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Les géants du jeu vidéo doivent-ils abandonner leurs mastodontes ? L’avertissement d’une ancienne productrice de
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Il y a 13 jours

Les géants du jeu vidéo doivent-ils abandonner leurs mastodontes ? L’avertissement d’une ancienne productrice de

Et si la solution aux excès du AAA venait des petits jeux ?

Meghan Morgan Juinio, ex-coprésidente de Sony Santa Monica et productrice du reboot acclamé de God of War (2018), sonne l’alarme : l’industrie du jeu vidéo s’épuise dans une course aux blockbusters toujours plus coûteux et risqués. Face à des cycles de développement interminables et des budgets dépassant les 200 millions de dollars (comme pour Star Citizen ou GTA VI), elle appelle les éditeurs comme Activision, EA ou Sony à rééquilibrer leurs catalogues. Son creddo ? Les joueurs ne veulent plus seulement du "plus gros", mais du "mieux pensé".

Preuves à l’appui : des titres comme Astro Bot (PS5), développé avec un budget modéré, ont séduit 2 millions de joueurs grâce à un gameplay innovant, tandis que des mastodontes comme Skull and Bones (120M€ investis) peinent à justifier leurs coûts. Entre pression financière et lassitude des joueurs face aux open worlds surchargés, l’ancienne productrice propose une voie alternative : miser sur l’agilité des jeux AA et indie, sans sacrifier la qualité. Un défi de taille pour des géants habitués à jouer la carte de la sécurité avec des franchises comme Call of Duty ou FIFA.

A retenir :

  • Meghan Morgan Juinio, ex-coprésidente de Sony Santa Monica et productrice de God of War (2018), dénonce l’insoutenabilité économique des jeux AAA, avec des budgets dépassant souvent les 100M$ et des cycles de développement de 5 ans et plus.
  • Des jeux comme Astro Bot (PS5) ou Vampire Survivors prouvent que l’innovation ne dépend pas des budgets pharaoniques : avec des équipes réduites et des coûts maîtrisés, ils rivalisent en créativité et en succès commercial face aux blockbusters.
  • Le réalisme graphique n’est plus une priorité pour les joueurs : selon Juinio, ceux-ci privilégient désormais l’originalité du gameplay, comme le montrent les 23 millions d’exemplaires vendus de Stardew Valley (développé par une seule personne) ou le phénomène Among Us.
  • Les éditeurs sous-estiment encore le potentiel des jeux AA et indie : alors que Skull and Bones (Ubisoft) a coûté 120M€ pour un accueil mitigé, Hades (Supergiant Games) a généré plus de 100M$ de revenus avec un budget 10 fois inférieur.
  • L’équilibre est possible : Juinio cite l’exemple de Sony, qui alterne entre blockbusters comme The Last of Us Part II et pérites pépites comme Returnal (développé par un studio de 150 personnes), prouvant qu’une stratégie mixte peut fonctionner.

Quand les blockbusters étouffent la créativité : le cri d’alarme d’une vétérane du secteur

Imaginez un studio où des centaines de développeurs travaillent 5 ans d’affilée sur un seul jeu, avec un budget dépassant celui d’un film Hollywoodien. Où chaque décision créative doit être validée par des comités marketing, où l’innovation est souvent sacrifiée sur l’autel du "safe bet". C’est le quotidien des géants du jeu vidéo AAA, et Meghan Morgan Juinio, ex-coprésidente de Sony Santa Monica, en a vu les limites de près. Après avoir co-piloté le reboot de God of War (2018) – un succès critique et commercial, mais aussi un projet titanesque de 4 ans de développement et un budget estimé à 100M$ –, elle tire aujourd’hui la sonnette d’alarme : "Le modèle AAA est en train de s’autodétruire."

Son constat est sans appel : les coûts explosent (le développement de GTA VI aurait dépassé les 200M$, selon les rumeurs), les risques s’accumulent (les licencements massifs chez Microsoft ou Embracer Group en 2023-2024 en témoignent), et la créativité s’essouffle. "Quand un jeu doit rapporter 500M$ pour être rentable, les éditeurs prennent moins de risques", explique-t-elle. Résultat ? Des suites infinies (Assassin’s Creed Valhalla, Far Cry 6), des open worlds copiés-collés, et une lassitude grandissante chez les joueurs. Le paradoxe ? Alors que les budgets n’ont jamais été aussi élevés, l’industrie n’a jamais été aussi peu innovante.

Pourtant, des contre-exemples existent. Juinio cite Astro Bot (PS5), développé par Team Asobi avec une équipe réduite et un budget AA : 2 millions de ventes, une note Metacritic de 90/100, et une expérience de jeu saluée pour son gameplay inventif et son charme visuel, sans nécessiter des graphismes photoréalistes. Autre exemple frappant : Vampire Survivors, créé par un seul développeur en 6 mois, a généré plus de 100M$ de revenus. "La preuve que les joueurs ne veulent pas seulement du 'plus gros', mais du 'mieux pensé'", insiste-t-elle.


"Les graphismes ne font pas un chef-d’œuvre" : le grand malentendu du jeu vidéo moderne

L’industrie s’est embourbée dans une course aux pixels qui, selon Juinio, "détourne l’attention de l’essentiel : le gameplay." Elle prend pour exemple Super Meat Boy (2010), un jeu au design minimaliste mais dont la précision du contrôle et la difficulté maîtrisée en ont fait un classique. À l’inverse, des titres comme Skull and Bones (Ubisoft), malgré des graphismes époustouflants et un budget de 120M€, ont déçu par leur manque de profondeur mécanique. "Un jeu magnifique mais ennuyeux reste un échec", martèle-t-elle.

Les chiffres lui donnent raison. Une étude de Newzoo (2023) révèle que 68% des joueurs privilégient l’originalité du gameplay devant les graphismes (22%) ou l’histoire (10%). Pourtant, les éditeurs continuent de miser sur le réalisme visuel comme argument principal. Exemple frappant : la polémique autour du prix de GTA VI, annoncé à plus de 100€ pour certaines éditions. "À ce tarif, les joueurs attendent une révolution, pas une évolution graphique", commente Juinio.

Elle pointe aussi du doigt l’obsession des open worlds, devenus un "standard paresseux" pour justifier des budgets colossaux. "Regardez Elden Ring : son succès vient de son gameplay exigeant et de son design de niveau intelligent, pas de sa taille", souligne-t-elle. À l’inverse, des jeux comme ARC Raiders (Embed) ou The Day Before (développé par 100 personnes) ont échoué malgré leurs ambitions démesurées, prouvant que "la taille ne fait pas la qualité".


Le modèle hybride : et si la solution venait des studios indépendants ?

Pour Juinio, la clé réside dans un équilibre entre blockbusters et projets agiles. Elle cite l’exemple de Sony, qui alterne entre méga-productions (The Last of Us Part II, Spider-Man 2) et titres plus modestes mais innovants (Returnal, Death’s Door). "C’est une stratégie gagnante : les AAA financent les prises de risque, et les jeux AA/indie renouvellent le catalogue", explique-t-elle.

Mais pour y parvenir, les éditeurs doivent changer de mentalité :

  • Donner plus d’autonomie aux petits studios : Juinio évoque le cas de Housemarque (racheté par Sony), qui a pu développer Returnal sans interférence excessive. Résultat ? Un jeu culte, nommé aux Game Awards et rentable en quelques mois.
  • Accepter des cycles de développement plus courts : "Un jeu AA peut être développé en 18-24 mois, contre 4-5 ans pour un AAA. Cela permet de réagir aux tendances et de limiter les risques", argue-t-elle.
  • Repenser la communication marketing : "Les joueurs sont fatigués des trailers surproduits qui promettent monts et merveilles. L’honnêteté paie", illustre-t-elle en citant le succès de Stray (Annapurna), vendu sur son concept simple mais efficace.

Un modèle qui séduit déjà certains acteurs. Microsoft, via son programme ID@Xbox, finance des jeux indie comme Tunic ou Sea of Stars, tandis que Nintendo mise depuis longtemps sur des titres comme Metroid Dread (développé par MercurySteam, un studio de 150 personnes) pour compléter ses licences phares. "Le futur appartient à ceux qui sauront combiner l’audace des indie et la stabilité des AAA", prédit Juinio.


Derrière les chiffres : le coût humain de la course aux blockbusters

Au-delà des enjeux économiques, Juinio aborde un sujet souvent tabou : le burn-out des développeurs. "Travailler 80 heures par semaine pendant des années, sous la pression de deadlines impossibles, ce n’est pas durable", dénonce-t-elle. Les témoignages se multiplient, comme ceux des employés de Rockstar Games lors du développement de Red Dead Redemption 2 ("On nous a demandé de sacrifier notre santé mentale pour des détails graphiques"), ou les licencements massifs chez Bungie (300 postes supprimés en 2023) malgré les profits records de Destiny 2.

Pour elle, les jeux AA et indie offrent une alternative plus humaine :

  • Des équipes réduites : "Chez Supergiant Games (Hades), ils sont 12. Résultat ? Moins de bureaucratie, plus de créativité.", compare-t-elle aux 800 personnes ayant travaillé sur Cyberpunk 2077.
  • Des deadlines réalistes : "Un jeu comme Celeste a été développé en 2 ans sans crunch. La preuve que la qualité ne nécessite pas la souffrance.", rappelle-t-elle.
  • Une meilleure rémunération : "Dans les petits studios, les bénéfices sont souvent réinvestis dans les salaires, pas dans des bonus pour les actionnaires.", un modèle que des sociétés comme Devolver Digital appliquent avec succès.

Un discours qui résonne particulièrement après les scandales récents chez Activision Blizzard (accusations de harcèlement) ou Ubisoft (culture toxique dénoncée par des centaines d’employés). "L’industrie doit choisir : continuer à exploiter ses talents pour des rendements à court terme, ou investir dans un modèle durable qui profite à tous", conclut Juinio.


Et demain ? Trois scénarios pour l’industrie, selon l’ex-productrice de God of War

Interrogée sur l’avenir, Meghan Morgan Juinio esquisse trois pistes :

  1. Le scénario optimiste : Les éditeurs adoptent un modèle hybride, comme Sony ou Nintendo, en alternant blockbusters et jeux AA/indie. "C’est déjà en marche, mais il faut accélérer", estime-t-elle. Exemple : Microsoft pourrait utiliser ses 23 studios pour créer une "task force innovation" dédiée aux petits projets.
  2. Le scénario du déclin : Les géants continuent de miser uniquement sur les AAA, jusqu’à l’effondrement. "Si GTA VI ou The Elder Scrolls VI déchantent, les conséquences seront catastrophiques", avertit-elle, évoquant des faillites en cascade comme celle de THQ en 2012.
  3. Le scénario révolutionnaire : L’émergence de nouveaux acteurs (comme Netflix Games ou Amazon Luna) bouscule les traditionnels. "Ils n’ont pas le poids des franchises historiques, donc ils prennent plus de risques. Ça pourrait redynamiser le marché.", analyse-t-elle.

Son pronostic ? "D’ici 5 ans, 40% des revenus des grands éditeurs viendront de jeux non-AAA. Ceux qui refuseront ce virage disparaîtront." Un avertissement clair, alors que l’industrie entre dans une décennie décisive.

Le message de Meghan Morgan Juinio est sans ambiguïté : l’ère du "toujours plus gros, toujours plus cher" touche à sa fin. Les joueurs, las des open worlds répétitifs et des suites prévisibles, se tournent vers des expériences plus nerveuses, plus originales, et souvent plus abordables. Les chiffres le confirment : Astro Bot (2M de ventes), Hades (100M$ de revenus), Stardew Valley (23M d’exemplaires)… La preuve que l’innovation n’a pas de prix, mais qu’elle a un public.

Pour les éditeurs, le choix est cornélien : continuer à parier sur des blockbusters de plus en plus risqués, ou oser diversifier en s’inspirant de l’agilité des studios indépendants. Sony et Nintendo montrent que la voie hybride est possible. Microsoft et EA commencent à suivre. Les autres ? Le temps presse. Car comme le rappelle Juinio, "dans 5 ans, ceux qui n’auront pas évolué n’auront plus leur place."

Reste une question : les joueurs sont-ils prêts à payer 70€ pour un jeu AAA… alors qu’un titre indie tout aussi captivant coûte 3 fois moins cher ? La réponse pourrait bien redéfinir l’industrie.

L'Avis de la rédaction
Par Celtic
"Meghan Morgan Juinio, ex-coprésidente de Sony Santa Monica, tire la sonnette d’alarme : le modèle AAA est en train de s’autodétruire. Les budgets explosent, les risques s’accumulent, et la créativité s’essouffle. Les joueurs ne veulent pas seulement du 'plus gros', mais du 'mieux pensé'. Les exemples d'Astro Bot et Vampire Survivors le prouvent. Les graphismes ne font pas un chef-d’œuvre, c’est le gameplay qui compte. Les open worlds copiés-collés lassent, et les jeux indie montrent la voie. Le futur appartient à ceux qui sauront combiner l’audace des indie et la stabilité des AAA. Les éditeurs doivent changer de mentalité, donner plus d’autonomie aux petits studios, et accepter des cycles de développement plus courts. Le burn-out des développeurs est un coût humain insupportable. L’industrie doit choisir : exploiter ses talents pour des rendements à court terme, ou investir dans un modèle durable. D’ici 5 ans, 40% des revenus viendront de jeux non-AAA. Ceux qui refuseront ce virage disparaîtront."
Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Celtic

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