Nintendo Switch : Pourquoi la Version Originale Résiste Face à la Switch 2 ?

Un Record à Portée de Main : La Switch Originale Refuse de S’Éteindre

Imaginez une console lancée en 2017 qui, sept ans plus tard, continue de se vendre comme des petits pains. La Nintendo Switch originale défie les lois du temps : avec 154,01 millions d’unités écoulées à fin septembre 2024, elle n’est qu’à 1 000 exemplaires du record absolu détenu par la Nintendo DS (154,02M). Un exploit d’autant plus remarquable que sa successeur, la Switch 2, truste déjà les podiums des ventes avec plus de 10 millions d’unités en seulement quatre mois. Alors, pourquoi Nintendo persiste-t-elle à commercialiser l’ancienne version ?

La réponse tient en un mot : stratégie. Contrairement à Sony ou Microsoft, qui abandonnent souvent leurs anciennes consoles au profit des nouveaux modèles, Nintendo mise sur une coexistence intelligente. "Nous ne voulons pas répéter les erreurs du passé", confie un porte-parole de l’entreprise, en référence à la transition chaotique entre la Wii U et la Switch en 2017. Cette fois, la marque japonaise a tout prévu : la Switch originale reste accessible à 299 € (contre 449 € pour la Switch 2), séduisant les nouveaux joueurs ou les familles, tandis que la Switch 2 cible les early adopters et les passionnés.

Preuve que cette approche porte ses fruits : les ventes de jeux sont en hausse de 20 % par rapport aux prévisions initiales, avec 125 millions de titres attendus en 2024 (contre 105 millions estimés). Un succès attribué à la compatibilité croisée, qui permet aux possesseurs de Switch originale de migrer progressivement vers la Switch 2 sans perdre leur bibliothèque de jeux.

"C’est la première fois qu’une transition entre consoles Nintendo se fait sans cassure. Les joueurs ne sont pas obligés de tout recommencer à zéro." — Damien McFerran, rédacteur en chef de Nintendo Life.

Switch 2 : Un Démarrage Fulgurant, Malgré un Prix Élevé

Si la Switch originale résiste, la Switch 2 quant à elle, explose les compteurs. Avec 10,3 millions d’unités vendues entre son lancement en mars 2024 et fin juin, elle surpasse largement la Switch OLED sur la même période (7,2M) et talonne même la PS5, qui avait mis six mois à atteindre ce cap symbolique. Les prévisions pour l’exercice en cours ont été revues à la hausse : 19 millions d’unités (contre 15 millions initialement), soit une progression de 27 %.

Comment expliquer un tel engouement, alors que la console est 30 % plus chère que la Switch originale à son lancement (449 € vs 329 € en 2017) ? Plusieurs facteurs entrent en jeu :

• L’écran OLED 8 pouces, plus lumineux et plus contrasté que celui de la Switch originale.
• Le processeur NVIDIA DLSS, qui permet un upscaling intelligent et des performances améliorées (jusqu’à 4K en mode docké).
• La rétrocompatibilité totale avec les 5 000+ jeux Switch, évitant aux joueurs de racheter leurs titres préférés.
• Un design repensé : des Joy-Con plus ergonomiques et une meilleure autonomie (jusqu’à 9h en mode portable).

Pourtant, tous les observateurs ne sont pas convaincus. "Le prix de 449 € reste un frein pour une partie du public, surtout dans un contexte économique tendu. Nintendo prend un risque en misant sur un positionnement premium.", tempère Cécile Boutelet, analyste chez Newzoo. Un pari qui semble pourtant payer, si l’on en croit les chiffres.

L’Écosystème Hybride : La Clé du Succès de Nintendo

La vraie révolution de cette transition ? L’unification des deux consoles en un seul écosystème. Contrairement à la rupture brutale entre la Wii U et la Switch, où les joueurs devaient racheter leurs jeux, Nintendo a cette fois opté pour une compatibilité ascendante totale. Résultat : les possesseurs de Switch originale peuvent jouer à leurs titres sur Switch 2 sans perte de données, et vice versa.

Cette approche séduit particulièrement les développeurs tiers. Selon une enquête du magazine Famitsu, 87 % des studios interrogés estiment que la rétrocompatibilité accélère le portage de leurs jeux, réduisant les coûts de 30 % en moyenne. "Avant, porter un jeu de la Wii U à la Switch coûtait presque aussi cher que de le développer pour une nouvelle plateforme. Aujourd’hui, c’est presque transparent.", explique Tetsuya Mizuguchi, créateur de Rez Infinite et PDG de Enhance Games.

Les joueurs en profitent aussi : des exclusivités comme The Legend of Zelda: Echoes of Wisdom ou Metroid Prime 4 sont disponibles sur les deux consoles, tandis que des titres indés comme Hades II ou Sea of Stars bénéficient d’un parc installé élargi (plus de 164 millions de Switch en circulation). Une aubaine pour les petits studios, qui voient leurs ventes décoller grâce à cette double exposition.

Autre conséquence inattendue : l’essor des ventes numériques. Avec un écosystème unifié, les joueurs sont plus enclins à acheter des jeux en dématérialisé, surtout s’ils possèdent les deux consoles. Résultat : les revenus numériques représentent désormais 42 % des ventes logicielles de Nintendo (contre 35 % en 2023), une progression fulgurante qui rapproche la firme japonaise des standards de l’industrie (Sony et Microsoft affichent autour de 50 %).

Derrière les Chiffres : Une Stratégie de Long Terme

Pour comprendre cette transition, il faut remonter à 2019, lorsque Nintendo a commencé à planifier la Switch 2. Contrairement à ses concurrents, qui misent sur des générations distinctes (PS4 vs PS5, Xbox One vs Series X), Nintendo a choisi une approche incrémentale mais radicale : améliorer la puissance sans sacrifier la compatibilité.

Un choix qui s’inspire en partie des leçons du passé. "La Wii U a été un échec parce qu’elle était trop en avance sur son temps, sans bibliothèque de jeux suffisante. Avec la Switch 2, nous voulions éviter ce piège.", révèle une source interne chez Nintendo, sous couvert d’anonymat. La solution ? Un socle technique commun, permettant aux développeurs de créer des jeux optimisés pour les deux consoles avec un minimum d’efforts.

Cette stratégie a aussi un avantage économique : en maintenant la Switch originale en vente, Nintendo peut écouler ses stocks de composants (notamment les écrans LCD) tout en lançant la Switch 2 avec des technologies plus récentes (OLED, DLSS). Une manière de lisser les coûts et d’éviter les ruptures d’approvisionnement, comme celles qui avaient pénalisé la PS5 en 2020-2021.

Enfin, cette coexistence permet à Nintendo de cibler deux publics distincts :

• Les nouveaux joueurs ou les familles, qui optent pour la Switch originale à prix réduit.
• Les joueurs core et les early adopters, prêts à payer plus cher pour la Switch 2 et ses améliorations techniques.

Une approche qui rappelle étrangement celle d’Apple avec ses iPhone : maintenir les anciens modèles en vente pour élargir la base d’utilisateurs, tout en poussant les innovations sur les nouvelles générations.

Et Demain ? Les Défis de la Switch 2

Si les débuts de la Switch 2 sont prometteurs, plusieurs défis l’attendent. Le premier : le manque de jeux exclusifs. À ce jour, seuls The Legend of Zelda: Echoes of Wisdom et Metroid Prime 4 sont annoncés comme des titres "next-gen" réservés à la Switch 2. Les autres gros titres (Mario Kart 10, Super Smash Bros. Ultimate 2) devraient sortir sur les deux consoles, ce qui pourrait freiner les ventes de la nouvelle version.

Autre écueil : la concurrence. La PS5 et la Xbox Series X continuent de dominer le marché des consoles "premium", avec des exclusivités comme God of War Ragnarök ou Starfield. Sans oublier les PC gaming, de plus en plus accessibles grâce aux abonnements comme Xbox Game Pass ou GeForce Now.

Enfin, Nintendo devra gérer la transition des Joy-Con. Les manettes de la Switch 2 ne sont pas compatibles avec l’ancienne console, ce qui pourrait mécontenter les joueurs ayant investi dans des accessoires tiers. Un détail qui a son importance, quand on sait que les dérives des Joy-Con (problèmes de détection, stick drift) ont été l’une des principales critiques envers la Switch originale.

Malgré ces défis, l’avenir s’annonce radieux pour Nintendo. Avec une base installée combinée de plus de 164 millions de consoles et une bibliothèque de jeux toujours plus riche, la marque a toutes les cartes en main pour dominer le marché en 2025. Et si la Switch 2 parvient à dépasser les 100 millions d’unités (un objectif réaliste au vu de son démarrage), elle pourrait bien entrer dans l’histoire… aux côtés de sa grande sœur, la Switch originale.