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Megabonk : le créateur retire son jeu des Game Awards 2025 après une polémique sur la catégorie "Meilleur Début Indie"
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Le développeur de Megabonk se retire des Game Awards 2025 après avoir estimé que son jeu ne méritait pas la nomination dans la catégorie "Meilleur Début Indie". Une décision qui relance le débat sur les critères d'éligibilité des récompenses, alors que le créateur Vedinad, bien qu'opérant sous un nouveau pseudonyme, n'est pas un novice dans l'industrie. Entre transparence et confusion, cette affaire met en lumière les ambiguïtés des définitions utilisées par l'événement le plus médiatisé du jeu vidéo.
A retenir :
- Retrait surprise : Vedinad, créateur de Megabonk, retire son jeu des Game Awards 2025, jugeant sa nomination dans la catégorie "Meilleur Début Indie" injustifiée.
- Un développeur expérimenté : Sous son vrai nom ou d'autres pseudonymes, Vedinad a déjà travaillé sur des projets antérieurs, remettant en cause la définition d'un "début".
- Réaction de Geoff Keighley : Le organisateur des TGA a salué son "honnêteté" et confirmé le retrait, tout en soulignant que le jeu restait "exceptionnel".
- Précédents controversés : En 2023, Dave the Diver (développé par une filiale de Nexon) était nominé comme "indie", et Sifu concourait dans la catégorie "Meilleur Jeu de Combat" malgré son genre beat'em up.
- Question centrale : Faut-il repenser les critères des Game Awards ? Entre studios "indés" financés par des géants et développeurs solitaires aux parcours variés, les lignes s'estompent.
Un coup de théâtre aux Game Awards : quand l'honnêteté éclipse la compétition
La scène était plantée : les Game Awards 2025 s'apprêtaient à célébrer, comme chaque année, les meilleurs titres de l'industrie. Parmi les nominés, Megabonk, un jeu au style rétro et au gameplay nerveux, figurait dans la catégorie "Meilleur Début Indie". Pourtant, le 12 novembre 2025, un tweet posté depuis le compte officiel du jeu a tout changé. Vedinad, son créateur, annonçait son retrait de la compétition, arguant que sa présence dans cette catégorie était "incorrecte". Une décision rare, qui a immédiatement suscité des réactions dans la communauté et relancé un débat récurrent : qu'est-ce qu'un "début" dans le jeu vidéo ?
Dans son message, Vedinad explique sans détour : "J'ai déjà créé des jeux sous d'autres noms de studio. Megabonk n'est donc pas mon premier projet." Une précision qui peut sembler anodine, mais qui soulève une question fondamentale sur l'identité des développeurs indépendants. Contrairement à des studios comme AdHoc (à l'origine de Dispatch, également nominé), composé d'anciens employés d'Ubisoft et de Telltale, Vedinad opère seul, ou presque. Son équipe se limite à quelques collaborateurs ponctuels : Miguel Angel pour la bande-son, Giovanni Fim pour les visuels Steam, et une poignée de testeurs. Une structure minimaliste qui le rapproche davantage de l'archétype du one-man studio que de nombreux autres nominés.
La réaction de Geoff Keighley, organisateur des Game Awards, n'a pas tardé. Dans un message publié sur X (ex-Twitter), il a remercié Vedinad pour sa "transparence" et confirmé le retrait de Megabonk, tout en insistant sur la qualité du jeu : "Nous respectons sa décision de ne pas priver d'autres équipes débutantes de reconnaissance, même si Megabonk est un titre remarquable." Une réponse mesurée, qui contraste avec les polémiques passées, comme celle entourant Dave the Diver en 2023. Ce dernier, développé par MintRocket (une filiale de Nexon), avait été nominé dans la catégorie "indie", provoquant l'incompréhension de nombreux observateurs. Keighley avait alors justifié ce choix en évoquant la "subjectivité" du terme, une position qui avait laissé dubitatifs plus d'un.
Développeur solo vs. studio indépendant : où tracer la limite ?
La catégorie "Meilleur Début Indie" des Game Awards est censée récompenser "le meilleur jeu créé par un nouveau studio indépendant". Une définition qui, sur le papier, semble claire. Pourtant, dans les faits, elle se heurte à une réalité bien plus complexe. Prenons l'exemple de Cocoon, lauréat en 2023. Développé par Geometric Interactive, le studio était composé d'anciens membres de Playdead (créateurs de Limbo et Inside). Si l'on suit une logique stricte, pouvait-on vraiment parler de "début" ? La question se pose avec d'autant plus d'acuité que l'industrie regorge de cas similaires.
Vedinad, lui, assume un parcours hybride. Bien qu'il ait travaillé sur des projets antérieurs, Megabonk marque une rupture avec ses créations passées, tant sur le plan artistique que technique. Le jeu, un mélange de platformer et de shooter rétro, a été salué pour son game design innovant et son pixel art soigné. Pourtant, comme le souligne un développeur anonyme interrogé par GameDeveloper, "dans notre milieu, presque personne ne sort son premier jeu des Game Awards. La plupart des titres nominés sont le fruit d'années d'expérience, même si c'est sous un nouveau label." Une réalité qui invite à repenser les critères d'éligibilité.
Pour Lena Raine, compositrice primée (notamment pour Celeste), la problématique dépasse le cadre des Game Awards : "L'industrie a tendance à romantiser la figure du développeur solo ou du petit studio, mais la vérité, c'est que la plupart des 'débuts' sont en réalité des aboutissements. Vedinad a eu le courage de le reconnaître." Une analyse qui trouve écho dans les propos de Rami Ismail, consultant en développement indie, pour qui "les catégories devraient refléter la diversité des parcours, pas une illusion de virginité créative."
Techniquement, Megabonk se distingue par son moteur maison, optimisé pour des performances fluides même sur des configurations modestes. Le jeu tourne en 60 FPS sur la plupart des PC, avec une prise en charge native des manettes. Un exploit pour un projet aussi ambitieux, réalisé avec un budget estimé à moins de 50 000 dollars. À titre de comparaison, Clair Obscur: Expedition 33, autre nominé, a bénéficié d'un financement participatif dépassant les 200 000 euros, sans compter les subventions publiques obtenues par son studio français.
Les Game Awards à l'épreuve des ambiguïtés : une histoire de répétitions
L'affaire Megabonk n'est pas un cas isolé. Les Game Awards ont souvent été critiqués pour leurs choix discutables. En 2022, Sifu, un beat'em up développé par SloClap, était nominé dans la catégorie "Meilleur Jeu de Combat", alors que son gameplay releverait davantage de l'action-aventure. Une erreur de classification qui avait irrité les puristes du genre, comme Maximilian Dood, streamer spécialisé, qui avait ironisé : "Si Sifu est un jeu de combat, alors Dark Souls est un RPG tactique au tour par tour."
Plus récemment, la nomination de Monster Hunter Wilds dans la catégorie "Meilleur RPG" a également soulevé des sourcils. Bien que la série Monster Hunter intègre des éléments de progression typiques des RPG, son cœur reste ancré dans l'action et la chasse. Pour Jim Sterling, critique connu pour son franc-parler, ces confusions révèlent un problème structurel : "Les Game Awards sont avant tout un spectacle. Les catégories sont conçues pour maximiser l'audience, pas pour refléter la réalité des genres ou des parcours créatifs."
Un avis partagé par Laura Kate Dale, journaliste chez Niche Gamer, qui pointe du doigt le manque de transparence dans les processus de sélection : "Qui décide des critères ? Sur quelles bases un jeu est-il considéré comme 'indie' ou comme un 'début' ? Tant que ces questions resteront sans réponse claire, les polémiques continueront." En 2021, le jeu Kena: Bridge of Spirits, développé par Ember Lab (un studio alors composé de seulement 14 personnes), avait été nominé dans la catégorie "Meilleur Jeu Indie", malgré un budget dépassant les 5 millions de dollars et un partenariat avec Sony pour une exclusivité temporaire sur PS5.
Face à ces critiques récurrentes, Geoff Keighley a tenté à plusieurs reprises de clarifier sa position. En 2023, il déclarait : "Le terme 'indie' est fluide. Certains studios sont indépendants sur le plan créatif, même s'ils bénéficient de financements externes. D'autres sont techniquement indépendants, mais ont des années d'expérience. Nous essayons de trouver un équilibre." Une réponse qui, si elle se veut apaisante, ne résout pas le fond du problème : l'absence de critères objectifs.
L'impact d'une décision : entre intégrité et opportunité manquée
Le retrait de Megabonk a eu un effet immédiat sur la visibilité des autres nominés. Blue Prince, un metroidvania acclamé pour son système de combat dynamique, et Clair Obscur: Expedition 33, un survival horror inspiré des films des années 80, ont vu leur cote monter auprès des votants. Pour Thomas Brush, créateur de Iron Lung, cette affaire est une "leçon d'humilité" : "Vedinad a préféré sacrifier une opportunité de visibilité plutôt que de trahir ses valeurs. C'est rare, et ça mérite d'être salué."
Du côté des joueurs, les réactions ont été partagées. Sur Reddit, certains ont applaudit la décision, y voyant un "gestes de fair-play", tandis que d'autres ont regretté que Megabonk ne puisse pas concourir, malgré ses qualités. Un sondage réalisé par PC Gamer révèle que 62% des répondants estiment que les critères des Game Awards devraient être revus, contre 28% qui les jugent "suffisamment clairs".
Coté business, l'impact est plus difficile à mesurer. Les Game Awards génèrent chaque année un pic de ventes pour les jeux nominés, avec une hausse moyenne de 30 à 50% selon SuperData. Pour un titre comme Megabonk, encore en phase de croissance, ce retrait pourrait représenter une "opportunité manquée", comme l'explique Serge Hascoët, ancien directeur créatif d'Ubisoft : "Une nomination aux TGA, c'est l'équivalent d'une campagne marketing gratuite. Renoncer à ça, c'est un choix audacieux, surtout pour un petit jeu."
Pourtant, Vedinad semble serein. Dans une interview accordée à Kotaku, il a confié travailler sur une mise à jour majeure pour Megabonk, incluant un mode coopératif et de nouveaux niveaux. Une façon de rappeler que, au-delà des récompenses, "ce qui compte, c'est le jeu et ses joueurs". Une philosophie qui résonne particulièrement dans un secteur où les distinctions entre indie et AAA deviennent de plus en plus floues.
Vers une refonte des récompenses ? Les pistes pour éviter les polémiques
L'affaire Megabonk relance un débat plus large : faut-il repenser les catégories des Game Awards ? Plusieurs experts proposent des pistes pour clarifier les règles. Lars Doucet, cofondateur de Defender's Quest, suggère d'abandonner la notion de "début" au profit d'une catégorie "Meilleur Jeu de Petit Studio", basée sur la taille de l'équipe et le budget. "Ça éviterait les ambiguïtés liées à l'expérience des développeurs," argue-t-il.
Une autre approche, défendue par Mike Rose (ex-No More Robots), consisterait à "séparer les récompenses pour les jeux des récompenses pour les studios". Ainsi, un titre comme Megabonk pourrait concourir pour son game design ou son art direction, sans que la question du "début" ne se pose. "Les joueurs s'intéressent aux jeux, pas aux CV des développeurs," rappelle-t-il.
Du côté des Game Awards, Geoff Keighley a évoqué la possibilité d'un "comité consultatif" composé de développeurs et de journalistes, chargé de valider les nominations litigieuses. Une idée qui séduit Jeff Gerstmann, fondateur de Giant Bomb : "Avoir des experts externes pourrait apporter plus de légitimité au processus. Aujourd'hui, les décisions semblent parfois arbitraires."
En attendant, les Game Awards 2025 continueront sur leur lancée, avec une cérémonie prévue le 7 décembre. Mais l'ombre de Megabonk plane désormais sur l'événement. Comme le résume Ben Kuipers, analyste chez Newzoo : "Cette affaire montre que l'industrie a mûri. Les développeurs et les joueurs exigent plus de transparence. Les Game Awards doivent s'adapter, ou risquer de perdre en crédibilité."
Pour Megabonk, l'histoire ne fait que commencer. Vedinad a annoncé une sortie sur consoles (PS5 et Xbox Series X|S) pour mars 2026, ainsi qu'une édition physique en collaboration avec Limited Run Games. Une façon de prouver que, nomination ou non, le jeu a déjà trouvé son public. Et peut-être, finalement, c'est ça, la vraie récompense.
Le retrait de Megabonk des Game Awards 2025 restera comme un moment marquant dans l'histoire de l'événement. Au-delà de la polémique, cette affaire révèle les tensions croissantes entre une industrie en mutation et des catégories de récompenses parfois dépassées. Vedinad, en assumant son parcours, a offert une leçon d'intégrité, tout en mettant en lumière les zones d'ombre des Game Awards. Alors que les frontières entre indie, AAA, et débutants s'estompent, une question persiste : les récompenses doivent-elles évoluer pour refléter cette nouvelle réalité ?
Pour les joueurs, cette histoire est aussi un rappel que derrière chaque jeu se cachent des histoires humaines, faites de compromis, de doutes et de convictions. Megabonk, lui, continue sa route, porté par une communauté grandissante et des ambitions claires. Quant aux Game Awards, ils devront peut-être, un jour, repenser leur propre jeu.
Une chose est sûre : dans un secteur où l'authenticité devient une monnaie rare, le geste de Vedinad résonne comme un appel à plus de transparence. Et ça, c'est une nomination qui ne se refuse pas.

