Desmond Miles, le héros oublié d'Assassin's Creed : quand un acteur découvre la mort de son personnage sur Twitter

2012 : Le sacrifice silencieux d'un héros, révélé par les réseaux sociaux

Le 31 octobre 2012, Assassin's Creed III sortait sur les étagères, concluant l'arc narratif de Desmond Miles, protagoniste moderne de la saga depuis 2007. Pourtant, l'acteur qui lui prêtait sa voix, Nolan North, ignorait qu'il venait d'enregistrer les derniers instants de son personnage. Dans une interview accordée à Fall Damage, il révèle une anecdote aussi surprenante que révélatrice des coulisses de l'industrie : "Techniquement, c'était la scène de la mort de Desmond, et je ne le savais pas. Je l'ai appris sur Twitter."

La scène en question, sobre et dépourvue de dramatisme hollywoodien, montre Desmond s'effondrant après avoir activé un bouclier énergétique pour protéger la Terre. Pas de cri déchirant, pas de dernier souffle spectaculaire – juste un silence lourd de sens. "Il n'y a pas de 'Argh !', rien de ce à quoi on s'attendrait pour la mort d'un héros", souligne North, avant d'ajouter que les équipes d'Ubisoft lui ont ensuite assuré que Desmond n'était "techniquement pas mort". Une ambiguïté qui alimentera les théories des fans pendant des années.

Cette révélation pose une question troublante : comment un acteur peut-il interpréter la fin d'un personnage sans en avoir conscience ? La réponse réside peut-être dans le processus de développement chaotique d'Assassin's Creed III, marqué par des retards et des réécritures de dernière minute. Selon des sources internes, le scénario final aurait été modifié à plusieurs reprises, laissant peu de temps pour informer les doubleurs des enjeux narratifs définitifs.

El Lector : La résurrection numérique d'une conscience fragmentée

Si la mort physique de Desmond semblait actée, Assassin's Creed Valhalla (2020) a relancé les spéculations en introduisant un personnage énigmatique : El Lector. Ce mystérieux individu, interprété à nouveau par Nolan North, apparaît comme une entité liée à l'Animus, capable d'interagir avec les souvenirs des Assassins. "Ubisoft m'a confirmé qu'il s'agissait bien de Desmond, ou du moins de sa conscience", déclare North, confirmant les théories des joueurs.

Cette révélation s'inscrit dans une logique narrative cohérente avec l'univers d'Assassin's Creed. Dès AC III, le jeu suggérait que l'esprit de Desmond pouvait survivre dans la "Nuage" (le Cloud de l'Animus), une dimension numérique où les souvenirs et les consciences se mêlent. Valhalla pousse ce concept plus loin en faisant d'El Lector un guide pour les nouveaux protagonistes, Layla Hassan puis Basilisk. Une façon pour Ubisoft de réconcilier les fans avec l'héritage de Desmond, tout en évitant de ressusciter son corps – une option jugée trop "cheap" par les scénaristes.

Pour Darren Bunn, ancien narrateur chez Ubisoft, cette approche reflète une volonté de "moderniser la mythologie sans trahir son essence". Dans une interview de 2021, il expliquait : "Desmond était un pont entre le passé et le présent. Le transformer en une entité numérique permet de préserver son rôle, tout en ouvrant de nouvelles possibilités." Une stratégie qui rappelle celle employée pour Juno, autre figure récurrente de la saga, dont la conscience a survécu sous forme de données.

L'abandon du fil moderne : Quand Ubisoft enterre (presque) Desmond pour de bon

La mort de Desmond en 2012 coïncide avec un changement radical de cap pour la franchise. Après cinq jeux centrés sur son parcours, Ubisoft décide de marginaliser la trame moderne, jugée trop complexe pour les nouveaux joueurs. "Chaque opus devait désormais être accessible indépendamment", expliquait en 2013 Jean Guesdon, directeur créatif de la série. Une décision qui a divisé la communauté : les puristes regrettaient la disparition d'un fil rouge narratif, tandis que les nouveaux venus saluaient une approche plus directe.

Les chiffres semblent donner raison à Ubisoft. Selon un rapport interne de 2014, 60 % des joueurs d'AC IV: Black Flag (2013) n'avaient jamais touché à un opus précédent. En réduisant les segments modernes à de courtes cinématiques, la franchise a élargi son audience, au prix d'une dilution de sa mythologie. "On a perdu en profondeur ce qu'on a gagné en accessibilité", résumait Corey May, scénariste historique de la saga, dans une rare critique publique.

Pourtant, Desmond n'a jamais totalement disparu. En 2017, Assassin's Creed Origins introduisait des fragments de sa mémoire via des terminaux cachés, et Odyssey (2018) faisait référence à son sacrifice dans des dialogues optionnels. "C'est une façon de rappeler aux fans qu'il existe, sans alourdir le récit", confiait un développeur sous couvert d'anonymat. Une présence fantomatique, comme un écho de ce qui aurait pu être.

Le dernier clou dans le cercueil ? Un rapport de Bloomberg (2023) révèle qu'Ubisoft prévoit de supprimer entièrement la trame moderne dans le remake de Black Flag, confirmant l'abandon définitif de cette dimension. "Les joueurs veulent de l'aventure historique, pas des énigmes contemporaines", justifie une source proche du projet.

Derrière les coulisses : Les plans avortés d'une trilogie Desmond

À l'origine, Desmond Miles devait être le cœur d'une trilogie ambitieuse, voire d'une saga en neuf épisodes. "L'idée était de suivre son évolution de barman paumé à sauveur du monde", se souvient Jade Raymond, productrice des premiers Assassin's Creed. Les documents internes d'Ubisoft, révélés par Kotaku en 2019, détaillent un arc narratif où Desmond aurait :

• Découvert ses origines via des souvenirs de la Première Civilisation (les "Isu"),
• Affronté Juno dans un combat final épique, mêlant combat physique et guerre psychologique,
• Fondé une nouvelle branche des Assassins, fusionnant technologie moderne et sagesse ancestrale.

Pourtant, dès 2010, les retards accumulés sur AC III et les tensions créatives ont forcé Ubisoft à réduire ses ambitions. "On a dû sacrifier des heures de contenu pour tenir les délais", avoue un ancien employé. Résultat : la mort de Desmond a été improvisée en partie, d'où son traitement expéditif et l'incompréhension de Nolan North.

Un autre projet abandonné ? Un spin-off centré sur son fils, évoqué dans les notes de Patrice Désilets (créateur original de la franchise). "Desmond avait un potentiel familial inexploré, mais Ubisoft a préféré se concentrer sur de nouvelles époques", explique un scénariste ayant travaillé sur le concept. Une occasion manquée, selon les fans, qui voient en Desmond un "personnage aussi complexe que sous-exploité".

L'héritage de Desmond : Un héros malgré lui, devenu légende

Aujourd'hui, Desmond Miles incarne un paradoxe : un protagoniste majeur, mais souvent oublié. Pourtant, son impact sur la franchise est indéniable :

• Il a humanisé l'Animus : Avant lui, la machine n'était qu'un outil. Avec Desmond, elle est devenue un pont entre les époques.
• Il a introduit la dualité Assassins/Templiers dans le présent, une mécanique narrative reprise dans Watch Dogs: Legion (2020).
• Son sacrifice a inspiré des jeux comme Death Stranding (2019), où le héros se sacrifie pour sauver l'humanité.

Pour Nolan North, malgré la tristesse de quitter le rôle, Desmond reste "l'une de ses interprétations les plus marquantes" : "C'était un type ordinaire propulsé dans une guerre millénaire. Les joueurs s'identifiaient à lui parce qu'il doutait, qu'il tombait, qu'il se relevait. Comme nous."

Et l'avenir ? Si Ubisoft semble avoir tourné la page, les rumeurs persistent. Un projet "Assassin's Creed Infinity" (2024+) évoquerait un retour des segments modernes, avec peut-être une réapparition d'El Lector. "Never say never", glisse un insider. En attendant, Desmond Miles reste ce héros trop humain pour une saga devenue mythique – un homme dont la fin a été aussi discrète que son rôle était central.