Il y a 1 jour
Hideo Kojima dément toute connaissance d'un projet de jeu vidéo *The Matrix* – L'histoire secrète d'une rencontre manquée
h2
En 1999, les sœurs Wachowski auraient proposé à Konami un jeu vidéo *The Matrix* sans que Hideo Kojima, alors star du studio, n’en ait jamais été informé. Vingt-six ans plus tard, le créateur de *Metal Gear Solid* révèle les coulisses d’une rencontre aussi fascinante que méconnue, où l’histoire du jeu vidéo aurait pu basculer. Entre emails échangés, admirations mutuelles et malentendus persistants, cette révélation relance les spéculations sur ce qui aurait pu être l’une des collaborations les plus audacieuses du cinéma et du gaming.
A retenir :
- Une offre fantôme : Hideo Kojima affirme n’avoir jamais été approché pour un jeu *The Matrix* en 1999, malgré les déclarations récentes d’un ancien cadre de Konami.
- Des échanges épistolaires : Les Wachowski et Kojima entretenaient une relation de fans mutuels, avec des emails et trois rencontres lors de la promotion du film au Japon.
- Metal Gear Solid 2 en priorité : À l’époque, Kojima était absorbé par le développement de *MGS2*, un projet si ambitieux qu’il aurait pu éclipser toute autre collaboration.
- Un tech demo en 2021 : Epic Games a relancé l’intérêt pour un jeu *Matrix* avec une démonstration Unreal Engine 5, prouvant que l’univers cyberpunk reste un terrain fertile pour les développeurs.
- Un cinquième film en préparation : Sans les Wachowski à la réalisation, *The Matrix 5* est confié à Drew Goddard (*The Martian*), mais le retour de Keanu Reeves reste incertain.
1999 : Quand *The Matrix* frôla Konami, sans que Kojima ne le sache
L’histoire commence sur un malentendu, ou peut-être un trou de mémoire collectif. Le 29 octobre 2025, Hideo Kojima, figure légendaire du jeu vidéo, réagit sur X (ex-Twitter) à une information relayée par le média Time Extension : en 1999, les sœurs Lilly et Lana Wachowski auraient proposé à Konami un projet de jeu vidéo inspiré de *The Matrix*, avec Kojima en ligne de mire pour le diriger. Problème ? Le principal intéressé n’en avait aucune idée. « Je suis tombé sur les réseaux sociaux sur le fait que les sœurs Wachowski m’auraient ‘proposé un projet de jeu *The Matrix’* en 1999, écrit-il. En 26 ans, personne ne m’a jamais parlé d’une telle conversation. »
À l’époque, Kojima est un employé clé de Konami, en pleine finalisation de *Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty* (sorti en 2001), un jeu qui révolutionnera le stealth et le storytelling interactif. Les Wachowski, elles, viennent de sortir *The Matrix* (mars 1999), un film qui redéfinit la science-fiction avec son mélange de philosophie, de cyberpunk et d’actions spectaculaires. Les deux parties s’admirent : Kojima a vu le film avant sa sortie japonaise (décembre 1999) lors d’une avant-première aux États-Unis, et les réalisatrices, fans de *Metal Gear Solid* (1998), voient en lui un partenaire idéal pour transposer leur univers en jeu.
Pourtant, selon Scott Bergstresser, ancien responsable marketing de Konami interviewé par *Time Extension*, une réunion aurait bien eu lieu entre les Wachowski et Kazumi Kitaue, alors PDG de Konami Digital Entertainment. Kojima, lui, arrive après cette discussion et n’en entend parler qu’en 2025. « Si on m’avait prévenu, peut-être qu’on aurait pu faire quelque chose », confie-t-il, mi-amusé, mi-rétrospectif. Une déclaration qui en dit long sur les opportunités manquées de l’industrie.
*The Matrix* et *Metal Gear* : Deux visions du cyberpunk en miroir
Au-delà de l’anecdote, cette révélation soulève une question fascinante : que serait devenu un jeu *The Matrix* signé Kojima ? Les parallèles entre les deux œuvres sont frappants. *Metal Gear Solid* (1998) et *The Matrix* (1999) partagent une esthétique cyberpunk, des thèmes sur la réalité simulée (*« The system is your enemy »* vs. *« The Matrix is everywhere »*), et une narration complexe mêlant espionnage et métaphysique. Kojima, connu pour ses réflexions sur la guerre et la technologie, aurait pu apporter une profondeur inédite à l’adaptation.
Pour preuve, les jeux *Matrix* qui ont finalement vu le jour :
- *Enter the Matrix* (2003, Shiny Entertainment) : Un jeu d’action en 3D, critiqué pour son gameplay répétitif mais salué pour ses séquences cinématiques inédites (réalisées par les Wachowski).
- *The Matrix: Path of Neo* (2005) : Une aventure plus narrative, permettant d’incarner Neo dans des scènes cultes du film.
- *The Matrix Online* (2005-2009) : Un MMORPG ambitieux mais mal optimisé, fermé prématurément.
En 2021, Epic Games relance les spéculations avec une tech demo Unreal Engine 5 intitulée *The Matrix Awakens*. Ce court-métrage interactif, avec Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss reprenant leurs rôles, prouve que l’univers a encore un énorme potentiel ludique. « Si un jeu *Matrix* devait sortir aujourd’hui, il faudrait qu’il soit à la hauteur des attentes des fans, mais aussi qu’il innove comme l’a fait le film en 1999 », analyse Julien Chièze, journaliste spécialisé chez *IG Magazine*.
Konami en 1999 : Un géant aux choix stratégiques controversés
Pour comprendre pourquoi ce projet n’a jamais abouti, il faut replacer Konami dans son contexte de l’époque. En 1999, l’éditeur japonais est un monstre du jeu vidéo, avec des franchises comme *Castlevania*, *Silent Hill* (sorti la même année), et bien sûr *Metal Gear*. Pourtant, la société est aussi connue pour sa gestion erratique des talents. Kojima lui-même a souvent évoqué les conflits internes autour de ses projets, notamment avec *Metal Gear Solid 2*, dont le développement a été chaotique.
« Konami avait une politique très centralisée, explique Marc Djan, historien du jeu vidéo. Les décisions venaient du haut, et les créateurs comme Kojima avaient une marge de manœuvre limitée malgré leur statut. » Dans ce contexte, une collaboration avec Hollywood, aussi prestigieuse soit-elle, représentait un risque financier et logistique. Les jeux de licence étaient (et sont toujours) réputés pour leurs délais serrés et leurs budgets explosifs. Sans compter que *The Matrix* était un pari : personne ne savait encore si le film deviendrait un phénomène culturel.
Ironiquement, Konami a fini par travailler sur *The Matrix*… mais sans Kojima. En 2003, l’éditeur co-publie *Enter the Matrix* avec Atari, mais le jeu est développé par Shiny Entertainment (responsable de *Earthworm Jim*). Un choix qui reflète la stratégie de Konami à l’époque : externaliser les risques tout en capitalisant sur les licences populaires. Résultat ? Un jeu oubliable, malgré ses ventes correctes (plus d’un million d’exemplaires).
2025 : *The Matrix 5* et l’héritage des Wachowski
Aujourd’hui, *The Matrix* est une franchise en mutation. Après *The Matrix Resurrections* (2021), un film diviseur qui a marqué le retour de Lana Wachowski (Lilly ayant quitté le projet), Warner Bros. prépare un cinquième opus. Confié à Drew Goddard (scénariste de *The Martian* et créateur de *Daredevil* sur Netflix), ce nouveau volet se passera sans les sœurs Wachowski à la réalisation, une première depuis 1999.
Les rumeurs évoquent un reboot partiel, avec peut-être le retour de Keanu Reeves (Neo) et Carrie-Anne Moss (Trinity), mais rien n’est confirmé. « Sans les Wachowski, *The Matrix* perd une partie de son ADN, estime Élodie Fremont, critique chez *Première*. Leur vision était unique, entre philosophie, action et esthétique cyberpunk. » Un avis partagé par de nombreux fans, qui craignent une diluition de l’univers original.
Côté jeu vidéo, les spéculations vont bon train. Avec l’essor des jeux narratifs (*Disco Elysium*, *Citizen Sleeper*) et des expériences cyberpunk (*Cyberpunk 2077*), un nouveau *Matrix* aurait du sens. « Imaginez un jeu où vous explorez les couches de la Matrice comme dans *Inception*, avec des mécaniques de hacking social et des choix moraux, propose Thomas Veissière, game designer. Ce serait le projet parfait pour un studio comme Quantic Dream ou Supermassive Games. »
Et si Kojima avait dit oui ? Le jeu qui aurait pu changer l’histoire
Revenons à notre point de départ : que se serait-il passé si Kojima avait été impliqué ? Avec le recul, on peut imaginer un jeu hybride, mêlant :
- L’infiltration tactique de *Metal Gear Solid*, avec des phases de combat inspirées du bullet time du film.
- Une narration non-linéaire, où le joueur doute de la réalité, comme dans *P.T.* (la démo annulée de *Silent Hills*).
- Des dialogues philosophiques avec des personnages comme Morpheus ou l’Architecte, écrits avec la profondeur d’un *Death Stranding*.
- Un multijoueur asymétrique (comme *Dead by Daylight*), où certains joueurs incarnent des Agents et d’autres des rebelles.
Bien sûr, tout cela reste de la spéculation. Mais une chose est sûre : cette révélation relance le débat sur l’influence des opportunités manquées dans l’industrie. Combien de chefs-d’œuvre potentiels ont été avortés par des malentendus, des ego, ou des priorités mal placées ? Dans le cas de *The Matrix* et Kojima, l’histoire nous rappelle que parfois, le hasard fait mieux que les plans les plus ambitieux.
Aujourd’hui, alors que Kojima travaille sur un nouveau projet avec Xbox (peut-être lié à *Death Stranding 2*), et que *The Matrix 5* se prépare sans ses créatrices originales, une question persiste : l’industrie a-t-elle appris de ses erreurs ? Ou sommes-nous condamnés à répéter les mêmes schémas, où l’art cède trop souvent face aux impératifs financiers ?
L’affaire du jeu *The Matrix* jamais proposé à Kojima est bien plus qu’une anecdote : c’est un symptôme des tensions entre création et industrie. En 1999, Konami, comme beaucoup d’éditeurs, a préféré jouer la carte de la prudence plutôt que de prendre un risque sur une licence alors incertaine. Pourtant, avec le recul, une collaboration entre les Wachowski et Kojima aurait pu donner naissance à l’un des jeux les plus marquants de l’histoire, un pont entre le cinéma et le gaming aussi audacieux que *The Matrix* lui-même.
Cette révélation arrive à un moment charnière pour les deux univers. *The Matrix* tente de se réinventer sans ses créateurs, tandis que Kojima, libre de Konami depuis 2015, explore de nouvelles frontières avec *Death Stranding* et ses projets futurs. Quant à l’idée d’un jeu *Matrix* moderne, elle n’a jamais été aussi pertinente, à l’ère des open worlds narratifs et des expériences immersives. Peut-être qu’un jour, un studio osera enfin relever le défi – avec ou sans Kojima.
En attendant, cette histoire nous rappelle une leçon simple : parfois, les plus grandes innovations naissent des rencontres improbables. Et quand ces rencontres n’ont pas lieu, il ne reste plus qu’à imaginer ce qui aurait pu être.

