Hannibal : Une Saison 4 Après 10 Ans ? Le Retour du Cannibale le Plus Élégant de la Télévision

2024 : L’Année Où Hannibal Pourrait (Enfin) Revenir ?

Imaginez la scène : Hannibal Lecter, impeccable dans son costume trois-pièces, sirotant un verre de vin rouge en observant Will Graham avec ce sourire énigmatique qui a marqué des millions de téléspectateurs. Dix ans après la diffusion du dernier épisode de Hannibal sur NBC, ce tableau pourrait bien redevenir réalité. Lors d’une récente interview accordée à Deadline, Bryan Fuller, le showrunner de la série, a confirmé que des discussions étaient en cours pour une quatrième saison. Une nouvelle qui a électrisé les fans, mais qui soulève autant de questions que d’espoirs.

Pourtant, l’histoire de Hannibal est celle d’une série maudite par son génie. Trop ambitieuse pour les standards télévisuels de l’époque, trop chère pour les audiences qu’elle drainait, elle avait été annulée en 2015 après seulement trois saisons, laissant un goût d’inachevé. Aujourd’hui, dans un paysage audiovisuel dominé par les plateformes et les revivals (Twin Peaks, X-Files, 24 Heures Chrono), la question n’est plus si Hannibal peut revenir, mais comment.

"La Saison 3 Était Notre Chef-d’Œuvre… Et Notre Tombeau"

Bryan Fuller n’y va pas par quatre chemins : pour lui, la troisième saison de Hannibal était "la plus aboutie, la plus audacieuse, et malheureusement, celle qui a tué la série". Un aveu qui en dit long sur le paradoxe de cette œuvre. Avec son esthétique baroque, ses dialogues ciselés comme des lames de rasoir, et une intrigue oscillant entre thriller psychologique et conte gothique, la saison 3 avait repoussé les limites du genre. Pourtant, c’est précisément cette radicalité qui avait effrayé NBC, déjà réticente face aux audiences en baisse.

Fuller envisage une saison 4 dans la continuité de cette folie créative. Sans dévoiler trop de détails, il évoque une plongée encore plus profonde dans "la relation toxique entre Will et Hannibal", avec une esthétique inspirée des peintures de Francis Bacon et une narration fragmentée, à la David Lynch. "Nous avions prévu un arc en quatre actes, explique-t-il. La saison 3 n’en était que le troisième. Il reste une histoire à raconter." Une histoire qui, selon les rumeurs, s’inspirerait librement du roman Le Festin du Dragon Rouge de Thomas Harris, tout en s’en éloignant pour explorer des territoires plus oniriques.

Mais cette vision a un prix. Et pas seulement artistique.

Droits, Héritages et Guerres de Studios : Le Casse-Tête Juridique

Si l’envie est là, la route vers une saison 4 est semée d’embûches. Le premier obstacle ? Les droits. Actuellement détenus à la fois par MGM (qui possède la licence des personnages via les films) et Amazon (qui a racheté les droits de diffusion après l’arrêt de la série), leur gestion relève du parcours du combattant. "C’est comme essayer de cuisiner un repas avec deux cuisiniers qui ne se parlent pas et qui ont chacun la moitié des ingrédients", résume un proche du dossier.

S’ajoute à cela la disparition de Martha De Laurentiis, productrice historique de la série (et fille du légendaire Dino De Laurentiis, producteur des premiers films Hannibal Lecter). Décédée en 2021, elle était la gardienne des droits originaux et jouait un rôle clé dans les négociations. "Sans elle, c’est comme si on avait perdu la clé de voûte", confie une source chez MGM. Son héritage est désormais géré par ses descendants, ce qui ajoute une couche de complexité juridique.

Enfin, il y a la question financière. Une saison de Hannibal coûtait cher – très cher. Entre les décors somptueux, les effets spéciaux (les scènes de meurtres étaient des œuvres d’art à part entière) et les cachets des acteurs, le budget dépassait largement celui d’une série classique. NBC avait déjà hésité à renouveler après la saison 2. Aujourd’hui, avec l’inflation des coûts de production, une saison 4 nécessiterait un investissement colossal… et un diffuseur prêt à prendre le risque. Amazon semble le candidat idéal, mais les négociations traînent.

Le Casting : Une Réunion (Presque) Miraculeuse

Si les obstacles sont nombreux, une lueur d’espoir persiste : le casting original est partant. Mads Mikkelsen, dont la performance en Hannibal Lecter est devenue culte, a déclaré à The Guardian en 2022 : "Je reprendrais ce rôle demain. Hannibal est comme une seconde peau. Et il y a encore tant à explorer avec Will." Hugh Dancy (Will Graham) et Lawrence Fishburne (Jack Crawford) ont également exprimé leur enthousiasme, à condition que le scénario soit à la hauteur.

Même Gillian Anderson, dont le personnage de Bedelia Du Maurier avait marqué les esprits, serait ouverte à un retour. "Cette série était unique, affirme-t-elle. Si Bryan a une vision claire, je serai là." Une réunion qui semble presque trop belle pour être vraie, surtout quand on sait que les agendas de ces acteurs sont chargés (Mikkelsen tourne actuellement Fantastic Beasts 4, Dancy est sur le plateau de The Crown).

Mais le plus surprenant vient peut-être de Anthony Hopkins. Le légendaire interprète d’Hannibal Lecter au cinéma a laissé entendre, lors d’une interview pour Empire, qu’il serait "ravi de faire une apparition" dans la série, ne serait-ce que pour un caméo. Une idée qui, si elle se concrétisait, ferait de cette saison 4 un événement télévisuel sans précédent.

Les Fans, Ces Infatigables Soldats

Depuis 2015, les fans de Hannibal n’ont jamais baissé les bras. Des campagnes comme #SaveHannibal ou #HannibalSeason4 ont inondé les réseaux sociaux, des pétitions ont circulé, et des marques de soutien ont même été envoyées aux studios. "Cette série a changé ma vie, témoigne Clara, une fan française. Ce n’est pas juste une série, c’est une expérience sensorielle. On veut une conclusion à la hauteur."

Leur mobilisation a déjà porté ses fruits : en 2020, Amazon Prime Video avait acquis les droits de diffusion, permettant à de nouveaux spectateurs de découvrir la série. Aujourd’hui, leur pression pourrait bien être décisive. "Les studios écoutent les fans quand ils sont organisés, explique un analyste de Variety. Regardez ce qui s’est passé avec Lucifer ou Brooklyn Nine-Nine : des annulations renversées grâce à la mobilisation."

Pourtant, tous ne sont pas convaincus. Certains puristes estiment qu’une saison 4 risquerait de "gâcher la perfection de la fin actuelle", où Will et Hannibal s’enfuient ensemble dans un final ambigu. "Parfois, le mystère est plus beau que la réponse", argue Thomas, un autre fan. Un débat qui divise la communauté, entre ceux qui veulent une conclusion claire et ceux qui préfèrent garder intact le mythe.

Et Si Tout Cela N’était Qu’un Rêve ?

Malgré l’optimisme affiché par Bryan Fuller, plusieurs observateurs restent sceptiques. "Les revivals de séries sont à la mode, mais ils échouent souvent à recapturer la magie originale", note Élodie Jouve, critique pour Écran Large. Elle cite l’exemple de Heroes Reborn ou Prison Break (saison 5), où le retour des personnages n’a pas suffi à sauver des scénarios bancals.

Un autre écueil : le temps passé. Dix ans, c’est long. Les acteurs ont vieilli, les tendances télévisuelles ont changé (l’ère des anti-héros comme Walter White ou Tony Soprano a cédé la place à des narrations plus morcelées, façon Euphoria ou Succession). Hannibal, avec son rythme lent et son esthétique ultra-travaillée, pourrait sembler décalé en 2024. "Soit la saison 4 assume pleinement son côté rétro et devient un objet culte, soit elle tente de s’adapter et perd son âme", résume un producteur sous couvert d’anonymat.

Enfin, il y a la question de l’audience. Hannibal n’a jamais été un succès populaire, mais une série de niche, adorée par une communauté passionnée. Les plateformes comme Netflix ou Amazon misent aujourd’hui sur des contenus grand public (Stranger Things, The Boys). Une saison 4 de Hannibal, aussi brillante soit-elle, pourrait peine à trouver sa place dans ce paysage.

Derrière les Coulisses : Le Dîner Qui a Tout Changé

Peu de gens le savent, mais l’idée d’une saison 4 a germé lors d’un dîner improvisé en 2021. Bryan Fuller, Mads Mikkelsen et Hugh Dancy s’étaient retrouvés à Copenhague, où Mikkelsen réside, pour célébrer les 10 ans du début du tournage. "On a commencé à parler de la série, puis des regrets, puis des 'et si…'", raconte Fuller. Ce soir-là, autour d’un repas (ironiquement, un smørrebrød, spécialité danoise bien loin des mets raffinés d’Hannibal), les trois hommes ont esquissé les grandes lignes d’un retour.

Mikkelsen aurait même improvisé une scène, reprenant son accent si particulier et son regard perçant, pour montrer à quel point il était toujours dans le personnage. "C’était terrifiant et magnifique à la fois, se souvient Dancy. On a tous senti que l’histoire n’était pas finie." Depuis, Fuller travaille sur un traitement de 30 pages, qu’il décrit comme "un mélange entre un cauchemar éveillé et une tragédie grecque".

Un détail amusant : lors de ce dîner, Fuller avait apporté une bouteille de Château Margaux 1982 – le même vin qu’Hannibal sert à Will dans l’épisode "Kaiseki" (saison 2). Un clin d’œil qui montre à quel point cette série, même après des années, reste gravée dans les mémoires de ses créateurs.