Il y a 15 jours
Horizon Zero Dawn et Ghost of Tsushima : Pourquoi Sony Résiste aux Portages Xbox (et si C’était une Erreur ?)
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Une fausse alerte qui en dit long : Sony et ses exclusivités face à l’ère du multiplateforme
Quand Horizon Zero Dawn a brièvement atterri sur le Microsoft Store allemand, les joueurs Xbox ont cru à un miracle. Erreur d’indexation, bien sûr – mais cette anecdote révèle un débat bien plus profond. Alors que Microsoft ouvre grand ses exclusivités (*Forza Horizon 5* sur PS5, *Sea of Thieves* sur Nintendo Switch), Sony campe sur ses positions. Horizon Zero Dawn, Ghost of Tsushima et autres joyaux PlayStation restent verrouillés, malgré les succès multiplateformes comme *Helldivers 2*. Pourquoi cette résistance ? Et si, finalement, Sony avait tort – ou raison ?A retenir :
- Horizon Zero Dawn a été listé par erreur sur le Microsoft Store allemand, relançant les spéculations sur un portage Xbox – avant un démenti rapide.
- Contrairement à Microsoft, qui exporte ses exclusivités (*Gears 5*, *Forza Horizon 5*), Sony maintient Horizon Zero Dawn et Ghost of Tsushima en exclusivité stricte.
- MLB The Show (2021) est l’unique exception multiplateforme de Sony, imposée par des accords avec la Major League Baseball – preuve que l’exclusivité reste la règle.
- Le succès de *Helldivers 2* (PC/PS5) montre que le multiplateforme peut doper les ventes, mais Sony refuse d’étendre cette logique à ses licences phares.
- L’erreur du Microsoft Store rappelle une réalité : malgré les rumeurs, Horizon Zero Dawn et Ghost of Tsushima restent 100 % PlayStation… pour l’instant.
L’illusion d’un portage : quand un bug relance le débat
Tout a commencé par un clic anodin. Le 12 octobre 2023, des joueurs allemands découvrent Horizon Zero Dawn sur le Microsoft Store, avec une fiche produit complète et un prix affiché. Les réseaux sociaux s’embrasent : Sony aurait-elle enfin cédé à la tentation du multiplateforme ? Las, la désillusion fut rapide. Contactés par Eurogamer, des représentants de Microsoft et Sony ont confirmé une erreur d’indexation, similaire à celle qui avait affecté des titres Nintendo en 2022. Un bug algorithmique, donc, mais qui a suffi à raviver une question lancinante : pourquoi Sony refuse-t-elle d’exporter ses exclusivités, là où Microsoft le fait sans complexe ?
Ce n’est pas la première fois qu’un tel incident se produit. En 2021, *The Legend of Zelda: Breath of the Wild* était apparu sur le PlayStation Store russe, déclenchant les mêmes spéculations. À chaque fois, la réponse est la même : une fausse alerte, mais qui révèle l’appétit des joueurs pour des titres autrefois inaccessibles. Dans le cas d’Horizon Zero Dawn, le jeu de Guerrilla Games – sorti en 2017 et déjà porté sur PC en 2020 – semblait un candidat idéal pour un saut sur Xbox. Après tout, si *Final Fantasy VII Remake* ou *Nier Replicant* ont franchi le pas, pourquoi pas Aloy ?
La réponse tient en un mot : stratégie. Et celle de Sony, contrairement à Microsoft, reste ancrée dans l’exclusivité comme argument commercial. Un choix qui divise, d’autant que le marché évolue. Avec le Game Pass et les abonnements, les joueurs attendent une accessibilité accrue – pas des murs entre plateformes.
Microsoft vs. Sony : deux philosophies aux résultats contrastés
La comparaison est cruelle pour Sony. Alors que Microsoft multiplie les ouvertures – *Forza Horizon 5* sur PS5, *Hi-Fi Rush* sur Nintendo Switch, *Sea of Thieves* partout –, PlayStation maintient ses licences sous clé. Prenez *Helldivers 2* : sorti en février 2024 sur PS5 et PC, le jeu de Arrowhead a explosé les records de vente (plus de 8 millions d’exemplaires en trois mois), prouvant que le multiplateforme peut être un accélérateur de succès. Pourtant, Sony n’a pas étendu cette logique à Horizon Zero Dawn ou Ghost of Tsushima.
Pourquoi cette différence ? Microsoft mise sur l’écosystème : plus de joueurs = plus d’abonnés au Game Pass = plus de revenus sur le long terme. Sony, elle, privilégie encore l’exclusivité comme levier de vente de consoles. Une approche risquée à l’ère du cloud gaming et des abonnements, où les joueurs veulent jouer où ils veulent, quand ils veulent. Comme le souligne l’analyste Piers Harding-Rolls (Ampere Analysis) : *« Sony a construit son succès sur des exclusivités fortes, mais le marché change. La question n’est plus ‘si’ ils ouvriront leurs licences, mais ‘quand’.* »
Un exemple frappant : *Gears of War: Reloaded*, annoncé sur PS5 en 2025. Impensable il y a cinq ans, ce portage montre que Microsoft est prêt à sacrifier l’exclusivité pour élargir son audience. Sony, elle, reste silencieuse. Même *The Last of Us Part I*, sorti sur PC en 2023, n’a jamais été évoqué pour une version Xbox. Le message est clair : PlayStation d’abord, le reste… peut-être jamais.
MLB The Show : l’exception qui confirme la règle (et ses limites)
Il existe pourtant une brebis galeuse dans le troupeau Sony : MLB The Show. Depuis 2021, la licence de baseball est disponible sur Xbox Series X|S et Nintendo Switch, brisant le dogme de l’exclusivité. Mais attention : ce n’est pas un choix stratégique, plutôt une obligation contractuelle. La Major League Baseball (MLB) exige en effet que son jeu officiel soit accessible au plus grand nombre – une clause que Sony a dû accepter pour conserver la licence.
Résultat ? Un portage technique, sans âme. *MLB The Show 23* sur Xbox tourne moins bien que sur PS5, avec des temps de chargement plus longs et des graphismes en retrait. Preuve que Sony n’a pas mis les moyens. Comme le note le site Digital Foundry : *« C’est jouable, mais on sent que ce n’est pas une priorité pour Sony. »* Un aveu implicite : l’exclusivité reste la norme, et les exceptions se font à contrecœur.
D’ailleurs, même dans ce cas, Sony a tenté de limiter les dégâts. Le jeu n’est pas sorti sur PC, et les mises à jour sont souvent retardées sur Xbox. Une façon de rappeler qui décide – et qui paie.
Le cas Helldivers 2 : et si Sony avait tort ?
Sorti en février 2024, *Helldivers 2* est devenu en quelques semaines l’argument massif en faveur du multiplateforme. Développé par Arrowhead (un studio suédois racheté par Sony en 2021), le jeu a cartonné sur PS5 grâce à sa version PC – qui représente plus de 60 % des ventes, selon les estimations de Niko Partners. Un succès qui prouve qu’une exclusivité PlayStation peut dominer les charts sans être verrouillée.
Pourtant, Sony n’a pas tiré les leçons qui s’imposent. Horizon Zero Dawn, God of War (2018) et Ghost of Tsushima restent cantonnés à PlayStation et PC – ce dernier après des années d’attente. Pire : des rumeurs persistantes évoquent des retards volontaires pour les portages PC de *Spider-Man 2* ou *The Last of Us Part II*, par crainte de cannibaliser les ventes PS5. Une stratégie à courte vue, selon l’éditeur Devolver Digital : *« Les joueurs PC sont une audience différente. Les ignorer, c’est laisser de l’argent sur la table. »*
Le pire ? Certains titres Sony se vendraient mieux en multiplateforme. *Ghost of Tsushima*, par exemple, a écoulé 8 millions d’exemplaires sur PS4/PS5 – un chiffre impressionnant, mais qui pâlit face aux 30 millions de *Elden Ring* (FromSoftware), disponible partout. Même *Horizon Zero Dawn*, malgré son portage PC en 2020, reste absent des consoles concurrentes. Une occasion manquée, alors que le jeu approche de ses 7 ans.
Derrière les murs de Sony : une peur du déclin ?
Pour comprendre cette résistance, il faut remonter à 2013. Cette année-là, Sony, au bord de la faillite, mise tout sur la PS4 et ses exclusivités (*The Last of Us*, *Uncharted 4*, *Bloodborne*). La stratégie paie : la console écrase la Xbox One, et PlayStation redevient le leader du marché. Depuis, Sony a institutionnalisé l’exclusivité comme ADN de sa marque.
Mais aujourd’hui, les signes de faiblesse s’accumulent. La PS5 se vend moins bien que prévu (32 millions d’unités en 2023, contre 38 pour la PS4 au même stade). Les studios internes peinent à tenir les délais (*Spider-Man 2* repoussé, *Factions* annulé). Et surtout, les joueurs réclament plus de flexibilité. Comme l’explique un développeur anonyme chez Naughty Dog : *« On nous répète que l’exclusivité est sacrée, mais personne ne nous explique pourquoi on refuse des millions de ventes potentielles. »*
Pire : cette rigidité alimente la piraterie. *God of War (2018)* et *The Last of Us Part II* figurent parmi les jeux les plus téléchargés illégalement sur PC… parce qu’ils mettent des années à sortir officiellement. Une ironie cruelle pour Sony, qui dépense des millions en DRM et protection anti-piratage, tout en créant elle-même la demande.
Et si tout cela était une question de temps ?
Alors, Sony cédera-t-elle un jour ? Les indices sont minces, mais pas nuls. En 2023, Jim Ryan (alors PDG de Sony Interactive Entertainment) a déclaré à GamesIndustry.biz : *« Nous évaluons nos stratégies en permanence. Rien n’est gravé dans le marbre. »* Une ouverture prudente, mais une ouverture tout de même.
Certains observateurs parient sur un changement de génération. La future PS6 (prévue vers 2028) pourrait marquer un tournant, avec des jeux conçus dès le départ pour être multiplateformes – à l’image de *Final Fantasy XVI* (Square Enix), sorti simultanément sur PS5 et PC. D’autres évoquent un rachat surprise : et si Microsoft proposait à Sony un partenariat pour porter *Ghost of Tsushima* sur Xbox, en échange de l’arrivée de *Halo* sur PlayStation ? Un scénario fou… mais plus si improbable dans un marché où les alliances se multiplient (voir le partenariat Sony-Epic pour *Fortnite*).
En attendant, une chose est sûre : l’erreur du Microsoft Store n’était pas qu’un bug. C’était un miroir tendu à Sony, reflétant les attentes d’une industrie en mutation. Et si la vraie question n’était pas « Pourquoi Sony refuse-t-elle ? », mais « Combien de temps pourra-t-elle encore résister ? »