Nintendo Switch : un record historique en vue, mais le PS2 reste intouchable

154 millions et un rêve : la Switch sur le point d’entrer dans la légende

C’est un seuil symbolique qui pourrait bien être franchi d’ici la fin de l’année. Avec 154,01 millions d’unités vendues depuis son lancement en mars 2017, la Nintendo Switch n’est plus qu’à un souffle du record absolu de la Nintendo DS (154,02 millions), selon les derniers chiffres officiels arrêtés au 30 septembre 2024. Un exploit d’autant plus remarquable que la DS, sortie en 2004, avait dominé son époque grâce à son double écran tactile et son stylet, des innovations qui avaient séduit 154 millions de joueurs à travers le monde.

Pourtant, la Switch a réussi là où peu y croyaient : transformer une console hybride, à mi-chemin entre le salon et le portable, en un phénomène culturel planétaire. Des Zelda aux Mario Kart en passant par Animal Crossing, elle a su fédérer tous les publics, des gamers hardcore aux familles, en passant par les joueurs occasionnels. Un succès qui contraste avec les débuts timides de la Wii U (13,56 millions), sa prédécesseure mal-aimée.

Mais ce record a un goût amer : les ventes de la Switch s’essoufflent. Sur les six derniers mois, elles ont chuté de 60 % par rapport à 2023, avec seulement 4,72 millions d’unités écoulées. Nintendo a d’ailleurs revu à la baisse ses prévisions pour l’exercice en cours, passant de 4,5 à 4 millions d’unités. Une tendance logique depuis l’annonce de la Switch 2, dont la sortie en juin 2025 a capté l’attention des joueurs et des médias.

"La Switch a marqué l’histoire, mais son cycle touche à sa fin. Les joueurs attendent désormais la suite, et c’est normal.", explique Thomas Morel, analyste chez Newzoo. "Le vrai défi pour Nintendo sera de répéter ce succès avec la Switch 2, dans un marché bien plus concurrentiel qu’en 2017."

Switch 2 : un démarrage en fanfare, mais des nuages à l’horizon

Et justement, la Switch 2 a fait une entrée remarquée. En seulement quatre mois, elle a écoulé 10,36 millions d’unités, un chiffre qui dépasse largement les lancements de la PS5 (7,8 millions), de la PS4 (7,6 millions) et même de la Wii (5,8 millions). Un exploit qui s’explique par une stratégie de transition maîtrisée : Nintendo a su capitaliser sur l’immense base installée de la Switch originale (plus de 150 millions de joueurs), tout en misant sur des innovations techniques comme un écran OLED amélioré, une puissance graphique accrue (proche des standards next-gen) et une rétrocompatibilité partielle.

Pourtant, malgré ce succès initial, la route s’annonce semée d’embûches. En 2017, la Switch avait profité d’un créneau unique : celui d’une console hybride, entre salon et portable, avec peu de rivaux directs. Aujourd’hui, le paysage a radicalement changé. La Switch 2 devra composer avec :

• Les consoles next-gen : PS5 et Xbox Series X|S, déjà bien installées, avec des exclusivités fortes (God of War Ragnarök, Starfield).
• Le cloud gaming : Xbox Cloud Gaming, PS Plus Premium et GeForce Now grignotent des parts de marché, surtout chez les joueurs occasionnels.
• Le mobile : Genshin Impact, Honor of Kings ou Call of Duty Mobile captent l’attention (et le temps de jeu) des consommateurs.
• La saturation du marché : après 7 ans de Switch, une partie des joueurs attend peut-être une révolution, pas une évolution.

"Nintendo a toujours su créer ses propres règles, mais cette fois, la concurrence est partout. La Switch 2 devra être bien plus qu’une simple amélioration technique pour convaincre.", souligne Cécile Brossard, rédactrice en chef du magazine Jeux Vidéo Magazine.

"L’effet Mario" : le secret de la longévité de Nintendo

Alors, comment Nintendo compte-t-elle relever ce défi ? La réponse tient en trois mots : exclusivités, innovation et nostalgie. La Switch 2 arrive avec un line-up de lancement impressionnant :

• Super Mario Bros. Wonder 2 : la suite du jeu de plateforme acclamé par la critique.
• The Legend of Zelda: Echoes of the Past : un nouveau Zelda en monde ouvert, annoncé comme "révolutionnaire".
• Metroid Prime 4 : enfin dévoilé après des années de développement chaotique.
• Pokémon Legends: Z-A : un RPG ambitieux qui promet de renouveler la formule.

Mais le vrai atout de Nintendo reste sa capacité à créer des expériences uniques. La Switch 2 mise sur des fonctionnalités inédites, comme :

• Un écran LCD/OLed hybride (selon les modèles) avec un taux de rafraîchissement adaptatif.
• Des manettes améliorées (meilleure ergonomie, haptique avancée).
• Un mode "Portable+" optimisé pour les jeux en déplacement, avec une autonomie prolongée.
• Une puissance graphique enfin alignée sur les standards 2025 (résolution 4K en docké, 1080p en portable).

Pourtant, certains observateurs restent sceptiques. "Nintendo a toujours joué la carte de la différence, mais aujourd’hui, les joueurs attendent aussi de la puissance brute. La Switch 2 devra prouver qu’elle peut rivaliser avec une PS5 ou une Xbox Series X sur le plan technique, pas seulement sur l’innovation.", tempère Julien Chièze, journaliste chez Gamekult.

Le PS2, ce graal inatteignable (ou presque ?)

Si la Switch s’apprête à devenir la console la plus vendue de l’histoire de Nintendo, elle reste loin – très loin – du record absolu détenu par la PlayStation 2 : 155 millions d’unités (voire plus, selon les estimations). Un chiffre qui semble aujourd’hui inatteignable, même pour Nintendo.

Pourtant, la Switch 2 pourrait s’en approcher si elle maintient son rythme actuel. Avec 10,36 millions en 4 mois, elle est sur une trajectoire annuelle de 30 millions d’unités – un niveau jamais vu depuis la Wii en 2009. Si Nintendo parvient à :

• Maintenir un flux régulier d’exclusivités fortes (1 à 2 gros titres par trimestre).
• Éviter les pénuries de stocks (un problème récurrent pour la PS5 et la Xbox Series X).
• Capitaliser sur les marchés émergents (Chine, Inde, Amérique latine).
• Limiter l’impact du cloud gaming via des partenariats (comme avec Devolver Digital ou Sega).

… alors oui, la Switch 2 pourrait, d’ici 2028-2029, frôler les 120-130 millions d’unités. Suffisant pour dépasser la PS4 (117 millions), mais pas assez pour menacer la PS2. "Sony a bénéficié d’un alignement des planètes en 2000 : un marché en expansion, peu de concurrence, et une ludothèque exceptionnelle. Aujourd’hui, le contexte est totalement différent.", rappelle Daniel Ichbiah, historien du jeu vidéo et auteur de La Saga PlayStation.

Et si le vrai record était ailleurs ?

Au-delà des chiffres, le vrai héritage de la Switch – et peut-être de la Switch 2 – réside dans sa capacité à redéfinir ce qu’est une console. En 2017, elle a prouvé qu’une machine hybride pouvait séduire des millions de joueurs. En 2025, la Switch 2 devra aller plus loin :

• Unifier les joueurs : entre salon, portable et cloud, sans fracture technique.
• Créer des ponts : entre les générations (les parents qui jouent à Mario Kart avec leurs enfants).
• Résister à l’obsolescence : en misant sur des jeux intemporels (Zelda, Pokémon) plutôt que sur la course à la puissance.

Comme le résume Shuntaro Furukawa, PDG de Nintendo : "Notre objectif n’est pas de vendre le plus de consoles, mais de créer des sourires. Les chiffres suivent naturellement." Une philosophie qui a fait ses preuves… et qui pourrait bien permettre à la Switch 2 de marquer, elle aussi, l’histoire du jeu vidéo.