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**Living the Dream** : quand George Gendi (BAFTA) réinvente la satire sociale sur Netflix
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**Un créateur primé se lance dans l’animation adulte**
Après le succès critique de Manzana y Cebolleta (Cartoon Network), George Gendi, nominé aux BAFTA, signe Living the Dream, une série Netflix aussi mordante que décalée. Produite par le légendaire studio Hanna-Barbera, cette satire sociale suit deux Londoniens paumés dans une entreprise douteuse, Ecofood. Entre humour noir et autodérision, la série promet de bousculer les codes, comme Big Mouth ou BoJack Horseman avant elle.A retenir :
- George Gendi (BAFTA) quitte Cartoon Network pour Netflix avec une série adulte et cynique, loin de l’univers coloré de Manzana y Cebolleta.
- Un duo d’anti-héros désabusés, Des et Ray, coincés dans Ecofood, une entreprise aux valeurs aussi floues que son business model.
- Un casting vocal explosif : Ambika Mod, Javone Prince et Julia Davis pour un humour britannique acide.
- Hanna-Barbera (Scooby-Doo, Les Pierrafeu) produit son premier projet 100% adulte, dans la lignée des audaces de Netflix.
- 8 épisodes courts et percutants, entre satire sociale et absurdité bureaucratique, à mi-chemin entre Love, Death & Robots et The Office.
**De Cartoon Network à Netflix : le virage adulte de George Gendi**
Quand Manzana y Cebolleta s’est éteint prématurément sur Cartoon Network en 2019, les fans de George Gendi ont cru perdre l’un des esprits les plus originaux de l’animation contemporaine. Trois ans plus tard, le créateur – nominé aux BAFTA pour cette même série – revient avec un projet radicalement différent : Living the Dream, une comédie noire exclusive à Netflix, annoncée en grande pompe lors du Festival d’Animation de Manchester. Exit les fruits anthropomorphes et l’humour enfantin : place à une satire sociale acerbe, où deux trentenaires londoniens se débattent dans un monde professionnel aussi absurde que leur propre existence.
Le contraste est frappant. Là où Manzana y Cebolleta jouait la carte du burlesque coloré, Living the Dream plonge dans un réalisme grinçant, teinté d’humour britannique et de désillusion générationnelle. "Je voulais explorer ce que signifie 'réussir' quand on vous a vendu un rêve inaccessible", confie Gendi dans une interview à Variety. Un ton qui rappelle étrangement BoJack Horseman, mais transposé dans les open-spaces grisâtres de Londres plutôt que dans le Hollywood cynique.
**Ecofood : le miroir déformant de nos vies professionnelles**
Au cœur de la série, Ecofood, une entreprise aux contours flous qui se targue de "révolutionner l’alimentation durable" tout en exploitant ses employés avec une hypocrisie assumée. Nos deux protagonistes, Des (Ambika Mod, vue dans This Time with Alan Partridge) et Ray (Javone Prince, star de The Javone Prince Show), y gèrent les réseaux sociaux avec autant d’enthousiasme qu’un poisson rouge en train de nager contre le courant. Leur quotidien ? Une succession de réunions inutiles, de directives ubuesques en provenance du siège de Los Angeles, et de tentatives désespérées pour donner un sens à leur travail.
L’entreprise, décrite par Gendi comme "un mélange entre une startup tech et une secte", sert de toile de fond à une critique féroce du capitalisme moderne et de la quête de sens au travail. "On a tous eu un boulot où on se demandait : *Mais PUTAIN, à quoi je sers ?*", lance le créateur. Le résultat ? Une série qui oscille entre tragédie existentielle et comédie absurde, avec des pointes de romance de bureau aussi maladroites que touchantes. Julia Davis (Hunderby), en guest star, incarne une manager aussi charismatique que terrifiante – un rôle taillé sur mesure pour son talent à jouer les personnages "sympathiquement insupportables".
"Living the Dream, c’est un peu comme regarder votre pire journée de taf… mais en pire, et en dessin animé." — Javone Prince, voix de Ray, lors d’une avant-première à Londres.
**Hanna-Barbera entre dans l’ère adulte : un pari risqué pour Netflix**
La production de la série par Hanna-Barbera – le studio derrière Scooby-Doo et Les Pierrafeu – marque un tournant historique. Pour la première fois, le géant de l’animation, connu pour ses classiques familiaux, s’aventure dans un territoire résolument adulte. "Quand Netflix nous a approchés, ils voulaient quelque chose de dérangeant, de brut. Pas juste 'drôle', mais 'drôle et gênant'", explique Sam Register, président de Warner Bros. Animation.
Ce virage s’inscrit dans la stratégie de Netflix, qui mise de plus en plus sur des contenus courts, percutants et borderline. Avec ses 8 épisodes de 25 minutes, Living the Dream rejoint des séries comme Love, Death & Robots ou Big Mouth, où l’audace prime sur la durée. Mais là où Big Mouth explore l’adolescence avec un humour scatologique, Gendi préfère disséquer l’échec adulte avec une ironie mordante. "Si vivre le rêve, c’est se faire rejeter dix fois son communiqué de presse parce que Netflix veut toujours plus osé, alors j’ai réussi", déclare-t-il, mi-amusé, mi-exaspéré.
Le saviez-vous ? Le titre Living the Dream est une expression britannique sarcastique, souvent utilisée pour décrire une situation misérable… tout en faisant semblant d’être heureux. Un clin d’œil parfait à l’esprit de la série.
**Entre BoJack et The Office : une recette explosive ?**
Comparer Living the Dream à d’autres séries n’est pas simple, tant son ton est hybride. On y retrouve :
- L’absurdité bureaucratique de The Office (version UK), avec des personnages coincés dans un système qu’ils méprisent mais dont ils dépendent.
- Le cynisme de BoJack Horseman, où l’humour noir cache une mélancolie profonde.
- Le rythme effréné de Love, Death & Robots, avec des épisodes qui vont droit au but.
- L’autodérision britannique d’un Peep Show, où chaque réplique est une flèche empoisonnée envers la société.
Pourtant, la série se distingue par son ancrage londonien. "Ce n’est pas une satire américaine transposée, mais une plongée dans le British way of failing", souligne Ambika Mod. Entre les références à la gentrification, aux pub quizzes désastreux et aux parents qui vous rappellent que votre cousin "a une vraie carrière, lui", Living the Dream sent le vécu.
"C’est la première fois qu’une série d’animation capture aussi bien l’angoisse de la trentaine : tu n’es plus jeune et excitant, mais pas encore vieux et respectable. Juste… coincé." — The Guardian, après une projection presse.
**Derrière les rires : la genèse d’un projet "trop personnel"**
L’idée de Living the Dream est née d’un burn-out. En 2020, après l’annulation de Manzana y Cebolleta, George Gendi traverse une période noire. "Je me suis retrouvé à 35 ans, sans projet, avec l’impression d’avoir gaspillé ma vie", avoue-t-il. C’est en écrivant des tweets cyniques sur son ancien boulot chez Cartoon Network que l’étincelle se produit. "Les gens riaient, mais en privé, des dizaines de mecs dans l’animation m’écrivaient : *Putain, c’est EXACTEMENT ma vie*."
Le scénario initial, bien plus sombre, a été adouci par Netflix. "Ils voulaient garder l’humour, mais sans que ce soit trop déprimant. J’ai dû ajouter des gags avec des avocats pourris et des réunions Zoom catastrophiques pour équilibrer", raconte Gendi. Résultat : une série qui oscille entre désespoir hilarant et espoir timide, comme quand Des et Ray tentent (sans succès) de lancer un podcast sur… les échecs professionnels.
Un détail surprenant ? Le design des personnages a été inspiré par les mèmes LinkedIn. "Ces photos de mecs en costume qui sourient devant un fond blanc en disant *#Blessed*… J’ai voulu que Des et Ray aient cette même énergie : faux-sourire, vrai désarroi", explique Lotte Reiniger, directrice artistique.
Living the Dream arrive sur Netflix à un moment où les séries animées pour adultes explosent, mais peu osent mêler satire sociale, humour noir et réalisme cru avec autant d’audace. Entre les dialogues cinglants de Julia Davis et les situations absurdes d’Ecofood, la série a tout pour devenir culte… ou pour diviser. Une chose est sûre : George Gendi a transformé son propre échec en une œuvre qui parle à tous ceux qui ont déjà eu l’impression de "vivre le rêve"… les yeux grands ouverts.
À surveiller : la bande-originale, signée Dan Mangan (nommé aux Grammy), qui mélange Britpop des années 90 et électro dépressive. Parce que même dans la dystopie, il faut une BO pour pleurer en rythme.

