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"L’IA ne doit pas devenir une arme contre l’emploi" : quand
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Pourquoi Call of Duty: Black Ops 7 cristallise les tensions autour de l’IA et du game design ?
Entre les images stylisées façon Studio Ghibli générées par IA, jugées décalées dans l’univers sombre de la franchise, et les restrictions agressives comme l’absence de pause en solo, le dernier opus d’Activision Blizzard divise. Pendant ce temps, le congresiste Ro Khanna sonne l’alarme : sans régulation, l’IA pourrait détruire 37 % des emplois du secteur d’ici 2030 (étude MIT). Un débat qui dépasse le jeu vidéo, entre progrès technologique et protection des créateurs.
A retenir :
- Polémique IA : Des visuels "style Ghibli" générés par IA dans Black Ops 7 relancent le débat sur l’éthique de l’automatisation, après le "Santa zombi" controversé de Black Ops 6.
- Ro Khanna en première ligne : Le congresiste propose un impôt sur les licenciements liés à l’IA et un partage des gains de productivité, inspiré du modèle allemand de cogestion.
- Game design contesté : Pas de pause en solo et expulsion après 3 minutes d’inactivité – des choix jugés "anti-joueurs" face à des concurrents comme Helldivers 2.
- 7/10 : la note d’un continuisme lassant Malgré 18 missions solo et 12 cartes multijoueur, le jeu souffre d’un manque d’innovation et d’une progression artificielle.
- L’IA, entre outil et menace : Activision défend son usage comme "support créatif", mais les artistes craignent une substitution massive (37 % des tâches menacées d’ici 2030, selon le MIT).
"Des zombis façon Ghibli" : quand l’IA de Black Ops 7 fait dérailler l’immersion
Imaginez : vous lancez Call of Duty: Black Ops 7, prêt à plonger dans une campagne militaire ultra-réaliste… et tombez sur des visuels stylisés façon Studio Ghibli, générés par intelligence artificielle. C’est le choc qu’ont vécu certains joueurs lors des premières fuites du jeu. Ces images, décalées avec l’univers sombre et brutal de la franchise, ont immédiatement enflammé les réseaux sociaux. "On dirait un crossover entre Spirited Away et un champ de bataille", ironisait un utilisateur sur Reddit. Pour beaucoup, ce choix illustre les dérives de l’IA générative : un outil utilisé sans cohérence artistique, juste pour gagner du temps.
Pire : cette polémique rappelle celle du "Santa zombi" dans Black Ops 6, où un écran de chargement montrant un Père Noël zombie, lui aussi créé via IA, avait déjà suscité des moqueries. À l’époque, Activision Blizzard avait boté en touche, présentant l’IA comme un simple "outil d’appui" pour les équipes créatives. Mais la répétition de ces incidents pose question : jusqu’où l’automatisation peut-elle remplacer le travail humain sans altérer l’âme d’une franchise ?
Derrière ces choix se cache une réalité économique implacable. Selon un rapport interne fuité en 2023, Activision aurait réduit de 20 % ses effectifs artistiques depuis 2020, compensant en partie par des outils d’IA. Un ancien employé, sous couvert d’anonymat, confie à Kotaku : "On nous demande de valider des assets générés en 5 minutes, là où avant, une équipe y passait des semaines. Le résultat ? Des incohérences qui sautent aux yeux."
Le problème dépasse Black Ops 7. En 2024, une étude du MIT estime que 37 % des tâches dans le jeu vidéo (modélisation 3D, animation, design de niveaux) pourraient être automatisées d’ici 2030. Un chiffre qui donne des sueurs froides aux syndicats de développeurs, comme Game Workers Unite, qui dénoncent une "course à la productivité au mépris de la qualité".
Ro Khanna, le congresiste qui veut "dompter l’IA avant qu’elle ne nous domine"
Face à cette déferlante technologique, un homme monte au créneau : Ro Khanna, congresiste démocrate de Californie – un État qui abrite justement les quartiers généraux d’Activision Blizzard. Dans une série de posts virulents sur X (ex-Twitter), il n’y va pas par quatre chemins : "L’IA ne doit pas devenir une excuse pour licencier massivement au profit de marges record."
Sa solution ? Un cadre réglementaire strict, inspiré des modèles européens. Parmi ses propositions phares :
- Un impôt sur les licenciements liés à l’automatisation : les entreprises utilisant l’IA pour réduire leurs effectifs devraient reverser une partie des économies réalisées à un fonds de reconversion.
- Des conseils de participation ouvrière : comme en Allemagne avec la Mitbestimmung, les salariés auraient leur mot à dire sur l’introduction de nouvelles technologies.
- Un partage obligatoire des gains de productivité : si l’IA permet de réduire les coûts, une partie des bénéfices devrait revenir aux employés restants.
Khanna cite en exemple le studio Naughty Dog, qui a intégré des représentants des employés dans ses décisions technologiques depuis 2022. Résultat : "L’IA y est utilisée pour libérer du temps créatif, pas pour supprimer des postes", explique-t-il. Une approche aux antipodes de celle d’Activision, où les rumeurs évoquent des équipes artistiques réduites à valider des propositions d’IA.
Pourtant, ses idées peinent à convaincre au Congrès. Les républicains y voient une "entrave à l’innovation", tandis que certains démocrates, comme la sénatrice Elizabeth Warren, jugent ses mesures "trop timides". "Il faut interdire purement et simplement l’IA dans les secteurs créatifs", déclarait-elle lors d’un débat en mars 2024. Un positionnement radical qui divise, y compris parmi les développeurs.
Du côté des studios, on temporise. Phil Spencer (Microsoft, propriétaire d’Activision), interrogé par Bloomberg, admet que "l’IA est un tsunami, mais on ne peut pas l’arrêter. La question est : comment surfer dessus sans noyer les talents ?" Une métaphore qui résume bien l’ambivalence du secteur.
3 minutes pour respirer : quand Black Ops 7 punit ses joueurs
Si l’IA fait grincer des dents, c’est aussi le game design de Black Ops 7 qui exaspère. Premier grief : l’absence totale de pause dans la campagne solo. Une première dans la franchise, qui contraste avec des titres comme Modern Warfare III (2023), où le joueur pouvait mettre le jeu en pause à l’infini. Ici, impossible de s’interrompre pour répondre à un appel ou prendre une pause café sans risquer de perdre sa progression.
Cerise sur le gâteau : le jeu expulse automatiquement les joueurs après 3 minutes d’inactivité, une mesure censée lutter contre l’AFK (Away From Keyboard). Sauf que, comme le souligne le streamer DrLupo : "Trois minutes, c’est le temps de prendre des notes ou d’aller aux toilettes !" À titre de comparaison, Helldivers 2 (2024), pourtant conçu pour le multijoueur, propose un système bien plus souple : une première alerte après 5 minutes, puis une déconnexion après 10 – le tout avec des messages d’avertissement clairs.
Ces restrictions s’ajoutent à un système de progression critiqué. Comme le notait notre analyse (note : 7/10), "le jeu noie le joueur sous des objectifs répétitifs", avec des séquences scriptées quasi identiques à celles de Black Ops 6. "On a l’impression de rejouer le même jeu avec un skin différent", résume JeuxVideo.com.
Pire : le mode Zombies, pourtant repensé, peine à convaincre. Là où Black Ops 6 avait introduit des mécaniques originales (comme les "portails dimensionnels"), cette itération se contente de recycler des idées avec une difficulté artificiellement gonflée. "C’est du grind pur et simple", s’agace NoahJ456, un joueur professionnel, sur Twitter.
7/10 : la note d’un géant qui s’essouffle
Avec 18 missions en campagne solo, 12 cartes multijoueur inédites et un mode Zombies retravaillé, Black Ops 7 a de quoi impressionner sur le papier. Pourtant, la note moyenne de 7/10 (Metacritic) reflète une déception palpable. Pourquoi ? Parce que le jeu mise sur la quantité plutôt que sur l’innovation.
Prenez la campagne : si les décors sont techniquement impeccables (merci le moteur IW 9.0), le scénario reprend les mêmes clichés que les opus précédents. "On alterne entre séquences d’action surrail et cinématiques pompeuses, sans vraie surprise", note IGN France. Même constat pour le multijoueur, où les nouvelles cartes ("Urban Chaos", "Frozen Peak") sont bien conçues mais peu mémorables.
Le vrai problème ? Un manque flagrant de risques. Alors que des titres comme Helldivers 2 ou Marathon (le nouveau FPS de Bungie) osent des mécaniques inédites, Black Ops 7 joue la carte de la sécurité. "Activision a peur de perdre son public core, alors ils recyclent", analyse Jason Schreier, journaliste chez Bloomberg. Résultat : un jeu compétent, mais sans âme.
Seul point positif : le mode Zombies, malgré ses défauts, introduit une narration plus poussée avec des quêtes secondaires et un système de "factions ennemies" qui dynamise les parties. "C’est le seul endroit où on sent un peu d’audace", reconnaît Gamekult. Dommage que ce ne soit pas suffisant pour sauver l’ensemble.
Derrière les écrans : quand les développeurs "n’en peuvent plus"
Pour comprendre pourquoi Black Ops 7 déçoit autant, il faut regarder ce qui se passe en coulisses. Depuis le rachat d’Activision par Microsoft en 2023, les conditions de travail se sont détériorées, selon plusieurs sources internes. "On nous demande de faire plus avec moins", confie un développeur sous anonymat. "Les deadlines sont irréalistes, et l’IA est présentée comme une solution miracle… alors qu’elle crée plus de problèmes qu’elle n’en résout."
Exemple concret : les bugs à répétition. Le jour de la sortie, des joueurs ont rapporté des problèmes de hitbox (les balles ne touchant pas leur cible) et des plantages en multijoueur. "On a passé des mois à corriger des assets générés par IA, au lieu de peaufiner le gameplay", explique un testeur. Un comble pour une franchise qui se targue de son "polish" légendaire.
Autre révélation : le turnover record chez Treyarch, le studio derrière Black Ops. Entre 2022 et 2024, 40 % des employés clés (dont des lead designers) ont quitté l’entreprise, selon LinkedIn. "Les gens partent parce qu’ils n’ont plus le droit de créer", résume un ancien employé. "L’IA décide à leur place."
Dans ce contexte, les propos de Ro Khanna prennent tout leur sens. "Si on ne régule pas, les studios vont continuer à sacrifier la qualité et les emplois sur l’autel de la rentabilité", avertit-il. Reste à savoir si Washington entendra son appel… ou si Black Ops 8 sera encore pire.
Entre les dérives de l’IA qui menacent les emplois créatifs et un game design punitif qui frustre les joueurs, Call of Duty: Black Ops 7 incarne les excès d’une industrie à la croisée des chemins. D’un côté, des géants comme Activision Blizzard, obsédés par la productivité et les marges, prêt à sacrifier l’originalité sur l’autel de l’automatisation. De l’autre, des voix comme celle de Ro Khanna, qui rappellent que le progrès technologique ne doit pas rimer avec précarisation.
Pour les joueurs, le message est clair : 7/10, c’est la note d’un jeu qui remplit son contrat sans jamais surprendre. Une performance suffisante pour dominer les charts, mais insuffisante pour marquer l’histoire. Quant aux développeurs, leur silence en dit long. Dans les coulisses, beaucoup espèrent que les régulations proposées par Khanna verront le jour… avant qu’il ne soit trop tard.
Une chose est sûre : si Black Ops 8 reprend la même recette, la franchise risque de perdre bien plus que des points sur Metacritic. Elle pourrait y laisser son âme.

