Licenciements chez Rockstar : la vérité sur les 34 départs et leurs conséquences sur

Discord, Slack et un e-mail fatal : l’enchaînement qui a tout déclenché

Imaginez : vous rentrez chez vous après une longue journée de travail sur GTA 6, et en vérifiant vos messages, vous tombez sur une annonce interne supprimant vos canaux Slack préférés – ceux où vous parliez de vos animaux, de vos passions, ou simplement où vous décompressiez. C’est exactement ce qui est arrivé à des dizaines d’employés de Rockstar en avril 2024. Mais cette fois, la réaction a été bien plus violente qu’un simple mécontentement.

Selon les révélations d’un insider relayées par People Make Games, 34 employés ont été licenciés pour « faute grave » après avoir partagé, sur un serveur Discord lié au syndicat Independent Workers’ Union of Great Britain (IWGB), un e-mail interne annonçant la refonte des espaces Slack. Le problème ? Ce document était normalement accessible uniquement depuis les locaux de l’entreprise. Posté en fin de journée par des collègues souhaitant informer ceux en télétravail, ce geste anodin a été interprété comme une violation majeure par la direction.

Pourtant, comme le souligne Alex Marshall, président de l’IWGB, « aucune règle écrite n’a été enfreinte ». Les échanges sur Discord portaient avant tout sur les conditions de travail, sans divulgation de données sensibles sur GTA 6 ou d’autres projets. La vraie pomme de discorde ? La suppression brutale des canaux Slack dédiés aux loisirs, perçue comme une atteinte à l’équilibre vie pro-vie perso. « C’était notre espace à nous, un moyen de souffler entre deux sessions de debug », confie un employé sous couvert d’anonymat. Rockstar, contacté à plusieurs reprises, est resté muet.

Cette décision rappelle étrangement les méthodes de Ubisoft ou Activision Blizzard, où les espaces informels avaient été progressivement réduits au nom de la productivité. Mais là où ces studios avaient tenté une approche progressive, Rockstar a agi sans concertation, créant un électrochoc dans les équipes.

GTA 6 dans la tourmente : quand le climat social menace le calendrier

Les conséquences de cette crise dépassent largement le cadre des licenciements. Selon des sources internes, le développement de GTA 6 – dont la sortie est prévue pour mars 2026 – pourrait bien en pâtir. Un rapport confidentiel évoque même un risque de report, une hypothèse que les employés ne prennent plus à la légère.

« L’ambiance est électrique », confie un développeur. « On a l’impression de marcher sur des œufs. Hier, on rigolait sur Slack ; aujourd’hui, on se demande si un message anodin ne va pas nous coûter notre job. » Cette culture de la peur n’est pas sans rappeler les dérives du développement de Red Dead Redemption 2, où les heures supplémentaires forcées avaient conduit à un burn-out collectif. Pire : certains comparent la situation actuelle à celle de CD Projekt Red avant le désastreux lancement de Cyberpunk 2077, où les conflits internes avaient précédé des retards en cascade.

Avec un budget pharaonique de 2 milliards de dollars – un record absolu pour l’industrie –, Rockstar n’a pas droit à l’erreur. Pourtant, les signes s’accumulent : des délais serrés, une pression accrue sur les équipes, et maintenant, une méfiance généralisée. « On nous demande de créer le jeu du siècle, mais dans quelles conditions ? », s’interroge un artiste 3D. Les observateurs notent que Take-Two Interactive (maison mère de Rockstar) a toujours privilégié la rentabilité à la qualité de vie – une stratégie qui, cette fois, pourrait se retourner contre elle.

"On nous a volé notre souffle" : le témoignage des employés

Pour comprendre l’ampleur du malaise, il faut remonter à 2018, lors du développement de Red Dead Redemption 2. À l’époque, les équipes avaient dénoncé des semaines de 100 heures, des week-ends sacrifiés, et une direction sourde aux alertes. Résultat : un jeu acclamé par la critique, mais un coût humain exorbitant. « On nous avait promis que ça changerait », soupire un vétéran du studio. « Pourtant, aujourd’hui, c’est pire. Au moins avant, on pouvait décompresser entre nous. Maintenant, même ça, on nous l’enlève. »

La suppression des canaux Slack n’est pas un détail anecdotique. Pour beaucoup, c’était le dernier rempart contre le stress. « On parlait de nos chiens, de nos parties de D&D, de nos voyages… C’était notre soupape de sécurité », explique une développeuse. « Maintenant, on a l’impression d’être des robots. » Certains évoquent même des cas de dépression depuis l’annonce des licenciements.

Le paradoxe Rockstar : d’un côté, le studio se targue de créer des mondes ouverts ultra-détaillés, où chaque NPC a une vie propre. De l’autre, il traite ses employés comme des pions interchangeables. « Ils veulent que GTA 6 soit réaliste, mais ils oublient que derrière les lignes de code, il y a des êtres humains », lance un ancien employé sous le coup de la colère.

2 milliards de dollars et un pari risqué : Rockstar peut-il éviter le désastre ?

Avec un budget deux fois supérieur à celui d’Avatar (1 milliard) ou de Star Wars : The Force Awakens (245 millions), GTA 6 est bien plus qu’un jeu : c’est un phénomène culturel en devenir. Mais à quel prix ? Les dérives managériales de Rockstar ne datent pas d’hier. En 2010, les employés avaient déjà dénoncé des conditions de travail abusives lors du développement de GTA V. Treize ans plus tard, rien n’a changé – sinon en pire.

Pourtant, des alternatives existent. Naughty Dog, après les critiques sur The Last of Us Part II, a revu sa copie en instaurant des plages horaires fixes et en limitant le crunch. Valves, de son côté, mise sur une culture horizontale où les employés ont une réelle autonomie. « Rockstar pourrait s’inspirer de ces modèles, mais pour ça, il faudrait que la direction accepte de lâcher du lest », analyse un expert du secteur.

Le vrai danger ? Que GTA 6 devienne la victime collatérale de ces tensions. Un report serait un coup dur pour les fans, mais aussi pour Take-Two, dont l’action a déjà chuté de 5% depuis les révélations. « Si le jeu sort à temps mais dans un état bâclé, ce sera pire qu’un délai », prévient un analyste financier. Rockstar se retrouve donc face à un dilemme : maintenir le cap coûte que coûte, ou ralentir pour préserver ses équipes – et in fine, la qualité du jeu.

Une chose est sûre : les joueurs, eux, ne pardonneront pas un GTA 6 à la hauteur des attentes s’il est synonyme de souffrance humaine. Dans un secteur où les scandales se multiplient (Activision Blizzard, Ubisoft, CD Projekt Red), Rockstar a encore une chance de devenir un exemple – en bien comme en mal.