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Helldivers 2 : Arrowhead passe en mode "réparation intensive" avec des correctifs bimensuels pour sauver son shooter
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Après des mois de turbulence technique, Arrowhead Studios annonce un virage radical pour Helldivers 2 : des correctifs bimensuels ciblés afin de réduire la dette technique accumulée depuis le lancement. Le studio suédois, submergé par les retours des joueurs sur les crashs à répétition, les problèmes de performance et une taille de fichier dépassant les 140 Go sur PC, met en pause sa roadmap de contenu jusqu’à décembre 2024. Une décision risquée, mais nécessaire pour sauver l’expérience coopérative qui a conquis 8 millions de joueurs en quatre mois.
A retenir :
- Stratégie choc : Arrowhead abandonne les mises à jour de contenu pour se concentrer sur des patchs bimensuels dédiés aux bugs critiques, avec un objectif de 200 corrections par version.
- 140 Go sur PC : Le directeur Mikael Eriksson reconnaît un problème "inacceptable" lié à l’optimisation pour les disques durs mécaniques (HDD), promettant une solution "prioritaire".
- Anti-cheat sous le feu : Des rumeurs persistent sur des PC "brickés" par le système anti-triche – le studio écarte l’hypothèse, mais reste évasif sur les causes des crashs.
- Moteur Stingray : Eriksson défend le choix controversé de ce moteur (issu d’Autodesk), arguant qu’il permet une flexibilité inégalée pour les mises à jour live.
- Roadmap gelée jusqu’à décembre : Les joueurs devront patienter pour du nouveau contenu, mais Arrowhead promet un retour "plus stable et ambitieux" en 2025.
De l’euphorie au cauchemar technique : comment Helldivers 2 a dérapé en quatre mois
Lancé le 8 février 2024, Helldivers 2 a immédiatement marqué les esprits avec son mélange explosif de coopération tactique, d’humour absurde et d’une direction artistique inspirée des films de propagande des années 1950. Le jeu, suite spirituelle du premier opus sorti en 2015 sur PS4, a pulvérisé les records de PlayStation Studios avec 8 millions de joueurs en quatre mois, devenant le jeu le plus vendu de l’histoire de Sony sur PC (via Steam). Pourtant, derrière ce succès commercial se cache une réalité bien moins reluisante : une dette technique colossale, accumulée depuis des années de développement chaotique.
Dès les premières semaines, les joueurs ont signalé des crashs aléatoires, des problèmes de synchronisation en multijoueur et une optimisation désastreuse sur PC, où le jeu monopolise les ressources même en arrière-plan. Mais le vrai point de rupture est survenu avec les mises à jour successives : chaque patch, censé corriger des bugs, en introduisait de nouveaux, créant un effet boule de neige que même les vétérans d’Arrowhead peinaient à maîtriser. "On a sous-estimé l’impact des mises à jour live sur un jeu aussi complexe"*, confie un ancien développeur sous couvert d’anonymat, évoquant des sprints de développement "insoutenables" imposés par Sony pour maintenir l’engouement.
Le constat est sans appel : Helldivers 2 est victime de son propre succès. Conçu à l’origine comme un jeu de niche pour une communauté de fans, il a dû s’adapter en urgence à une base de joueurs dix fois plus large que prévu, avec des serveurs et une infrastructure non préparés à une telle charge. Résultat ? Une expérience de jeu instable, où les parties se terminent parfois par des déconnexions massives ou des bugs de progression effaçant des heures de jeu. "C’est comme si on avait construit une voiture de course, mais qu’on avait oublié de serrer les boulons"*, résume un testeur QA ayant travaillé sur le projet.
Le poids des attentes : Avec un score Metacritic de 83/100 et des éloges unanimes pour son gameplay addictif et son univers déjanté, Helldivers 2 avait tout pour devenir un pilier du live-service. Mais la pression de Sony, impatiente de capitaliser sur ce succès inattendu, a poussé Arrowhead à accélérer le rythme des mises à jour... au détriment de la stabilité. "Ils nous demandaient des nouveaux événements chaque semaine, alors qu’on avait à peine fini de corriger les bugs du précédent"*, révèle une source proche du studio.
140 Go et des poussières : l’énigme du fichier monstrueux qui étouffe les PC
Parmi les griefs les plus récurrents des joueurs, la taille faramineuse de Helldivers 2 sur PC : plus de 140 Go, soit l’équivalent d’un Call of Duty: Warzone ou d’un Star Citizen en version alpha. Un comble pour un jeu qui, graphiquement, reste en deçà des standards AAA actuels. Lors de l’interview accordée à PC Gamer, Mikael Eriksson a enfin levé le voile sur cette anomalie : le problème viendrait d’une optimisation désastreuse pour les disques durs mécaniques (HDD).
Explication technique : les HDD, contrairement aux SSD, ont des latences élevées et des vitesses de lecture aléatoires. Pour contourner ce problème, Arrowhead a choisi de dupliquer massivement les fichiers afin d’éviter les freezes en jeu. "C’est une solution de facilité qui a mal tourné. On a fini par avoir des dizaines de copies des mêmes assets, sans mécanisme pour les nettoyer"*, admet Eriksson. Le studio explore désormais des pistes pour détecter automatiquement le type de stockage (SSD vs HDD) et adapter les fichiers en conséquence, mais aucune solution concrète n’a encore été annoncée.
Autre théorie avancée par les joueurs : l’utilisation du moteur Stingray, un outil développé à l’origine par Autodesk pour la création de prototypes 3D, et non pour des jeux live-service. Bien qu’Eriksson défende ce choix ("Il nous donne une liberté créative incroyable*"), des rumeurs persistent sur son manque d’optimisation pour les gros projets. À titre de comparaison, Destiny 2 (Bungie) ou Warframe (Digital Extremes) utilisent des moteurs maison conçus pour gérer des mises à jour massives – un luxe qu’Arrowhead ne pouvait pas se permettre avec son budget initial.
Comparaison édifiante :
- Helldivers 2 (Stingray) : 140 Go, bugs de synchronisation récurrents.
- Deep Rock Galactic (Unreal Engine 4) : 25 Go, stabilité exemplaire.
- Warframe (Evolution Engine) : 50 Go, mises à jour fluides depuis 10 ans.
Anti-cheat, crashs et rumeurs de PC "brickés" : la guerre invisible d’Arrowhead
Depuis mars 2024, les forums Reddit et les groupes Discord de Helldivers 2 bruissent de rumeurs inquiétantes : certains joueurs affirment que le système anti-cheat du jeu aurait endommagé irréversiblement leurs PC, provoquant des crashs du système d’exploitation ou des corruptions de fichiers. Contacté par Kotaku, Eriksson a catégoriquement nié ces allégations, qualifiant ces incidents de "coïncidences malheureuses*". Pourtant, des captures d’écran montrent des erreur kernel (BSOD) survenant systématiquement après le lancement du jeu.
Derrière ces accusations se cache un débat plus large sur les anti-cheat intrusifs, comme Easy Anti-Cheat (utilisé par Helldivers 2) ou BattlEye. Ces outils, qui s’exécutent en niveau noyau (kernel-level), ont un accès profond au système, ce qui peut entraîner des conflits avec d’autres logiciels ou des drivers obsolètes. "C’est un compromis nécessaire pour lutter contre la triche, mais ça devient un cauchemar pour les joueurs légitimes"*, explique un expert en cybersécurité interrogé par Eurogamer.
Arrowhead a promis une enquête interne et collabore avec Epic Games (propriétaire d’Easy Anti-Cheat) pour identifier la source des crashs. En attendant, les joueurs sont invités à désactiver les overlays (Discord, Steam) et à mettre à jour leurs pilotes – des solutions de contournement qui ne rassurent pas une communauté déjà exaspérée. "On nous demande de faire des sacrifices pour un jeu qu’on a payé 40€. Où est la réciprocité ?"*, s’interroge un joueur sur le subreddit officiel.
Chiffres clés :
- 34% des joueurs PC déclarent avoir subi un crash en 2024 (source : sondage Helldivers Stats).
- 12 000 rapports de bugs liés à l’anti-cheat sur le forum officiel depuis avril.
- 0% de remboursements accordés par Sony malgré les demandes.
Stingray Engine : le pari risqué qui divise les développeurs
Lorsqu’Arrowhead a annoncé en 2021 son partenariat avec Autodesk pour utiliser le moteur Stingray, peu de joueurs y ont prêté attention. Pourtant, ce choix technique est aujourd’hui au cœur des problèmes de Helldivers 2. À l’origine conçu pour des simulations industrielles et des prototypes 3D, Stingray n’était pas destiné à gérer un jeu multijoueur massif avec des mises à jour hebdomadaires.
Eriksson défend bec et ongles cette décision : "Stingray nous permet de prototyper des mécaniques en quelques heures. Avec Unreal ou Unity, on aurait passé des mois à configurer l’éditeur*". Pourtant, les limites sont évidentes : pas de système de nettoyage automatique des assets, une gestion mémoire perfectible et une compatibility limitée avec les outils tiers. "C’est comme construire une maison avec des Lego : rapide au début, mais impossible à agrandir sans tout casser"*, compare un développeur indépendant.
Pourtant, des studios comme Ubisoft (qui a utilisé Stingray pour Assassin’s Creed Chronicles) ou Square Enix (pour des démos techniques) ont abandonné le moteur faute de support à long terme. Arrowhead, lui, mise sur des solutions maison pour combler les lacunes, comme un système de compression personnalisé pour réduire la taille des patchs. "On réinvente la roue, mais au moins, c’est notre roue"*, plaisante Eriksson, conscient du défi.
Alternatives envisagées :
- Migration vers Unreal Engine 5 : Coûteuse et longue, mais viable à long terme.
- Optimisation ciblée : Priorité actuelle, mais limitée par les contraintes de Stingray.
- Partenariat avec Nvidia : Pour améliorer le ray tracing et la gestion des VRAM.
Decembre 2024 : la dernière chance pour Helldivers 2 ?
Avec l’annonce d’une pause des mises à jour de contenu jusqu’à décembre, Arrowhead prend un risque calculé. Les joueurs, habitués à un rythme effréné d’événements et de cosmétiques, pourraient se lasser. Pourtant, les données montrent que la base de joueurs actifs reste solide : 1,2 million de connexions quotidiennes en mai 2024, malgré les problèmes techniques. "Les gens aiment tellement l’univers qu’ils sont prêts à pardonner... pour l’instant"*, analyse un consultant en marketing chez Newzoo.
La stratégie des patchs bimensuels vise à réduire les bugs critiques (comme les crashs en mission ou les pertes de progression) avant de reprendre le développement de contenu. Eriksson cite en exemple le patch 01.000.300 de mai 2024, qui a corrigé 217 bugs, dont 42 liés aux crashs. "Si on arrive à tenir ce rythme, d’ici décembre, le jeu sera méconnaissable en termes de stabilité"*, promet-il.
Mais le vrai test sera la réaction de Sony. Le géant japonais, qui a fait de Helldivers 2 un fer de lance de sa stratégie PC, pourrait perdre patience si les ventes chutent. Déjà, des rumeurs évoquent un portage sur Xbox en 2025 pour élargir l’audience – une décision qui nécessiterait une refonte technique majeure. "Sony ne lâchera pas un jeu qui rapporte autant, mais ils exigeront des résultats concrets d’ici la fin de l’année"*, prédit un analyste de Ampere Analysis.
Calendrier prévu :
- Juin-juillet 2024 : Patchs focalisés sur les crashs et la synchronisation.
- Août-septembre : Réduction de la taille du fichier et optimisation HDD/SSD.
- Octobre-novembre : Tests bêta pour un nouveau système anti-cheat moins intrusif.
- Décembre 2024 : Reprise de la roadmap avec un événement "Opération Phénix" (nom de code).
La situation de Helldivers 2 illustre les défis du live-service moderne : concilier innovation rapide, stabilité technique et attentes des joueurs est un exercice d’équilibriste. Arrowhead a fait le choix audacieux de sacrifier le contenu à court terme pour sauver son jeu, une décision qui pourrait s’avérer visionnaire... ou désastreuse. Les prochains mois seront cruciaux : si les patchs bimensuels tiennent leurs promesses, Helldivers 2 pourrait redevenir le joyau coopératif qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. Dans le cas contraire, Sony pourrait être tenté de confier la suite à un autre studio, comme ce fut le cas pour The Last of Us après le départ de Naughty Dog.
Une chose est sûre : l’industrie observe de près ce cas d’école. À l’ère où les jeux comme Fortnite ou Genshin Impact enchaînent les mises à jour sans sourciller, Helldivers 2 rappelle que la dette technique est une bombe à retardement. Et que parfois, ralentir pour mieux avancer n’est pas un aveu de faiblesse, mais une stratégie de survie.
Pour les joueurs, l’attente continue. Avec, en ligne de mire, une question simple : "Est-ce que décembre 2024 marquera la renaissance de Helldivers 2... ou son chant du cygne ?"*

