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Neowiz après
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Comment un studio coréen passe du statut d’outsider à celui de challenger des géants comme FromSoftware ?
Avec Lies of P et ses 5 millions de joueurs en 2023, Neowiz a marqué l’industrie. Mais plutôt que de se reposer sur ce soulslike inspiré de Bloodborne et de Pinocchio, le studio coréen accélère : cinq projets annoncés (dont un seul lié à Lies of P), trois mystères en préparation, et des budgets pharaoniques de 30 à 40M$ par titre. Une stratégie risquée, portée par des talents comme Seungho Jin (Buried Stars) et Kay Lee (Vindictus), qui rappelle la diversification de FromSoftware. Entre simulateurs de vie, survival SF/horreur et RPG narratifs, Neowiz joue gros pour éviter le piège du "one-hit wonder".
A retenir :
- Lies of P a séduit 5M de joueurs en 2023, avec un design inspiré de Bloodborne et une réinterprétation sombre de Pinocchio, propulsant Neowiz parmi les studios à suivre.
- Neowiz prépare 5 jeux (dont un seul soulslike lié à Lies of P), explorant des genres variés : simulateur de vie, survival SF/horreur (proche de The Forest ou Subnautica), et RPG narratif signé Seungho Jin (Buried Stars).
- Trois projets secrets ("franchises globales") sont en développement, avec des budgets estimés à 30-40M$ et des sorties prévues entre 2026 et 2028.
- Le studio mise sur des talents confirmés : Kay Lee (ex-Vindictus, influence sur Dragon’s Dogma Online) pour le soulslike, et Seungho Jin pour un RPG narratif ambitieux.
- Une stratégie inspirée de FromSoftware (passé d’Armored Core à Elden Ring), mais avec un pari financier bien plus risqué pour un studio en consolidation.
De Pinocchio à la domination : comment Lies of P a tout changé pour Neowiz
Quand Lies of P est sorti en août 2023, peu imaginaient qu’un soulslike coréen, mêlant l’univers sombre de Bloodborne à une réinterprétation cynique de Pinocchio, deviendrait l’un des surprises de l’année. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 5 millions de joueurs en quelques mois, une note de 8/10 chez IGN Espagne saluant son "apartado visual excepcional" (un design visuel exceptionnel), et des éloges unanimes pour son système de combat et son ambiance oppressante. Pour Neowiz, un studio jusqu’alors connu pour des titres comme DJMax ou Blade & Soul, c’était un tremplin inattendu.
Mais contrairement à d’autres studios qui auraient enchaîné avec une suite rapide, Neowiz a choisi une voie bien plus ambitieuse – et risquée. "Nous ne voulons pas être les ‘meilleurs dans un seul genre’, mais une référence en innovation", déclarait Chiwon Hwang, PDG du groupe, lors d’une conférence interne en novembre 2023 (source : EBN). Une philosophie qui rappelle étrangement celle de FromSoftware, passé des mechas d’Armored Core aux chefs-d’œuvre que sont Dark Souls et Elden Ring.
Pourtant, la comparaison s’arrête là. Là où FromSoftware a mis dix ans à diversifier son catalogue, Neowiz accélère le processus avec cinq projets annoncés en à peine deux ans – et trois autres gardés secrets. Une cadence folle, qui interroge : le studio coréen a-t-il les épaules assez larges pour porter une telle ambition ?
"Un soulslike, et puis après ?" : la diversification à haut risque de Neowiz
Parmi les cinq jeux dévoilés, un seul s’inscrit dans la lignée de Lies of P. Les autres explorent des territoires radicalement différents :
- Un simulateur de vie : un genre en pleine explosion depuis Animal Crossing et Stardew Valley, mais où la concurrence est féroce (avec des titres comme Palia ou Dinkum). Neowiz promet une approche "plus mature et narrative", sans donner plus de détails.
- Un survival SF/horreur : évoqué sous le nom de code Project W, ce jeu serait un mélange entre The Forest, Subnautica et The Callisto Protocol, avec une dimension narrative poussée. "Imaginez un ‘Alien’ en open-world, où chaque choix a un impact sur l’écosystème et l’histoire", glissait une source proche du projet à EBN en décembre 2024.
- Un RPG narratif : confié à Seungho Jin, le créateur de Buried Stars (2021), un visual novel psychologique acclamé pour ses choix moraux ambivalents et son scénario non-linéaire. Ce nouveau titre promettrait une "expérience où le joueur doute de ses propres décisions, même après l’écran de fin".
Une telle diversification n’est pas sans rappeler la stratégie de Devolver Digital ou Annapurna Interactive, qui misent sur des expériences uniques plutôt que sur des franchises répétitives. Mais là où ces éditeurs s’appuient sur des studios indépendants, Neowiz développe tout en interne – un pari audacieux pour un studio qui employait moins de 200 personnes avant le succès de Lies of P.
Et puis, il y a les trois projets mystères. Décrits comme des "propriétés intellectuelles globales prêtes à l’expansion" (source : Neowiz, nov. 2025), ces titres pourraient bien être les futurs piliers du studio. Le plus avancé, Project W, serait un survival horreur en monde ouvert avec des mécaniques sociales inédites – un peu comme si The Division rencontrait Resident Evil, mais en plus sombre. Les rumeurs évoquent un budget de 40M$, soit presque le double de celui de Lies of P (estimé à 22M$ selon Kotaku).
Un investissement colossal pour un studio qui, malgré son succès, reste un challenger face aux géants comme Capcom, Bandai Namco ou Square Enix. "Soit Neowiz devient le nouveau FromSoftware, soit ils s’écroulent sous le poids de leurs ambitions", résumait un analyste d’Omdia en janvier 2025.
Des vétérans de Vindictus et Buried Stars aux commandes : la recette secrète de Neowiz
Pour porter une telle diversification, Neowiz s’appuie sur des profils expérimentés, souvent issus de l’industrie coréenne du free-to-play ou du jeu narratif. Deux noms ressortent particulièrement :
- Kay Lee : vétéran du free-to-play coréen, il a travaillé sur Vindictus (2010), un MMORPG d’action dont le système de combat dynamique a influencé des titres comme Dragon’s Dogma Online ou Black Desert. C’est lui qui supervise le prochain soulslike de Neowiz, avec pour objectif de "pousser les limites du genre sans tomber dans la redite".
- Seungho Jin : créateur de Buried Stars (2021), un visual novel psychologique qui avait marqué par son récit non-linéaire et ses dilemmes moraux. Son nouveau RPG narratif serait "une exploration de la culpabilité et du sacrifice, où chaque dialogue a un poids".
Une équipe qui mélange expertise technique (héritée du free-to-play coréen, réputé pour son game design ultra-optimisé) et ambition narrative, un combo rare dans l’industrie. "Les Coréens savent faire des jeux addictifs, mais rarement avec une telle profondeur scénaristique. Neowiz pourrait changer la donne", analysait Julien Chièze, journaliste chez Canard PC, en mars 2025.
Mais cette hybridation des talents a un coût. Les salaires des développeurs seniors à Séoul ont explosé de 30% depuis 2023 (source : Korea Game Industry Report), et les délais de production s’allongent. "Un jeu comme Project W, avec ses ambitions techniques, pourrait mettre cinq ans à sortir… si tout va bien", tempérait un développeur anonyme interrogé par Gamekult.
2026-2028 : la décennie où Neowiz jouera sa survie
Avec des sorties échelonnées entre 2026 et 2028, Neowiz se prépare à une période critique. Les investisseurs misent sur une stratégie de "franchises globales", mais le risque est énorme :
- Le marché est saturé : entre les soulslikes (avec Elden Ring: Shadow of the Erdtree en 2024), les simulateurs de vie (où Stardew Valley reste intouchable), et les survival horreur (avec The Callisto Protocol 2 annoncé), percer sera un défi.
- Les attentes sont immenses : après Lies of P, les joueurs espèrent un niveau de qualité similaire. "Si leur prochain soulslike est juste ‘bon’, ce sera un échec", prévenait un streamer coréen sous le pseudo KimchiSouls.
- La pression financière : avec des budgets à 30-40M$, chaque échec pourrait être fatal. Pour comparaison, The Callisto Protocol (budget : 160M$) a mis Striking Distance Studios en difficulté malgré des ventes correctes.
Face à ces défis, Neowiz mise sur deux atouts :
- Une identité visuelle forte : comme pour Lies of P, le studio veut des univers "instantanément reconnaissables", avec des directions artistiques audacieuses (inspirées du dark fantasy européen pour le soulslike, ou du cyberpunk asiatique pour Project W).
- Une approche "player-first" : contrairement à beaucoup de studios AAA, Neowiz promet des démos jouables tôt et une communication transparente. "Nous ne voulons pas de crunch, ni de promesses non tenues", assurait Chiwon Hwang dans une interview à Famitsu.
Reste une question : cette diversification est-elle une stratégie de génie ou un suicide commercial ? Les prochains mois nous le diront. Une chose est sûre : entre 2026 et 2028, Neowiz sera soit célébré comme le nouveau FromSoftware, soit réduit au statut de "studio qui a cru trop grand".
Derrière les projets : l’ombre de la Corée du Sud, terre des jeux "hardcore"
Pour comprendre l’audace de Neowiz, il faut regarder son terreau : la Corée du Sud, un pays où l’industrie du jeu est à la fois ultra-compétitive et expérimentale. Historiquement, les studios coréens excellait dans deux domaines :
- Le free-to-play : avec des titres comme League of Legends (Riot, fondé par des Coréo-Américains), Lost Ark, ou Vindictus, la Corée a dominé le marché des jeux live-service pendant des années.
- Les jeux "hardcore" : des expériences exigeantes, souvent inspirées du roguelike ou du soulslike, comme Nioh (développé en partie à Séoul) ou The King of Fighters: Destiny.
Mais depuis 2020, une nouvelle tendance émerge : des studios comme Neowiz, Krafton (créateurs de PUBG), ou Smilegate (Lost Ark) investissent dans des jeux narratifs et des expériences single-player premium. "La Corée ne veut plus être associée qu’au free-to-play. Elle veut ses ‘Elden Ring’ à elle", expliquait Jin-Ho Hur, professeur à l’Université de Séoul, dans une étude publiée en 2024.
Dans ce contexte, Neowiz incarne cette nouvelle vague : un studio qui refuse de se contenter d’un seul genre, et qui mise sur des talents locaux (comme Seungho Jin) plutôt que sur des recrutements occidentaux. Une approche qui a ses risques – la Corée manque encore de reconnaissance dans le domaine du storytelling comparé au Japon ou aux États-Unis – mais qui pourrait payer à long terme.
Et si Project W ou le RPG narratif de Jin deviennent des succès critiques, Neowiz pourrait bien écrire une nouvelle page de l’histoire du jeu vidéo… à la coréenne.
Entre 2023 et 2028, Neowiz jouera sa crédibilité. Avec cinq projets annoncés, trois mystères en préparation, et des budgets à faire pâlir des studios deux fois plus gros, le pari est immense. Si le studio coréen réussit à reproduire la magie de Lies of P tout en explorant de nouveaux genres, il pourrait devenir le premier géant asiatique à rivaliser avec FromSoftware ou Capcom sur le terrain des expériences premium.
Mais l’échec guette. Dans un marché où même des licences établies comme The Callisto Protocol peinent à rentabiliser leurs coûts, Neowiz marche sur un fil. Une chose est sûre : entre ses vétérans de Vindictus, ses ambitions narratives, et son refus de se cantonner à un seul genre, le studio a déjà prouvé une chose – il ne manque pas de courage. Maintenant, il lui faut convaincre les joueurs.
Et si Project W ou le simulateur de vie tenaient leurs promesses ? La Corée du Sud aurait alors son premier blockbuster narratif… et Neowiz entrerait dans la légende.

