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GTA : Quand Grand Theft Auto devient un outil d’analyse historique à l’université
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Il y a 19 jours

GTA : Quand Grand Theft Auto devient un outil d’analyse historique à l’université

Un cours universitaire inédit utilise GTA pour décrypter l’histoire américaine contemporaine, de 1980 à nos jours. À travers des opus comme San Andreas, les étudiants analysent des événements clés comme les émeutes de Los Angeles en 1992, tout en explorant la frontière entre fiction ludique et réalité historique. Bien que GTA 6 ne soit pas encore au programme, son arrivée en 2025 pourrait en faire un futur cas d’étude, tant ses thèmes (immigration, trafic de drogues) résonnent avec les enjeux actuels des États-Unis. Une initiative qui marque un tournant dans la reconnaissance du jeu vidéo comme média pédagogique.

A retenir :

  • L’université du Tennessee lance en janvier 2025 un cours intitulé *« Grand Theft America »*, utilisant la saga GTA pour enseigner l’histoire américaine depuis 1980.
  • GTA: San Andreas (2004) sert de support principal pour étudier les tensions raciales et les émeutes de Los Angeles en 1992, à travers sa recréation fictive de la ville (Los Santos).
  • Le cours évite la barrière financière : pas d’obligation d’achat pour les étudiants, avec des démonstrations en classe à partir de cinématiques et de gameplay.
  • GTA 6, prévu pour mai 2026, pourrait rejoindre le programme pour son traitement des enjeux contemporains (immigration, criminalité) inspirés de la Floride.
  • Une approche pionnière qui légitime le jeu vidéo comme outil éducatif, au même titre que des œuvres littéraires ou cinématographiques.

Imaginez un amphithéâtre où, entre les analyses de discours politiques et les débats sur les mouvements sociaux, on étudie… les guerres des gangs dans Los Santos. Ce scénario, digne d’une intrigue de Rockstar Games, devient réalité à l’université du Tennessee à Knoxville. Dès janvier 2025, le cours *« Grand Theft America »* proposera une plongée dans l’histoire américaine contemporaine à travers le prisme de Grand Theft Auto. Une première académique qui interroge : et si les jeux vidéo étaient les manuels du XXIe siècle ?

Pourquoi GTA ? Quand la fiction éclaire la réalité

À l’origine de ce projet audacieux, le professeur Tore Olsson, spécialiste d’histoire moderne. Son postulat est clair : *« Les jeux vidéo ne sont pas que des divertissements, ils façonnent notre perception du monde réel »*. Une thèse qu’il avait déjà explorée en utilisant Red Dead Redemption pour aborder la fin du XIXe siècle. Avec GTA, l’enjeu est différent : il s’agit de décrypter l’Amérique des 40 dernières années, une période marquée par des fractures sociales, des crises économiques et des bouleversements culturels.

Le choix de la saga n’est pas anodin. Depuis GTA III (2001), Rockstar Games a bâti une réputation en caricaturant la société américaine avec un réalisme mordant. Satire des médias, critique du capitalisme, représentation des inégalités… Chaque opus agit comme un miroir déformant – mais révélateur – des États-Unis. *« San Andreas n’est pas un simple jeu, c’est une allégorie des tensions raciales qui ont explosé à Los Angeles en 1992 »*, explique Olsson, évoquant les émeutes déclenchées par l’acquittement des policiers impliqués dans le passage à tabac de Rodney King.


L’approche pédagogique rompt avec les méthodes traditionnelles. Exit les manuels poussiéreux : ici, ce sont les cinématiques, les dialogues des personnages et même l’architecture des villes fictives qui servent de supports. *« Nous confrontons les représentations ludiques à des documents d’archives »*, précise le professeur. Par exemple, la recréation de Compton dans San Andreas sera comparée à des reportages de l’époque sur les gangs et la police. Une méthode immersive, mais exigeante : *« Il ne s’agit pas de jouer pour le plaisir, mais d’analyser les mécanismes narratifs qui reflètent – ou déforment – la réalité. »*

San Andreas : Los Angeles en 1992, entre fiction et histoire

Si le cours couvre plusieurs opus, GTA: San Andreas (2004) en est la pièce maîtresse. Pourquoi ? Parce que ce jeu, souvent réduit à ses excès de violence ou à son humour potache, offre en réalité une plongée documentée dans l’Amérique des années 1990. La ville de Los Santos, inspirée de Los Angeles, devient un laboratoire à ciel ouvert pour étudier :

  • Les tensions raciales entre communautés (noires, latinos, policiers), exacerbées par des affaires comme celle de Rodney King.
  • L’économie souterraine (drogue, armes) et son lien avec le chômage de masse post-industriel.
  • La culture hip-hop et son rôle comme voix des quartiers marginalisés (le personnage de CJ incarne cette dualité entre criminalité et quête de rédemption).
  • L’urbanisation chaotique de LA, entre gentrification et ghettos, reflétée par les contrastes entre Beverly Hills et Grove Street dans le jeu.

San Andreas n’est pas un documentaire, mais il capture l’esprit d’une époque »*, souligne Olsson. Le jeu exagère, bien sûr – les poursuites policières surréalistes ou les personnages caricaturaux en témoignent. Pourtant, ces excès mêmes révèlent des vérités sociales. *« Quand Officer Tenpenny [un policier corrompu] déclare *"Je possède cette ville"*, c’est une métaphore des abus de pouvoir qui ont alimenté les émeutes »*, analyse-t-il.


Pour éviter tout malentendu, le cours insiste sur la distinction entre fiction et réalité. *« Nous n’utilisons pas GTA comme une source historique, mais comme un point de départ pour la discussion »*, clarifie Olsson. Les étudiants visionneront ainsi des extraits du jeu côtés à côtés avec des images d’archives des émeutes de 1992 ou des interviews de l’époque. Une démarche qui rappelle l’usage du cinéma en histoire, comme avec *« Do the Right Thing »* de Spike Lee pour aborder les mêmes thèmes.

Et GTA 6 dans tout ça ? Un futur "manuel" en préparation

Ironie du calendrier : le cours *« Grand Theft America »* était initialement conçu pour intégrer GTA 6, avant que Rockstar ne reporte le jeu à mai 2026. *« Nous aurions aimé l’inclure, ne serait-ce que pour son cadre floridien »*, confie Olsson. Car si San Andreas explorait la Californie des années 1990, GTA 6 promet de s’attaquer à des enjeux contemporains :

  • L’immigration et les tensions frontalières (la Floride est un État clé pour les migrants cubains et latino-américains).
  • Le trafic de drogues, avec des rumeurs persistantes sur un cartel inspiré des vrais réseaux opérant entre Miami et la Colombie.
  • La gentrification et la spéculation immobilière, thèmes centraux dans une région où l’ouragan Andrew (1992) a redessiné les dynamiques sociales.
  • La corruption politique, un classique de la saga, mais qui pourrait prendre une dimension nouvelle avec l’ère Trump et les scandales récents en Floride.

GTA 6 pourrait offrir une radiographie des États-Unis en 2025 »*, estime Olsson. Rockstar a d’ailleurs promis *« le plus grand lancement de l’histoire du jeu vidéo »*, avec une ambition narrative inédite. Des analystes comme Mat Piscatella (Circana) vont plus loin : *« Ce jeu ne se contentera pas de battre des records de ventes, il redéfinira les attentes culturelles du média. »*


Reste une question : les universités oseront-elles intégrer un titre aussi controversé ? GTA 6 sera probablement plus violent, plus politique que ses prédécesseurs. *« Certains pourraient craindre que cela banalise la criminalité »*, reconnaît Olsson. Mais pour lui, c’est précisément ce débat qui fait la richesse du projet : *« Si un jeu peut provoquer, choquer, faire réfléchir, alors il a sa place dans une salle de classe. »*

Derrière l’écran : comment Rockstar documente (ou invente) l’histoire

Peut-on vraiment enseigner l’histoire avec un jeu où l’on vole des voitures et tue des policiers ? La réponse réside dans le processus de création de Rockstar. Contrairement à ce que certains pensent, la saga GTA s’appuie sur une recherche documentaire rigoureuse. Pour San Andreas, les développeurs ont :

  • Consulté des historiens et des sociologues spécialistes de Los Angeles.
  • Étudié des archives judiciaires sur les gangs (Bloods, Crips) et la police (LAPD).
  • Recréé des lieux emblématiques (comme le motel où a été filmé le passage à tabac de Rodney King).
  • Intégré des dialogues inspirés de vrais témoignages (ex : les répliques de Officer Tenpenny reprennent des propos tenus par des policiers lors des émeutes).

*« Rockstar ne fait pas de l’histoire, mais ils s’inspirent de faits réels pour créer une satire »*, explique Jim Sisavath, journaliste spécialisé dans les jeux narratifs. *« Leur force est de mélanger réalité et exagération pour révéler des vérités inconfortables. »* Par exemple, la mission *« Riot »* dans San Andreas, où le joueur participe à une émeute, n’est pas un appel à la violence, mais une métaphore des frustrations sociales.


Cette approche a ses limites. *« GTA reste une vision partiale »*, tempère Olsson. *« Le jeu se concentre sur le crime et la marginalité, mais passe sous silence d’autres aspects de l’histoire américaine, comme les mouvements progressistes ou les succès économiques. »* Un biais assumé : Rockstar mise sur le spectaculaire, pas sur l’exhaustivité. *« C’est à nous, enseignants, de compléter le tableau »*, conclut-il.

Un cours qui fait déjà des émules (et des détracteurs)

L’initiative du professeur Olsson a suscité un débat passionné. D’un côté, les partisans y voient une révolution pédagogique : *« Enfin, on utilise un média que les étudiants connaissent et aiment »*, se réjouit Marie, 20 ans, inscrite au cours. *« C’est bien plus captivant qu’un cours magistral ! »* De l’autre, des voix s’élèvent pour dénoncer une *« banalisation de la violence »*. *« Utiliser GTA pour enseigner l’histoire, c’est comme étudier la Seconde Guerre mondiale avec Call of Duty »*, critique John Carter, un historien conservateur.

Olsson assume ces critiques : *« Tout nouveau média a été contesté en son temps. Le cinéma, la télévision… Aujourd’hui, c’est au tour des jeux vidéo. »* Il cite en exemple l’université de Baltimore, qui utilise déjà *« Assassin’s Creed »* pour enseigner l’Égypte antique, ou celle de Leicester (Royaume-Uni), où *« The Witcher 3 »* sert à analyser le folklore européen. *« Nous ne sommes pas les premiers, mais nous poussons le concept plus loin en nous attaquant à des sujets sensibles comme le racisme ou la corruption. »*


Le succès du cours dépendra de sa capacité à équilibrer divertissement et rigueur. *« Il ne s’agit pas de remplacer les livres par des manettes »*, insiste Olsson. *« Mais si un étudiant retient mieux les causes des émeutes de 1992 en jouant à San Andreas qu’en lisant un manuel, alors nous avons gagné. »* Une philosophie qui résume l’ambition du projet : faire du jeu vidéo un pont entre la culture pop et l’éducation.

Quant à GTA 6, son intégration future dépendra de son contenu. *« Si Rockstar pousse la satire encore plus loin, ce sera une mine d’or pour nous »*, sourit le professeur. *« Sinon, nous nous tournerons vers d’autres jeux. L’important, c’est que l’université reste connectée à la culture de ses étudiants. »*

Le cours *« Grand Theft America »* marque un tournant : celui où le jeu vidéo cesse d’être un simple loisir pour devenir un outil d’analyse critique. En utilisant GTA comme porte d’entrée vers des débats historiques complexes, l’université du Tennessee prend un risque calculé. Celui de parler aux étudiants dans leur langage, tout en leur offrant les clés pour décrypter la société qui les entoure.

Reste à voir si d’autres établissements suivront. Une chose est sûre : avec GTA 6 à l’horizon, le débat sur la place des jeux vidéo dans l’éducation est loin d’être terminé. Et si Rockstar continue à provoquer, choquer et fasciner, les salles de classe pourraient bien devenir un nouveau terrain de jeu… littéralement.

L'Avis de la rédaction
Par Celtic
Ah, les jeux vidéo comme manuels d'histoire ? C'est comme si on apprenait la géographie en jouant à "Pac-Man" ! Olsson a raison, les jeux comme "GTA" sont des miroirs déformants de notre réalité, mais ils capturent l'esprit d'une époque. "San Andreas" est une allégorie des tensions raciales, et "GTA 6" pourrait bien être une radiographie des États-Unis en 2025. Mais attention, les universités oseront-elles intégrer un titre aussi controversé ? Le débat est lancé, et c'est ça qui fait la richesse du projet.

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Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Celtic