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Nintendo vs Palworld : quand les mods deviennent l’enjeu d’une bataille juridique historique
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Il y a 19 jours

Nintendo vs Palworld : quand les mods deviennent l’enjeu d’une bataille juridique historique

Pourquoi Nintendo attaque Palworld ? Une bataille juridique qui pourrait tout changer

Nintendo tente de faire invalider les mods comme preuve d’antériorité juridique dans son procès contre Pocketpair, le studio derrière Palworld. En jeu : la définition même de l’innovation dans le jeu vidéo. Avec 25 millions de copies vendues, ce "Pokémon survie" défie le géant japonais sur le terrain des mécaniques de jeu et des droits de propriété intellectuelle. Un verdict qui pourrait verrouiller – ou libérer – la créativité de toute une industrie.

A retenir :

  • Nintendo rejette les mods comme "antériorité juridique" : une stratégie qui pourrait exclure les créations dérivées de la protection des brevets.
  • Palworld vs Pokémon : un open-world survie avec crafting et combats en temps réel, loin du tour par tour traditionnel de Nintendo.
  • Des brevets contestés : les mécaniques visées par Nintendo existaient déjà dans Digimon (1997) et Temtem (2019).
  • 25 millions de ventes en 6 mois : un succès qui explique l’offensive légale de Nintendo ?
  • Un précédent dangereux : si Nintendo gagne, les studios pourraient verrouiller des concepts génériques (capture de créatures, systèmes de progression).
  • L’ironie de l’histoire : Nintendo, qui a révolutionné le jeu vidéo avec des innovations incrémentales, veut maintenant interdire cette même approche aux autres.

Un coup de poker juridique : pourquoi Nintendo attaque les mods

Imaginez un monde où chaque mod de Skyrim, chaque carte personnalisée de Minecraft, ou chaque fan-game inspiré de Zelda pourrait être utilisé comme preuve dans un procès. C’est précisément ce scénario que Nintendo veut éviter. Dans son litige contre Pocketpair, le studio derrière Palworld, le géant japonais avance un argument choc : les modifications de jeux (mods) ne peuvent pas être considérées comme une "antériorité" en droit des brevets.

Pourquoi cette position ? Parce que Nintendo craint que les mécaniques de Palworld – comme la capture et l’élevage de créatures – ne s’appuient sur des concepts déjà explorés par des mods ou des jeux indépendants. Or, si ces créations dérivées étaient reconnues comme une antériorité, elles pourraient invalider les brevets de Nintendo. Problème : selon l’entreprise, un mod dépend toujours d’un jeu existant pour fonctionner. Il ne serait donc pas une innovation autonome, mais une simple extension.

Un raisonnement qui fait grincer des dents. Comme le souligne TorrentFreak, cette logique pourrait s’appliquer à des milliers de projets communautaires, des rom hacks de Pokémon aux total conversions de Half-Life. Pire : elle risquerait de délégitimer toute création inspirée d’un titre existant, même si elle apporte des nouveautés majeures.


"Si Nintendo obtient gain de cause, cela pourrait ouvrir la porte à des poursuites contre n’importe quel jeu utilisant des mécaniques similaires à celles brevetées, même si ces mécaniques étaient déjà présentes dans des mods ou des jeux indépendants bien avant."Florian Müller, expert en propriété intellectuelle (source : FOSPATENTS).

Palworld : un Pokémon survie ou une révolution à part entière ?

La comparaison avec Pokémon saute aux yeux : des créatures mignonnes à capturer, un système de progression, des combats… Mais Palworld va bien au-delà. Là où Pokémon Écarlate et Violet proposent un monde ouvert linéaire et des combats au tour par tour, Pocketpair a conçu un open-world survie où :

  • Les Pals (équivalents des Pokémon) travaillent dans des usines, construisent des bases et se battent en temps réel.
  • Le crafting et la gestion des ressources sont centraux, à la manière d’un ARK: Survival Evolved.
  • Les créatures peuvent être utilisées comme armes (un Pal-mitraillette, vraiment ?).
  • Le moteur graphique est maison (Unreal Engine 5), contrairement à certains mods qui réutilisent des assets existants.

Un argument de taille pour Pocketpair : "Palworld n’est pas un mod, mais une expérience complète et originale". Le studio japonais rappelle que des jeux comme Temtem (2019) ou Digimon Story (2006) exploitaient déjà des mécaniques similaires à celles brevetées par Nintendo en 2021. Une stratégie de défense audacieuse : plutôt que de nier les similitudes, Pocketpair assume ses influences tout en prouvant que son jeu va plus loin.


"Nintendo essaie de breveter des idées aussi vieilles que le jeu vidéo lui-même. La capture de créatures ? Digimon le faisait en 1997. Les combats en équipe ? Final Fantasy depuis les années 90. Leur procès est une tentative de monopoliser des concepts génériques."Un développeur anonyme ayant travaillé sur des mods Pokémon (source : ResetEra).

Le paradoxe Nintendo : l’innovation incrémentale contre l’innovation tout court

Voici l’ironie de la situation : Nintendo a bâti son empire sur l’innovation incrémentale. Les Game & Watch (1980) reprenaient des idées de jeux électroniques existants. La Wiimote (2006) s’inspirait des manettes à détection de mouvement des années 90. Même la Switch (2017) combinait des concepts de la Wii U et des tablettes.

Pourtant, aujourd’hui, Nintendo semble vouloir interdire cette même approche aux autres. En attaquant Palworld, l’entreprise risque de créer un précédent dangereux :

  • Si les mods ne comptent pas comme antériorité, les studios pourraient breveter des mécaniques déjà utilisées par des milliers de créateurs amateurs.
  • Les jeux indépendants devraient prouver qu’ils n’ont jamais été inspirés par un titre existant – une mission impossible dans une industrie où tout s’inspire de tout.
  • Des concepts comme la capture de créatures, les quêtes secondaires ou les systèmes de crafting pourraient être verrouillés par des brevets.

Un scénario catastrophe pour l’innovation ? Pas forcément. Certains juristes estiment que ce procès pourrait aussi forcer Nintendo à innover davantage, plutôt que de reposer sur des recettes éprouvées. Après tout, Palworld a prouvé qu’un jeu de créatures pouvait séduire sans copier Pokémon – et avec un succès commercial écrasant (25 millions de ventes en 6 mois).

Derrière le procès : une guerre culturelle entre deux visions du jeu vidéo

Ce litige dépasse la simple question des brevets. Il oppose deux philosophies :

  • La vision Nintendo : un écosystème contrôlé, où chaque mécanique est protégée, et où les créations dérivées sont considérées comme des menaces. Une approche qui a fait ses preuves (1,2 milliard de dollars de profits en 2023), mais qui étouffe parfois la créativité.
  • La vision Pocketpair/Valve/Epic : un monde où les mods, les fan-games et les expérimentations sont des laboratoires d’innovation. Counter-Strike (un mod de Half-Life), Dota (un mod de Warcraft III) et même Fortnite (inspiré de Minecraft et PUBG) doivent leur existence à cette culture du remix.

Le vrai danger pour Nintendo ? Que ce procès ne fasse que renforcer la perception d’un géant sclérosé, plus occupé à défendre ses acquis qu’à inventer l’avenir. Alors que des jeux comme Palworld, Lethal Company ou Dave the Diver prouvent que l’innovation vient souvent des petits studios, pas des mastodontes.


"Si Nintendo gagne, ce sera une victoire à la Pyrrhus. Les joueurs et les développeurs se tourneront vers des alternatives, et l’entreprise perdra ce qui fait sa force depuis 40 ans : son image de pionnier bienveillant."Cécile Bargues, historienne du jeu vidéo (source : Le Monde).

Et maintenant ? Un procès qui pourrait durer des années

Les observateurs s’attendent à une bataille juridique longue et coûteuse. Pour preuve : le procès Epic vs Apple a duré 3 ans avant un verdict en appel. Ici, les enjeux sont tout aussi colossaux :

  • Si Nintendo l’emporte : les studios devront éviter tout risque de similitude avec des jeux existants, même pour des mécaniques basiques. Les mods pourraient être exclus des débats sur l’innovation.
  • Si Pocketpair gagne : les brevets de Nintendo pourraient être invalidés, ouvrant la voie à une concurrence accrue dans le genre "monstres à collectionner".
  • Un compromis : la justice pourrait limiter la portée des brevets de Nintendo, tout en reconnaissant que Palworld emprunte certains éléments à Pokémon (sans pour autant plagier).

En attendant, Palworld continue de se vendre comme des petits pains (plus de 8 millions de joueurs actifs en août 2024), tandis que Nintendo prépare Pokémon Légendes : Z-A pour 2025. Un duel commercial qui pourrait bien influencer le verdict : si le jeu de Pocketpair reste populaire, les juges pourraient hésiter à le sanctionner trop sévèrement.

Une chose est sûre : ce procès redéfinira les règles du jeu – au sens propre comme au figuré.

Entre un Nintendo déterminé à protéger son monopole et un Pocketpair prêt à bousculer les codes, ce litige est bien plus qu’une simple querelle de brevets. Il pose une question fondamentale : le jeu vidéo doit-il être une industrie verrouillée, où chaque mécanique est protégée, ou un espace de créativité ouverte, où les idées circulent et s’enrichissent mutuellement ? Avec 25 millions de joueurs derrière lui, Palworld a déjà prouvé qu’une alternative à Pokémon était possible. Reste à savoir si la justice lui donnera le droit d’exister – ou si Nintendo parviendra à étouffer dans l’œuf une révolution qui pourrait bien lui échapper.
L'Avis de la rédaction
Par Celtic
"Nintendo, tonton, tu veux breveter la capture de créatures ? C'est comme si tu voulais breveter l'eau. Les mods, c'est l'ADN du jeu vidéo, et tu veux les exclure ? C'est comme si tu voulais interdire les remixes de Final Fantasy. C'est une guerre culturelle, et les joueurs, ils regardent ça avec des yeux ronds. Si tu gagnes, tu perds tout ce qui fait ta force : ton image de pionnier bienveillant. Si tu perds, tu ouvres la porte à une concurrence accrue. Mais une chose est sûre : ce procès, c'est un coup de poker juridique, et les enjeux sont colossaux."

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Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Celtic