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Horizon Steel Frontiers : le MMO mobile/PC qui divise les fans - Interview exclusive avec NCSoft
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Horizon Steel Frontiers marque un tournant audacieux pour la licence Horizon : un MMO mobile/PC développé par NCSoft (Lineage) en collaboration avec Guerrilla Games, mais qui exclut les consoles PlayStation. Annoncé avec un trailer révélant un style visuel stylisé - une première pour l'univers habituellement réaliste d'Aloy - le jeu promet une expérience coopérative centrée sur la chasse aux machines, inspirée par Monster Hunter. Entre débats esthétiques, mécaniques inédites et questions sur la chronologie, ce projet hybride interroge : peut-on transposer l'âme d'Horizon Zero Dawn dans un format multijugateur free-to-play sans trahir son héritage ?
Sunggu Lee, producteur exécutif chez NCSoft, lève le voile sur les défis techniques (passage d'Unreal Engine 5 au Decima Engine abandonné), les inspirations gameplay (système de lock-on, raids à échelle réduite), et l'équilibre délicat entre fidélité à l'univers et innovations MMO - le tout dans une région inédite, les Deadlands, où les joueurs incarne des chasseurs de machines parallèlement à l'histoire d'Aloy.
A retenir :
- Un MMO Horizon sans PlayStation : Développé par NCSoft (Lineage) pour mobile/PC, le jeu exclut les consoles Sony malgré la licence - une décision stratégique qui surprend.
- Style visuel controversé : Abandon du réalisme d'Horizon Zero Dawn pour des personnages "stylisés mais pas cartoon", ciblant les marchés asiatiques tout en évitant les traits extrêmes.
- Gameplay hybride : Mélange de chasse coopérative (inspirée de Monster Hunter) et de système de guildes, avec des raids limités à 4-8 joueurs pour éviter le chaos.
- Nouvelle région, nouvelle menace : L'action se déroule dans les Deadlands (inspirées de l'Arizona), parallèlement à l'histoire d'Aloy, avec des machines inédites comme le Rockbreaker revisité.
- Collaboration tendue : Guerrilla Games supervise la cohérence de l'univers, tandis que NCSoft innove en combat tactique (lock-on, esquives) et en progression RPG - un mariage complexe entre deux cultures de développement.
Entre deux mondes : comment NCSoft et Guerrilla Games ont fusionné leurs ADN
L'annonce d'Horizon Steel Frontiers a créé un séisme dans la communauté des fans : un MMO mobile/PC développé par le coréen NCSoft (spécialiste des MMORPG comme Lineage ou Blade & Soul), en collaboration avec Guerrilla Games, mais excluant les consoles PlayStation - une première pour la licence. "Quand j'ai joué à Horizon Zero Dawn en 2017, j'ai été frappé par l'immersion de son monde solo. J'ai pensé : et si on pouvait l'explorer à plusieurs ?", confie Sunggu Lee, producteur exécutif chez NCSoft. Cette intuition a donné naissance à un projet hybride : un jeu free-to-play (modèle économique non confirmé) mêlant chasse coopérative, progression RPG, et expérience sociale - le tout dans une région inédite, les Deadlands, inspirées des déserts de l'Arizona et du Nouveau-Mexique.
La collaboration entre les deux studios relève du grand écart culturel. Guerrilla, basé aux Pays-Bas, impose un cadre strict pour préserver la cohérence de l'univers : validation des designs de machines, supervision des éléments narratifs, et respect des proportions réalistes (interdiction des "yeux surdimensionnés" ou des "mentons minuscules"). À l'inverse, NCSoft apporte son expertise en gameplay MMO : systèmes de guildes, raids à échelle réduite (4-8 joueurs max pour éviter la "dilution des rôles"), et mécaniques de lock-on adaptées au mobile. "Travailler avec Guerrilla est à la fois exigeant et stimulant. Ils nous poussent à innover tout en restant fidèles à l'ADN d'Horizon", explique Lee. Un équilibre délicat, illustré par le choix de l'Unreal Engine 5 (au lieu du Decima Engine de Guerrilla) pour concilier fidélité visuelle et performances multiplateformes.
Le choc des esthétiques : pourquoi les personnages d'Horizon Steel Frontiers divisent
Le trailer de révélation a immédiatement suscité des réactions mitigées : les personnages affichent un style "stylisé", loin du réalisme brut d'Horizon Zero Dawn (2017) ou de Forbidden West (2022). "Nous visons un équilibre entre réalisme et liberté créative", justifie Sunggu Lee. Concrètement, le système de création de personnage autorise des traits "plus doux" (visages "mignons" ou kawaii, populaires en Asie), mais exclut les exagérations cartoon (yeux démesurés, proportions déformées). Une décision qui s'explique par deux impératifs :
1. Cibler le marché mobile asiatique : NCSoft mise sur des designs accessibles pour séduire une audience habituée aux MMORPG comme Genshin Impact ou Black Desert Mobile. "En Corée, les joueurs préfèrent des avatars expressifs, presque 'idols'. Nous adaptons sans trahir l'univers", précise Lee.
2. Préserver l'immersion : Malgré cette ouverture, les machines (Slaughterspine, Thunderjaw) conservent leur design réaliste, et les environnements des Deadlands reproduisent la patine post-apocalyptique de la série. "Un personnage aux yeux géants face à un Rockbreaker menaçant briserait l'illusion. Nous évitons les contrastes trop marqués", souligne un développeur sous couvert d'anonymat.
Cette dualité reflète une tension créative plus large. Les fans occidentaux, attachés au réalisme d'Aloy, craignent une "disneyfication" de l'univers. À l'inverse, les joueurs asiatiques saluent cette ouverture esthétique. "C'est un pari risqué, mais nécessaire pour élargir l'audience", analyse Julien Chièze, journaliste spécialisé dans les jeux mobiles. "NCSoft mise sur l'équilibre : assez stylisé pour plaire aux mobiles, assez réaliste pour ne pas aliéner les puristes."
Chasse 2.0 : quand Monster Hunter rencontre l'écosystème d'Horizon
Le cœur de Steel Frontiers repose sur un gameplay de chasse coopérative, directement inspiré de Monster Hunter (Capcom) - une référence assumée par NCSoft. "Dès le début, nous avons vu dans Horizon un potentiel pour un 'Monster Hunter post-apo'", avoue Sunggu Lee. Mais contrairement à la série de Capcom, où le combat repose sur des patterns d'attaques précis et une préparation minutieuse, Steel Frontiers introduit trois innovations majeures :
1. Un système de lock-on dynamique : Sur mobile, les contrôles tactiles limitent la précision des tirs à distance (une mécanique centrale dans les jeux solo). NCSoft a donc repensé le combat autour du corps-à-corps et d'un verrouillage intelligent sur les points faibles des machines. "Sur PC, vous pouvez viser manuellement comme dans Forbidden West. Sur mobile, le lock-on compense les limites du touchscreen", détaille Lee.
2. Des raids à échelle humaine : Contrairement aux MMO traditionnels (comme World of Warcraft) où 20-40 joueurs s'affrontent, Steel Frontiers limite les groupes à 4-8 membres. "Au-delà, la coordination devient chaotique. Nous voulons que chaque joueur se sente essentiel", explique un game designer. Les machines comme le Slaughterspine (un serpent mécanique géant) ou le Thunderjaw nécessitent une stratégie d'équipe : un joueur distrait la bête, un autre cible ses plaques blindées, un troisième soigne.
3. Un écosystème réactif : Les machines des Deadlands adaptent leur comportement en fonction des groupes. Un Rockbreaker solitaire creusera des tunnels pour surprendre sa proie, tandis qu'en raid, il déclenchera des attaques de sable massives obligeant à une coordination parfaite. "Nous avons ajouté des mécaniques de 'terrorisme environnemental' - comme des tempêtes de poussière qui réduisent la visibilité", révèle un niveau designer.
Cette approche tactique s'éloigne du "bullet sponge" (ennemis éponge à dégâts) critiqué dans certains MMO. "Chaque combat doit raconter une histoire. Un Thunderjaw ne meurt pas en 10 minutes de DPS [dégâts par seconde] : il faut briser ses armes, éviter ses charges, et exploiter ses faiblesses élémentaires", insiste Lee. Une philosophie qui rappelle Dauntless (Epic Games), mais avec la profondeur narrative d'Horizon.
Deadlands : une frontière sauvage où l'histoire d'Aloy n'est qu'un écho lointain
Steel Frontiers se déroule dans les Deadlands, une région inédite située au sud des territoires explorés par Aloy. "Pendant qu'elle affronte HADES dans le Nord, les Deadlands font face à une menace différente : des machines corrompues par une nouvelle forme de Fléau", tease Sunggu Lee. Cette dichronie narrative permet à NCSoft de :
1. Créer un terrain de jeu vierge : Les Deadlands abritent des biomes uniques - canyons de grès, forêts pétifiées, et zones de radiation où les machines mutent. "Nous avons étudié la géologie de l'Arizona pour recréer des paysages crédibles, puis nous les avons 'horizonisés' avec des ruines Nora et des épaves de l'Ancien Monde", explique un artist environnemental.
2. Introduire de nouvelles factions : Contrairement aux tribus Nora ou Carja, les Deadlands sont peuplées de chasseurs nomades et de marchands itinérants. "Pas de guerres territoriales comme dans les MMO classiques. Ici, la survie prime : on coopère pour chasser, on rivalise pour les ressources rares", précise Lee. Les joueurs pourront rejoindre des guildes (appelées "Clans de Chasse"), mais sans système de PvP ouvert - une décision qui déçoit certains fans de conflits joueurs contre joueurs.
3. Lier subtilement l'histoire principale : Bien qu'Aloy n'apparaisse pas (du moins, pas encore), des indices narratifs relient les Deadlands à son aventure. "Les joueurs découvriront des enregistrements audio de Sylens, ou des ruines mentionnant le Projet Zero Dawn. Nous voulons que le monde se sente connecté, sans spoiler Forbidden West", révèle un scénariste.
Cette approche parallèle rappelle The Witcher: Monster Slayer (Spokko), qui étendait l'univers de Geralt sans interférer avec les jeux CD Projekt Red. Mais unlike ce titre, Steel Frontiers mise sur une immersion durable : "Les Deadlands évolueront avec les saisons. Une tempête de sable peut révéler une nouvelle zone, ou une machine légendaire peut émerger après un événement communautaire", promet Lee.
Le défi technique : porter l'âme d'Horizon sur mobile sans sacrifier l'ambition
Transposer l'univers d'Horizon - connu pour ses graphismes ultra-détaillés (foliage dynamique, effets de lumière avancés) - sur mobile relevait de la gageure. NCSoft a dû surmonter trois obstacles majeurs :
1. L'abandon du Decima Engine : Le moteur maison de Guerrilla, optimisé pour les consoles, était incompatible avec les contraintes mobiles. "Unreal Engine 5 nous a permis de scaler les graphismes selon la plateforme. Sur PC, vous aurez des ombres en ray tracing ; sur mobile, des effets simplifiés mais cohérents", explique un ingénieur. Les assets 3D (modèles de machines, textures) ont été reconstruits pour réduire leur poids sans perdre en qualité.
2. L'optimisation des combats : Sur mobile, les contrôles tactiles limitent la précision. NCSoft a donc :
- Remplacé le système de ralentissement temporel (emblématique de la série) par un lock-on contextuel.
- Ajouté des indicateurs visuels (flèches, cercles) pour guider les esquives.
- Automatisé certaines actions (comme le ramassage de loot) pour fluidifier l'expérience.
"Notre objectif : que le combat reste tactique, même sur écran tactile", résume un game designer.
3. La synchronisation multiplateforme : Les joueurs mobile et PC partageront les mêmes serveurs, une première pour un jeu Horizon. "Un chasseur sur smartphone peut rejoindre un raid lancé par un joueur PC. Les mécaniques s'adaptent : sur mobile, les attaques sont plus simples, mais tout aussi efficaces", assure Lee. Cette approche rappelle Diablo Immortal (Blizzard), mais avec une ambition narrative bien supérieure.
Malgré ces innovations, des compromis ont été nécessaires. Les cutscenes cinématiques (une signature de Guerrilla) seront moins nombreuses, remplacées par des dialogues in-game et des quêtes dynamiques. "Nous perdons en spectacle, mais nous gagnons en interactivité", conclut Lee.
L'équation économique : free-to-play, guildes et microtransactions - le modèle qui fera (ou brisera) Steel Frontiers
NCSoft n'a pas encore officiellement confirmé le modèle économique de Steel Frontiers, mais les indices pointent vers un free-to-play avec microtransactions - un choix risqué pour une licence premium comme Horizon. Plusieurs éléments laissent présager cette direction :
1. L'héritage de NCSoft : Le studio coréen a bâti sa réputation sur des MMO free-to-play (Lineage M, Blade & Soul Revolution), où les revenus proviennent des cosmétiques, des pass de combat, et des boosts d'expérience. "Attendez-vous à des skins de machines légendaires ou des tenues inspirées des tribus Nora", prédit un analyste du secteur.
2. Les mécaniques de progression : Le jeu mise sur un système de guildes (Clans de Chasse) et de raids coopératifs, deux piliers des MMO monétisés. "Les joueurs pourront probablement acheter des 'contrats de chasse' pour débloquer des quêtes rares, ou des 'kits de réparation' pour leurs machines", spécule Thomas Veilleux, expert en économie des jeux vidéo.
3. Le precedent de Sony : La firme japonaise a récemment expérimenté le free-to-play avec Gran Turismo 7 (mode GT World) et The Last of Us Online (annulé). Steel Frontiers pourrait servir de test grandeur nature pour évaluer l'appétence des joueurs pour un Horizon service-based.
Cependant, ce modèle soulève des craintes :
- L'équilibre pay-to-win : "Si NCSoft vend des armes ou des armures supérieures, cela ruinera l'équité des raids", s'inquiète un modérateur de la communauté Horizon sur Reddit.
- La fragmentation de l'audience : Les joueurs console, habitués à des expériences premium (60-70€), pourraient bouder un jeu mobile perçu comme "low-cost".
"Le succès dépendra de la transparence", estime Julien Chièze. "Si NCSoft communique clairement sur ce qui est cosmétique vs. ce qui affecte le gameplay, et si le contenu free est généreux, les joueurs suivront. Sinon, ce sera un nouveau 'Diablo Immortal' - un jeu techniquement impressionnant, mais rejeté pour son modèle."
Horizon Steel Frontiers incarne un pari audacieux : transposer une licence single-player acclamée pour son réalisme et sa narrative profonde dans l'univers impitoyable des MMO mobiles. Entre les défis techniques (Unreal Engine 5 vs. Decima), les compromis esthétiques (stylisation controversée), et les risques économiques (free-to-play dans un écosystème premium), le jeu de NCSoft navigue en eaux troubles. Pourtant, son approche hybride - mêlant chasse tactique, coopération sociale, et exploration narrative - pourrait bien redéfinir les attentes pour les MMO sur mobile.
Deux éléments seront déterminants pour son succès :
1. La réception par les fans "historiques" : Les joueurs attachés à Aloy accepteront-ils un Horizon où leur héroïne est absente, où les combats se jouent à plusieurs, et où l'esthétique s'éloigne du réalisme ? "Tout dépendra de la qualité des liens narratifs avec les jeux principaux. Si les Deadlands se sentent comme une extension naturelle de l'univers, les puristes suivront", analyse Julien Chièze.
2. L'équilibre entre mobile et PC : NCSoft promet une "expérience unifiée", mais les différences de gameplay (contrôles, profondeur stratégique) pourraient créer une fracture communautaire. "Les joueurs PC risquent de dominer les classements, décourageant les mobiles. À moins que NCSoft ne trouve un système de matchmaking intelligent", note un développeur anonyme.
Une chose est sûre : Steel Frontiers ne laissera personne indifférent. Qu'il devienne un modèle de MMO narratif ou un cautionnement raté de la licence, son impact sur l'industrie sera scruté de près. Comme le résume Sunggu Lee : "Nous ne voulons pas remplacer les jeux Horizon existants. Nous voulons offrir une nouvelle façon de vivre ce monde - une aventure où chaque joueur devient le héros de sa propre légende." Reste à voir si les Deadlands sauront séduire... ou devenir le désert que leur nom promet.

