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Concord : quand les fans refusent de laisser mourir le fiasco de Sony
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Il y a 10 heures

Concord : quand les fans refusent de laisser mourir le fiasco de Sony

Malgré son échec cuisant et sa disparition prématurée, Concord, le shooter multijoueur de Sony, renaît de ses cendres grâce à une poignée de passionnés. Ces derniers, après des mois d’ingénierie inverse, ont réussi à relancer des parties en ligne via des serveurs privés, défiant les avis de retrait émis par l’éditeur. Une résurrection qui pose autant de questions juridiques que techniques, alors que Sony, après une série d’échecs dans le domaine des jeux comme service, semble déterminé à étouffer toute tentative de revival non autorisé.

A retenir :

  • Concord, retiré après seulement deux semaines et 25 000 ventes, devient un symbole de la difficulté de Sony à percer dans les jeux comme service.
  • Des fans ont reconstruit le jeu via l’ingénierie inverse, relançant des parties en ligne malgré les avis de retrait YouTube de Sony.
  • Le projet, bien que "jouable", reste instable et suscite des menaces légales, poussant les développeurs amateurs à restreindre les accès.
  • Sony a abandonné plusieurs jeux comme service (The Last of Us, Spider-Man, God of War) depuis 2022, remettant en cause sa stratégie initiale.
  • Un débat éthique émerge : les joueurs légitimes ont-ils le droit de prolonger l’expérience d’un jeu abandonné par son éditeur ?

L’épopée ratée de Concord : comment Sony a brûlé des centaines de millions

Le 23 août 2024, Concord, le shooter multijoueur développé par Firewalk Studios (ex-Destiny), était officiellement retiré des étagères virtuelles de PlayStation. Deux semaines seulement après son lancement, le jeu avait accumulé un bilan catastrophique : 25 000 copies vendues, selon les estimations, pour un budget de développement dépassant les 100 millions de dollars. Un fiasco retentissant, même pour un géant comme Sony, qui avait misé gros sur ce titre pour conquérir le marché des jeux comme service (GaaS).

Pourtant, Concord n’était pas un projet improvisé. Annoncé en mai 2023 lors d’un PlayStation Showcase, il promettait une expérience compétitive inédite, mêlant 5v5 et mécaniques de héros inspirées d’Overwatch ou de Valorant. Firewalk Studios, fondé par d’anciens de Bungie, avait même recruté des vétérans de Halo et Destiny pour peaufiner son gameplay. Mais dès les premières bêtas fermées, les retours étaient mitigés : manque de contenu, problèmes de netcode, et surtout, une identité floue dans un marché déjà saturé.

Le pire était à venir. À sa sortie, Concord se heurtait à une concurrence féroce : Overwatch 2 (Blizzard), Valorant (Riot), et même Helldivers 2 (un autre titre PlayStation, mais bien plus populaire). Les joueurs boudèrent le titre, et Sony, confronté à des serveurs déserts, prit une décision radicale : fermeture immédiate et remboursements automatiques. Firewalk Studios, après seulement quatre ans d’existence, ferma ses portes en septembre 2024, emportant avec lui des dizaines d’emplois et des années de travail.

Ce échec s’inscrivait dans une série noire pour Sony. Depuis 2022, l’éditeur avait annulé ou abandonné pas moins de cinq projets GaaS :

  • Un jeu God of War en développement chez Bluepoint (les créateurs du remake de Demon’s Souls).
  • The Great Web, un titre coopératif Spider-Man chez Insomniac.
  • Un projet Twisted Metal chez Firesprite.
  • Un jeu comme service non divulgué chez Bend Studio (Days Gone).
  • Un titre The Last of Us chez Naughty Dog, abandonné après des années de développement.

Lors de la présentation des résultats financiers de novembre 2024, Lin Tao, directeur financier de Sony, avait reconnu que la stratégie GaaS "ne se déroulait pas comme prévu". Un euphémisme, quand on sait que Concord alone aurait coûté plus cher que le développement de God of War Ragnarök (estimé à 200 millions).


La rébellion des fans : ingénierie inverse et serveurs pirates

C’est dans ce contexte de désastre que naquit, fin 2024, un projet audacieux : faire revivre Concord malgré son arrêt officiel. Une poignée de joueurs, regroupés sur un serveur Discord privé, se lancèrent dans une opération d’ingénierie inverse du code du jeu. Leur objectif ? Recréer les serveurs pour permettre aux possesseurs légitimes de la licence de rejouer en ligne.

"Après des mois de reverse engineering et de développement de serveurs, nous avons enfin réussi à lancer une partie de Concord !" annonçait fièrement l’équipe en décembre 2024, selon des captures partagées par The Game Post. Les images montraient un menu principal fonctionnel, une sélection de personnages, et même un système de matchmaking basique. "Le projet est encore en développement, il y a des bugs, mais c’est jouable", précisait un membre du groupe.

Pourtant, cette résurrection ne passa pas inaperçue. Dès que les vidéos de gameplay furent publiées sur YouTube, Sony réagit avec célérité : avis de retrait pour violation de copyright. Les fans, conscients des risques juridiques, tentèrent de se couvrir en restreignant l’accès aux seuls joueurs ayant acheté le jeu avant son retrait. "Je sais que c’est frustrant pour ceux qui ont été remboursés de force, mais les avocats de Sony surveillent probablement tout ce que nous faisons. Nous voulons que ce projet reste le plus légal possible", écrivait un modérateur sur Discord.

Mais les pressions s’intensifièrent. Début 2025, les leaders du projet annonçaient la suspension des invitations, évoquant des "mesures légales préoccupantes". Certains membres quittèrent même le groupe, craignant des poursuites. "Nous ne voulons pas finir comme les gars de PT [le jeu annulé de Kojima] ou Silent Hills", confiait un développeur amateur sous couvert d’anonymat.

Techniquement, leur travail était impressionnant. En reconstituant les API des serveurs et en contournant les protections DRM, ils avaient réussi à faire tourner le mode Clash Point (un 5v5 objectif-based), bien que des problèmes de latence et des plantages aléatoires persistaient. "C’est comme si on réanimait un cadavre : ça bouge, mais ce n’est pas vraiment vivant", comparait un joueur testeur.


Sony et les jeux comme service : une stratégie en lambeaux

L’échec de Concord n’était pas un accident isolé, mais le symptôme d’une stratégie mal pensée. En 2022, Jim Ryan, alors PDG de PlayStation, avait annoncé avec faste que Sony lancerait "plus de 10 jeux comme service d’ici mars 2026", accompagnés d’acquisitions massives : Bungie (1,2 milliard de dollars), Haven Studios (Jade Raymond), et bien sûr, Firewalk. Une réponse directe à Microsoft et son Game Pass, ainsi qu’à l’essor des modèles free-to-play comme Fortnite ou Genshin Impact.

Mais la réalité fut bien différente. Contrairement à Microsoft, qui avait su intégrer des studios comme Bethesda ou Activision dans une vision cohérente, Sony peina à aligner ses équipes. Bungie, censé devenir le fer de lance des GaaS, se concentrait sur Destiny 2 et un nouveau projet solo, Marathon. Haven Studios, après le départ de Jade Raymond, fut réorganisé. Quant à Firewalk, son unique production, Concord, fut un désastre.

Les analystes pointent plusieurs erreurs :

  • Un manque de différenciation : Concord arrivait dans un marché déjà dominé par Overwatch 2 et Valorant, sans proposer de mécanique révolutionnaire.
  • Une communication désastreuse : le jeu fut annoncé trop tôt, créant des attentes irréalistes.
  • Un modèle économique flou : ni vraiment free-to-play, ni vraiment premium, avec des microtransactions mal perçues.
  • Une méconnaissance des attentes des joueurs : les tests bêta révélèrent un manque d’intérêt pour le mode compétitif proposé.

Pour Daniel Ahmad, analyste chez Niko Partners, "Sony a sous-estimé la complexité des jeux comme service. Ce n’est pas juste une question de technologie, mais de communauté, de contenu régulier, et de monétisation équilibrée. Concord était condamné dès le départ".

Aujourd’hui, Sony semble avoir revu ses ambitions à la baisse. Lors d’une conférence interne en janvier 2025, des sources proches de Bloomberg révélèrent que l’éditeur se recentrait sur des expériences solo et narratives, ses points forts historiques. Les projets GaaS restants, comme celui de Guerrilla Games (Horizon), seraient désormais développés avec une "approche plus prudente".


Le débat éthique : les joueurs ont-ils le droit de sauver un jeu abandonné ?

La résurrection de Concord par des fans soulève une question cruciale : jusqu’où peut-on aller pour préserver un jeu abandonné ? D’un côté, les développeurs amateurs arguent qu’ils ne violent pas les droits d’auteur, puisqu’ils ne distribuent pas le jeu lui-même, mais recréent seulement les serveurs pour ceux qui l’ont légalement acheté.

"Si Sony ne veut plus de Concord, pourquoi empêcher ceux qui l’aiment de continuer à y jouer ?" s’interroge Marcus, un joueur ayant participé aux tests privés. "C’est comme si on nous volait deux fois : d’abord en retirant le jeu, ensuite en nous empêchant de le faire vivre nous-mêmes."

Mais du point de vue de Sony, la situation est claire : toute utilisation non autorisée du code ou des assets est illégale, même si le jeu n’est plus commercialisé. "Les licences et les droits de propriété intellectuelle ne disparaissent pas parce qu’un produit est abandonné", rappelle Me Émilie Dubois, spécialiste du droit du numérique. "Les fans prennent un risque réel, surtout si Sony décide de faire un exemple."

Ce cas n’est pas isolé. D’autres communautés ont tenté de sauver des jeux abandonnés, avec des fortunes diverses :

  • PT (le jeu annulé de Kojima) : des fans ont recréé des versions jouables via des demakes, mais sous la menace constante de poursuites.
  • Star Wars Galaxies : des serveurs privés (SWG Emu) existent depuis des années, tolérés tant qu’ils ne monétisent pas.
  • City of Heroes : après la fermeture des serveurs officiels, des versions non officielles (Homecoming) ont émergé, avec une tolérance relative des ayants droit.

Pour Julien Chièze, journaliste chez Canard PC, "le cas Concord montre les limites du modèle actuel. Les éditeurs abandonnent des jeux après quelques mois, mais refusent de libérer les droits pour que les communautés puissent les entretenir. C’est une perte culturelle, surtout pour des titres multijoueurs qui ne peuvent survivre sans serveurs actifs."


L’avenir de Concord : entre nostalgie et oubli

Alors, que reste-t-il de Concord en 2025 ? Un symbole des excès des jeux comme service, un échec cuisant pour Sony, et une communauté de passionnés déterminés à le faire survivre. Mais son avenir reste incertain.

Du côté des fans, les développements continuent, mais dans l’ombre. "Nous travaillons sur une version plus stable, avec moins de bugs et un meilleur netcode", confie un membre de l’équipe. "Mais nous ne publierons plus de vidéos publiques. Sony a été clair : ils ne veulent pas que ce projet existe."

Certains espèrent encore un revirement de Sony. "Si ils voient que la communauté est toujours là, peut-être qu’ils accepteront de libérer les serveurs, comme Square Enix l’a fait pour Final Fantasy XIV 1.0", rêve un joueur. Mais les précédents ne sont pas encourageants : Sony a rarement fait preuve de clémence dans ce genre de situations.

Pour les observateurs, Concord restera un cas d’école. "C’est la preuve que même les géants du jeu vidéo peuvent se planter royalement quand ils s’éloignent de leurs forces", analyse Thomas Bidaux, consultant en industrie du jeu. "Sony excelle dans les narrations solo, les mondes ouverts, les expériences cinématographiques. Les jeux comme service, c’est une autre paire de manches."

En attendant, les serveurs pirates de Concord continuent de tourner, dans un flou juridique et technique. Une résistance silencieuse, portée par ceux qui refusent de voir disparaître un jeu qui, malgré ses défauts, avait su les marquer. Comme le disait un joueur sur Reddit : "Concord était peut-être un mauvais jeu, mais c’était notre mauvais jeu."

L’histoire de Concord est celle d’un gâchis industriel, où des centaines de millions de dollars, des années de travail, et des dizaines de carrières se sont évaporées en quelques semaines. Mais c’est aussi le récit d’une révolte des joueurs, déterminés à préserver ce qui leur appartient, malgré les interdits.

Ce cas illustre les tensions croissantes entre éditeurs et communautés, dans un paysage où les jeux deviennent des services éphémères, abandonnés au gré des stratégies financières. Alors que Sony semble avoir tourné la page des jeux comme service, la question reste entière : qui a le droit de décider quand un jeu meurt ?

Une chose est sûre : tant qu’il y aura des passionnés prêts à défier les géants pour faire revivre leurs titres préférés, des projets comme celui de Concord continueront d’exister, dans l’ombre, entre nostalgie et désobéissance numérique.

L'Avis de la rédaction
Par Celtic
"Concord, c'est comme si Sony avait tenté de faire un cake aux épices avec des ingrédients périmés. Résultat : un fiasco qui a coûté cher et laissé un goût amer. Les fans, eux, sont comme des cuisiniers amateurs qui essaient de sauver le plat en recréant les serveurs. Mais Sony, c'est le chef qui ne veut pas partager sa recette, même si le plat est déjà brûlé. C'est la définition même de la disruption culinaire."
Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Celtic

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