore) Sa Chance : Call of Duty au Cinéma
Si Call of Duty a conquis les joueurs, il lui manquait une pièce maîtresse : une adaptation cinématographique à la hauteur. Pourtant, l’idée n’est pas nouvelle. Dès les années 2000, Ridley Scott – oui, le réalisateur d’Alien et de Gladiator – avait manifesté son intérêt pour porter la franchise à l’écran. Les discussions avaient même avancé, avant de s’enliser dans un problème récurrent : les films tirés de jeux vidéo, à l’époque, c’était synonyme de bide.
Uwe Boll et ses navets (House of the Dead, Alone in the Dark) avaient laissé des traces. Personne ne voulait risquer des millions sur un projet jugé trop risqué. Jusqu’à aujourd’hui. En 2024, Paramount Pictures annonce officiellement un partenariat avec Activision pour développer un film Call of Duty, ainsi qu’une série télévisée. Les détails restent flous, mais une chose est sûre : le contexte n’a jamais été aussi favorable.
Preuve en est : Battlefield 6, le concurrent direct de Call of Duty, domine actuellement les charts Steam, rappelant que l’appétit pour les FPS militaires est toujours aussi vorace. Les studios ont enfin compris que pour réussir une adaptation, il faut respecter l’univers du jeu tout en offrant une narration cinématographique solide – une équation que The Last of Us (HBO) a brillamment résolue.
"Le défi, ce n’est pas de faire un film d’action avec des soldats, mais de capturer l’émotion des joueurs", explique un producteur lié au projet. "Call of Duty, c’est une expérience immersive, presque sensorielle. Il faut transposer ça à l’écran sans tomber dans le cliché du film de guerre classique." Un pari ambitieux, mais qui pourrait bien payer – surtout si Paramount mise sur un réalisateur capable de marier spectacle et profondeur, à l’image d’un Christopher Nolan ou d’un Denis Villeneuve.
L’Héritage de Call of Duty : Une Révolution qui a Changé les Règles
Au-delà des chiffres et des adaptations, Call of Duty a marqué l’industrie à jamais. Avant lui, les FPS militaires étaient souvent lents, tactiques, presque élitistes. Infinity Ward a démocratisé le genre en y injectant du rythme, de l’accessibilité, et surtout, une dimension sociale grâce au multijoueur en ligne. Les clans, les ranked matches, les battle passes… Toutes ces mécaniques aujourd’hui omniprésentes doivent une fière chandelle à Call of Duty 4: Modern Warfare (2007), qui a redéfini les standards.
Mais la franchise a aussi ses détracteurs. Certains lui reprochent d’avoir standardisé les FPS, au point que beaucoup de jeux se ressemblent aujourd’hui. D’autres pointent son modèle économique agressif, entre DLC à répétition et microtransactions controversées. "Call of Duty, c’est comme McDonald’s : tu sais exactement ce que tu vas manger, et c’est toujours efficace… mais est-ce que c’est vraiment bon pour toi ?", lance un développeur indépendant.
Pourtant, impossible de nier son impact culturel. Des streamers comme Ninja ou Shroud ont bâti leur carrière sur Call of Duty. Des tournnois esport attirent des millions de spectateurs. Et surtout, la franchise a su évoluer : après avoir dominé les années 2000 avec ses opus historiques, elle a osé le futuriste (Black Ops III), le battle royale (Warzone), et même le zombie mode, devenant bien plus qu’un simple jeu de guerre.
Alors, Call of Duty est-il le fruit du hasard, d’un coup de génie, ou d’une succession de coups bas bien placés ? Un peu des trois, probablement. Ce qui est sûr, c’est que sans la colère de quelques développeurs contre EA, sans ce prototype développé en secret, et sans le pari fou d’Activision, le paysage du jeu vidéo serait radicalement différent aujourd’hui. Et ça, c’est peut-être la plus belle des revanches.

