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Denzel Washington et le rôle de
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Un refus qui a changé l'histoire du cinéma
En 1995, Denzel Washington décline le rôle principal de Seven, le thriller culte de David Fincher, jugeant le scénario trop sombre pour ses convictions. Ce choix audacieux a non seulement propulsé Brad Pitt vers une nouvelle dimension, mais a aussi marqué un tournant dans l'évolution des thrillers psychologiques. Pourtant, malgré ses regrets ultérieurs, Washington a continué à bâtir une carrière exceptionnelle, prouvant qu’un refus peut parfois être aussi puissant qu’une acceptation.
A retenir :
- Denzel Washington a refusé le rôle de David Mills dans Seven, le qualifiant de "trop démoniaque" pour ses valeurs.
- Ce refus a permis à Brad Pitt de livrer une performance inoubliable, devenant une icône du genre.
- Le film a redéfini les codes du thriller psychologique, grâce à la vision sombre et méticuleuse de David Fincher.
- Malgré ses regrets, Washington a maintenu une carrière marquée par des rôles moralement complexes, couronnée par deux Oscars.
- Son approche sélective des rôles a forgé une filmographie unique, entre charisme et profondeur.
Un scénario culte né d’un refus inattendu
En 1995, Denzel Washington était au sommet de sa carrière. Après des performances remarquées dans Malcolm X (1992) et Philadelphia (1993), il recevait des scénarios des plus grands réalisateurs. Parmi eux, celui de Seven, un thriller psychologique écrit par Andrew Kevin Walker et destiné à être réalisé par David Fincher, alors connu pour ses clips musicaux percutants. Le rôle de David Mills, un jeune détective idéaliste confronté à l’horreur absolue, était taillé pour lui. Pourtant, après plusieurs réécritures pour adoucir certains aspects du personnage, Washington a finalement dit non.
Ce refus n’était pas anodin. À l’époque, l’acteur était réputé pour son exigence et son attention portée à la dimension morale de ses personnages. Dans Training Day (2001), par exemple, il avait insisté pour ajouter une citation biblique à son personnage de flic corrompu, Alonzo Harris, afin d’y glisser une lueur de rédemption. Mais Seven ne laissait aucune place à la lumière. Le scénario, d’une noirceur implacable, explorait les sept péchés capitaux à travers des meurtres atroces, culminant dans un dénouement d’une violence psychologique rare. Pour Washington, c’était une ligne rouge à ne pas franchir. "Trop démoniaque", aurait-il confié à son entourage, une expression qui résumait ses réticences face à un univers sans espoir.
Ironiquement, ce rôle qu’il a rejeté est devenu l’un des plus marquants du cinéma des années 90. Brad Pitt, alors en pleine ascension après Entretien avec un vampire (1994), a saisi l’opportunité avec brio. Son interprétation de Mills, à la fois vulnérable et explosif, a marqué les esprits, notamment dans la scène finale, où son personnage sombre dans la folie après avoir découvert l’horreur ultime. Le film, sorti en 1995, est devenu un phénomène culturel, encensé par la critique et le public, et a lancé définitivement la carrière de Fincher comme maître du thriller.
"L’erreur" qui a façonné deux légendes
Avec le recul, Denzel Washington a reconnu que son refus de Seven était peut-être une erreur. Non pas en termes de carrière – il a continué à enchaîner les succès –, mais en termes d’impact culturel. Dans une interview accordée à Empire Magazine en 2016, il a avoué avoir sous-estimé la portée du film : "Je ne pensais pas que ce serait aussi puissant. Fincher a créé quelque chose de vraiment unique."
Pourtant, ce "non" a aussi eu des conséquences positives. En choisissant de ne pas jouer Mills, Washington a réaffirmé son identité d’acteur, refusant de se laisser entraîner par les tendances du moment. Ses choix suivants ont confirmé cette ligne directrice : des rôles comme Rubin "Hurricane" Carter dans The Hurricane (1999), où il incarnait un boxeur injustement emprisonné, ou Troy Maxson dans Fences (2016), un père tourmenté par ses échecs, ont montré sa préférence pour des personnages complexes, mais jamais désespérés. Ces performances lui ont valu deux Oscars – celui du Meilleur second rôle pour Glory (1989) et du Meilleur acteur pour Training Day –, prouvant que sa méthode, même imparfaite, avait du génie.
De son côté, Brad Pitt a tiré un profit immense de Seven. Le film a non seulement consolidé son statut de star, mais il a aussi ouvert la voie à des rôles plus sombres et ambivalents, comme dans Fight Club (1999) ou Babel (2006). Quant à David Fincher, Seven a été le tremplin qui lui a permis de réaliser des chefs-d’œuvre comme Fight Club, Zodiac (2007), et Gone Girl (2014). Sans le refus de Washington, cette alchimie n’aurait peut-être jamais eu lieu.
Quand un "non" devient une signature
Le cas de Seven illustre une vérité rare à Hollywood : parfois, les refus les plus marquants définissent une carrière autant que les acceptations. Pour Denzel Washington, ce choix a renforcé son image d’acteur intègre, qui ne sacrifie pas ses principes pour un rôle, aussi prestigieux soit-il. Ses fans et les critiques ont souvent salué cette cohérence, qui tranche avec une industrie où les compromis sont monnaie courante.
Mais au-delà de l’anecdote, ce refus pose une question fascinante : et si Washington avait dit oui ? Aurait-il apporté la même intensité que Pitt ? Son charisme naturel aurait-il adouci la noirceur du film, ou l’aurait-il rendue encore plus poignante ? Les spéculations sont infinies, mais une chose est sûre : son absence a permis à Seven de devenir ce qu’il est – un film brutal, sans concession, où aucun espoir n’est permis. Une œuvre qui, paradoxalement, doit une partie de sa légende au fait que Washington n’y était pas.
Pourtant, l’acteur n’a jamais exprimé de véritable amertume. Dans une conversation avec Oprah Winfrey, il a même ri de cette décision : "Parfois, vous faites des choix, et la vie vous surprend. Brad a été incroyable dans ce rôle. Je ne peux pas regretter quelque chose qui a si bien tourné pour lui." Une philosophie qui résume bien sa carrière : des choix assumés, des risques calculés, et une confiance inébranlable en son instinct.
L’héritage invisible de Seven sur la carrière de Washington
Si Seven a marqué un tournant pour Pitt et Fincher, il a aussi eu un impact subtil sur Denzel Washington. Après ce refus, il semble avoir redoublé d’efforts pour choisir des projets qui reflétaient ses valeurs, tout en explorant des territoires nouveaux. Dans Remember the Titans (2000), il a joué un entraîneur inspirant, un rôle positif qui contrastait avec la noirceur de Seven. Dans American Gangster (2007), il a incarné un trafiquant de drogue, mais avec une profondeur psychologique qui évitait le cliché du méchant sans âme.
Son refus a aussi influencé la manière dont Hollywood perçoit les acteurs noirs dans les thrillers. Avant Seven, les rôles principaux dans ce genre étaient rarement proposés à des acteurs afro-américains. Le fait que Washington ait été approché pour un personnage aussi central était déjà une avancée. Même s’il n’a pas accepté, cette proposition a ouvert des portes pour d’autres, comme Morgan Freeman dans Seven (qui a finalement joué le rôle du détective Somerset) ou Will Smith dans des films comme Enemy of the State (1998).
Aujourd’hui, Seven reste un film culte, étudié dans les écoles de cinéma pour son scénario, sa réalisation et ses performances. Et si Denzel Washington n’y figure pas, son ombre plane toujours sur le projet. Son refus a créé une légende alternative, celle d’un film qui aurait pu être différent, mais qui, finalement, est devenu parfait tel qu’il est. Une preuve que, parfois, les meilleures histoires naissent des chemins qu’on choisit de ne pas emprunter.
Le refus de Denzel Washington de jouer dans Seven est bien plus qu’une simple anecdote hollywoodienne. C’est un moment charnière qui a façonné des carrières, redéfini un genre et prouvé qu’un "non" peut avoir autant de poids qu’un "oui". Alors que Brad Pitt et David Fincher en ont fait un chef-d’œuvre sombre et inoubliable, Washington, lui, a continué à tracer sa voie avec une intégrité rare. Deux chemins différents, deux légendes complémentaires. Et au final, une seule certitude : le cinéma en est sorti gagnant.

