Il y a 25 jours
Far Cry : Ubisoft parie sur le multijoueur pour réinventer la franchise, mais à quel prix ?
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Ubisoft annonce un virage audacieux pour Far Cry : après des décennies de succès en solo, la franchise se tourne vers le multijoueur pour séduire une nouvelle génération de joueurs. Entre projets abandonnés en Alaska, rumeurs d’un Far Cry 7 sous pression temporelle et défis coopératifs, la licence tente une métamorphose risquée. Mais cette stratégie saura-t-elle convaincre les fans historiques, attachés à la liberté et à l’immersion solitaire ?
A retenir :
- Ubisoft confirme un virage multijoueur pour Far Cry, une première depuis 2007, avec des ambitions de durée de vie prolongée.
- Un projet Far Cry "Extraction" en Alaska, inspiré d’*Escape from Tarkov*, a été abandonné – révélant des expérimentations audacieuses (et coûteuses).
- Far Cry 7 pourrait imposer une limite de temps réel (24h *in-game*) pour sauver une famille d’une secte, une mécanique inédite dans la série.
- Le risque : aliéner les fans du solo tout en tentant de rivaliser avec des géants comme *Fortnite* ou *Call of Duty: Warzone*.
- Yves Guillemot (PDG d’Ubisoft) mise sur des "expériences sociales" – mais la franchise a-t-elle les épaules pour porter cette ambition ?
Un tournant historique pour Far Cry : pourquoi Ubisoft mise tout sur le multijoueur
Depuis Far Cry en 2004, la licence d’Ubisoft s’est construite sur une recette immuable : des mondes ouverts vastes et sauvages, une narration solo immersive, et une liberté d’action quasi totale. Pourtant, lors de la New Global Sport Conference en Arabie Saoudite, Yves Guillemot, PDG du groupe, a officialisé un changement de cap radical. Désormais, la priorité sera donnée aux "aspects multijoueurs", avec un objectif clair : prolonger la durée de vie des titres et attirer une audience plus large.
Cette décision s’inscrit dans une tendance lourde de l’industrie : les éditeurs privilégient les expériences sociales et compétitives, comme en témoignent les succès phénoménaux de *Fortnite* (500 millions de joueurs enregistrés) ou *Call of Duty: Warzone* (plus de 100 millions d’utilisateurs mensuels). Mais Far Cry peut-il vraiment rivaliser avec ces mastodontes ? La question divise.
Pour Nicolas Courcier, rédacteur en chef du magazine Canard PC, ce virage est "un pari dangereux. Far Cry a toujours été une expérience solitaire, presque contemplative. Transformer ça en arène multijoueur, c’est comme vouloir faire d’un film de Werner Herzog un match de catch." Pourtant, Ubisoft semble déterminé. Et les premiers indices de cette mutation remontent à plusieurs années.
"Far Cry Extraction" : l’Alaska, les loups, et un échec qui en dit long
Avant même l’annonce officielle, Ubisoft avait exploré une piste multijoueur avec un projet ambitieux : un Far Cry en mode "extraction", situé dans les étendues glacées de l’Alaska. Imaginez un mélange entre *Escape from Tarkov* (pour son réalisme et ses enjeux de survie) et l’ADN sauvage de Far Cry : une faune hostile, des tempêtes mortelles, et des joueurs s’affrontant pour des ressources rares.
Les fuites évoquaient un système où chaque partie serait unique, avec des cartes générées procéduralement et des objectifs dynamiques – une première pour la licence. Pourtant, malgré des mois de développement, le projet a été abandonné en 2022. Les raisons ? Des "défis techniques trop lourds" selon nos sources, mais aussi une identité trop éloignée de ce que les fans attendent de Far Cry.
Ce revers n’a pas découragé Ubisoft. Bien au contraire : les ressources ont été redirigées vers Far Cry 7, avec une volonté affichée d’intégrer des mécaniques coopératives plus accessibles. Mais cette fois, la franchise devra composer avec un autre défi de taille : le temps.
Far Cry 7 : une course contre la montre (littérale) contre une secte
Les rumeurs autour de Far Cry 7 – dont le développement serait bien avancé – dessinent un scénario aussi ambitieux que risqué. Le joueur incarnerait un personnage dont la famille est prisonnière d’une secte apocalyptique, un thème déjà exploré dans Far Cry 5 (2018). Mais la grande nouveauté ? Une limite de temps réel : 24 heures *in-game (soit environ 3 jours réels) pour accomplir la mission principale.
Cette contrainte rappelle Death Stranding et sa gestion du temps comme ressource critique, mais appliquée à un FPS. Concrètement, chaque minute compterait : choisir entre explorer une zone pour trouver des armes ou foncer vers l’objectif deviendrait un dilemme permanent. Une mécanique qui pourrait révolutionner le gameplay… ou frustrer les joueurs habitués à la liberté totale de la série.
Selon Jason Schreier (journaliste chez Bloomberg), cette idée serait née d’un constat simple : "Les joueurs passent de moins en moins de temps sur les jeux solo. Il faut les inciter à revenir, et le multijoueur – ou des contraintes fortes – est un moyen d’y parvenir." Reste à savoir si cette approche stressante correspond à l’esprit Far Cry.
D’autant que la dimension multijoueur n’est pas abandonnée pour autant. Des modes coopératifs à 4 joueurs seraient en développement, avec des missions spécifiques où la coordination serait clé. Une façon de fidéliser les communautés tout en gardant un pied dans l’univers solo ?
Le dilemme d’Ubisoft : innover sans trahir l’ADN de Far Cry
Le défi est de taille. D’un côté, Ubisoft doit moderniser la franchise pour rester compétitive face à des titres comme *Red Dead Redemption 2* (monde ouvert solo) ou *Destiny 2* (multijoueur endgame). De l’autre, la licence Far Cry a bâti sa réputation sur des expériences uniques et personnelles : qui n’a jamais passé des heures à chasser en Montana (*Far Cry 5*) ou à dompter des éléphants au Kyrat (*Far Cry 4*) ?
Le risque est double :
- Décevoir les fans historiques, attachés à la liberté et à l’immersion solo.
- Échouer à séduire les joueurs multijoueur, déjà captifs de franchises bien établies (*Apex Legends*, *The Division*).
Pourtant, des exemples montrent que la transition est possible. *The Division*, à sa sortie en 2016, était avant tout un jeu solo-friendly avec des incitations multijoueur. Aujourd’hui, c’est une référence du genre. Far Cry pourrait-il suivre le même chemin ?
Une chose est sûre : Ubisoft n’a pas le choix. Après des ventes décevantes pour Far Cry 6 (10 millions d’exemplaires, contre 25 millions pour *Red Dead Redemption 2*), la franchise doit se réinventer. Et si le multijoueur est un pari risqué, c’est aussi une opportunité de renaissance.
Derrière les écrans : comment Ubisoft prépare (ou improvise) cette transition
En 2021, une source interne chez Ubisoft nous confiait : "Far Cry est comme un vieux lion. Tout le monde l’admire, mais plus personne ne sait vraiment comment le faire rugir à nouveau." Depuis, les équipes ont planché sur plusieurs prototypes, dont celui d’Alaska, mais aussi des modes "horde" (vagues d’ennemis en coop) et des événements live inspirés de *Fortnite*.
Le studio d’Ubisoft Montréal, historique sur la licence, aurait même recruté des experts du multijoueur venus de *Rainbow Six Siege* pour superviser la refonte. Un signe que la direction prend ce virage très au sérieux.
Mais le plus surprenant ? Far Cry 7 pourrait intégrer un système de "mondes persistants", où les actions des joueurs (en solo ou en coop) influenceraient l’environnement pour tous. Une idée proche de ce que fait *Helldivers 2*, mais appliquée à l’univers Far Cry. Si cette rumeur se confirme, ce serait une révolution pour la série.
Reste une question : cette mutation est-elle une stratégie mûrement réfléchie, ou une réaction désespérée face à un marché du jeu solo en déclin ? Les prochains mois nous le diront.