Il y a 5 jours
Netflix et le gaming : pourquoi
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Un succès mobile qui ne fait pas le poids face à la stratégie incertaine de Netflix
Avec la fermeture brutale de Boss Fight Entertainment, le studio derrière Squid Game: Unleashed — un jeu mobile ayant cartonné dans 26 pays —, Netflix envoie un signal contradictoire. Malgré des déclarations tonitruantes sur son entrée dans le gaming, le géant du streaming semble privilégier des projets légers et éphémères plutôt qu’un engagement long terme. Une stratégie à deux vitesses qui laisse perplexe, entre désengagements soudains et lancements de titres comme Tetris Time Warp ou Lego Party, conçus pour une expérience "second écran".
A retenir :
- Netflix ferme Boss Fight Entertainment, le studio derrière Squid Game: Unleashed, malgré un succès planétaire (26 pays en tête des téléchargements).
- Un désengagement brutal qui contraste avec les ambitions gaming affichées par Netflix, notamment après l’ajout de 5 nouveaux titres en 2024.
- Une stratégie floue : entre jeux mobiles accessoires (contrôlés via smartphone) et absence de projets AAA, Netflix peine à trouver sa voie.
- Tetris Time Warp et Lego Party révèlent une approche "light" du gaming, loin des blockbusters attendus.
- Un pari risqué : le géant du streaming mise-t-il sur le gaming comme simple complément à son catalogue, ou comme un pilier à part entière ?
Un coup de tonnerre dans l’industrie : Netflix ferme le studio de Squid Game: Unleashed
La nouvelle est tombée comme un couperet : Netflix a fermé Boss Fight Entertainment, le studio texan à l’origine de Squid Game: Unleashed, un jeu mobile inspiré de la série phénomène Squid Game. Pourtant, les chiffres étaient là : première place des téléchargements dans 26 pays, une performance rare pour un titre lié à une licence. Alors, pourquoi un tel revirement ?
Officiellement, Netflix évoque une "réorganisation stratégique". Mais derrière ce jargon corporate se cache une réalité plus troublante : malgré un succès commercial indéniable, Squid Game: Unleashed n’a pas convaincu la plateforme de poursuivre l’aventure. Un signe que Netflix, malgré ses grandes déclarations, n’est peut-être pas prêt à s’investir durablement dans le gaming.
Pourtant, en 2021, le géant du streaming annonçait en grande pompe son entrée dans l’arène du jeu vidéo, avec l’embauche de Mike Verdu (ex-Facebook, EA) et des promesses de titres exclusifs. Trois ans plus tard, le bilan est mitigé : des jeux mobiles éphémères, des fermetures de studios, et une stratégie qui semble improvisée.
Squid Game: Unleashed : un succès qui cache une faille stratégique
Sorti en novembre 2023, Squid Game: Unleashed avait tout pour plaire : un gameplay simple mais addictif, une esthétique fidèle à la série, et surtout, l’aura d’une licence ultra-populaire. Résultat ? Des millions de téléchargements, une visibilité mondiale, et des joueurs conquis. Pourtant, cela n’a pas suffi.
Le problème ? Netflix semble considérer le gaming comme un accessoire à son catalogue, et non comme un secteur à part entière. Contrairement à des acteurs comme Apple Arcade ou Amazon Games, qui misent sur des productions ambitieuses (même si souvent ratées), Netflix privilégie des jeux légers, faciles à développer, et surtout peu coûteux.
Un choix qui interroge, d’autant que la plateforme a récemment lancé cinq nouveaux titres (Tetris Time Warp, Lego Party, etc.), tous conçus pour être joués via smartphone en complément d’un film ou d’une série. Une approche "second écran" qui limite d’emblée l’ambition des projets.
Comme le souligne Daniel Ahmad, analyste chez Niko Partners : "Netflix veut des jeux qui retiennent les abonnés sur sa plateforme, pas des blockbusters qui coûtent des centaines de millions. Le problème, c’est que sans investissement lourd, difficile de rivaliser avec les géants du secteur."
Derrière les fermetures, une stratégie gaming en dents de scie
La fermeture de Boss Fight Entertainment n’est pas un cas isolé. En 2022, Netflix avait déjà mis fin à l’aventure de Night School Studio (à l’origine d’Oxenfree), un studio indépendant racheté seulement six mois plus tôt. Un précédent qui avait déjà semé le doute sur la cohérence de sa stratégie gaming.
Aujourd’hui, le constat est le même : Netflix investit par à-coups, sans ligne directrice claire. D’un côté, des acquisitions et des annonces tonitruantes ; de l’autre, des fermetures brutales et des projets abandonnés. Une schizophrénie qui décourage les talents.
Pour Serge Hascoët, ancien directeur créatif d’Ubisoft, cette instabilité est un "red flag pour les développeurs. Qui voudrait travailler pour une entreprise qui peut fermer votre studio du jour au lendemain, même après un succès ?" Une question qui prend tout son sens quand on sait que Netflix a aussi annulé plusieurs projets en développement, dont un jeu basé sur Stranger Things.
Et maintenant ? Le gaming, parent pauvre de Netflix ?
Alors, que reste-t-il des ambitions gaming de Netflix ? Pas grand-chose, si l’on en croit les derniers mouvements. La plateforme semble se recentrer sur des jeux mobiles low-cost, conçus pour être joués en parallèle de ses contenus audiovisuels. Une approche qui a le mérite d’être peu risquée financièrement, mais qui limite drastiquement son impact.
Pire : cette stratégie démobilise les joueurs. Comme le note un utilisateur sur Reddit : "Netflix veut qu’on joue à ses jeux comme on zappe entre deux épisodes. Sauf que les gamers, eux, veulent des expériences immersives, pas des mini-jeux jetables." Un avis partagé par beaucoup, qui voient dans cette approche une méconnaissance profonde du marché.
Pourtant, Netflix a des atouts : un catalogue de licences ultra-puissantes (The Witcher, Stranger Things, Arcane), une base d’abonnés colossale, et des moyens financiers quasi illimités. Mais sans vision claire, ces avantages ne serviront à rien. Comme le résume Piers Harding-Rolls, analyste chez Ampere Analysis : "Netflix a les cartes en main pour devenir un acteur majeur du gaming. Mais pour l’instant, c’est comme s’ils jouaient au poker sans savoir qu’ils ont un as dans leur manche."
Le mot de la fin : un géant aux pieds d’argile
La fermeture de Boss Fight Entertainment est un symbole. Celui d’une entreprise qui, malgré sa puissance, ne sait pas encore ce qu’elle veut. Le gaming est-il un simple outil de rétention pour ses abonnés ? Ou un secteur à part entière, digne d’investissements massifs ?
Pour l’instant, Netflix semble opter pour la première option. Avec le risque de se faire doubler par des concurrents comme Amazon (qui, malgré ses échecs, persiste avec des projets AAA) ou Apple (qui mise sur des exclusivités haut de gamme).
Une chose est sûre : avec des décisions aussi brutales, Netflix joue avec le feu. Car dans l’industrie du jeu vidéo, la réputation se construit sur la durée. Et les talents, eux, n’aiment pas les partenaires inconstants.
Entre fermetures de studios et lancements de jeux mobiles éphémères, Netflix donne l’impression de tâtonner dans le gaming. Pourtant, avec des licences comme Squid Game ou The Witcher, la plateforme a un potentiel énorme. Reste à savoir si elle osera enfin passer à la vitesse supérieure — ou si elle préférera rester un acteur secondaire, content de surfer sur des succès ponctuels sans jamais s’engager vraiment.
Une chose est certaine : les joueurs, eux, attendent mieux que des mini-jeux jetables. Et dans un marché aussi compétitif, ceux qui hésitent finissent souvent par disparaître.

