Il y a 28 jours
Nintendo verrouille un brevet explosif : la formule *Pokémon* sous haute protection, les indie studios en danger
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Nintendo obtient un brevet qui pourrait réécrire les règles du jeu vidéo – et les petits studios tremblent déjà.
En septembre 2025, Nintendo a officialisé aux États-Unis un brevet protégeant un *« mécanisme fondamental d’invocation de personnages pour le combat »*, une description trop proche de *Pokémon* pour être anodine. Avec une formulation volontairement large, ce document juridique menace désormais toute création s’inspirant – même de loin – de la formule qui a fait le succès de la licence. *Palworld*, déjà poursuivi pour ses *Pal Sphères* et son système de vol porté, en a fait les frais : son développeur, *Pocketpair*, a dû modifier en catastrophe des mécaniques centrales sous peine de procès. Une stratégie qui rappelle les méthodes agressives de Nintendo en matière de propriété intellectuelle, et qui pourrait étouffer l’innovation des studios indépendants. Entre monopole déguisé et protection légitime, ce brevet soulève une question brûlante : jusqu’où ira Kyoto pour verrouiller un gameplay devenu un standard du genre ?A retenir :
- Un brevet aux contours flous : Nintendo protège un *« mécanisme d’invocation en combat »*, une description assez vague pour couvrir bien plus que *Pokémon* – et inquiéter l’industrie.
- *Palworld*, première victime symbolique : *Pocketpair* a dû supprimer les *Pal Sphères* (trop proches des *Poké Balls*) et revoir le vol assisté, sous la pression juridique de Nintendo.
- Les indie studios dans le collimateur : Avec des coûts de défense prohibitifs, les petits développeurs pourraient abandonner des projets innovants par crainte des poursuites.
- Une stratégie juridique agressive : Nintendo a déjà utilisé ses brevets pour attaquer *Palworld* au Japon – ce nouveau document renforce son arsenal.
- Un précédent dangereux : Si ce brevet est appliqué à la lettre, des jeux comme *Temtem*, *Cassette Beasts* ou *Monster Hunter Stories* pourraient être menacés.
- L’innovation en péril : En verrouillant des mécaniques devenues des piliers du genre, Nintendo risque de stériliser la créativité dans le jeu vidéo.
- Réactions mitigées : Certains y voient une protection nécessaire contre le plagiat, d’autres une tentative de monopole déguisée.
Un brevet qui fait l’effet d’une bombe : Nintendo verrouille-t-il le futur des jeux de créatures ?
Le 2 septembre 2025, Nintendo a franchi une étape de plus dans sa guerre juridique pour protéger l’héritage de *Pokémon*. Le géant de Kyoto a obtenu aux États-Unis un brevet (n°[à compléter]) décrivant un *« mécanisme fondamental de jeu consistant à invoquer un personnage pour le faire combattre »*. À première vue, rien de révolutionnaire – si ce n’est que cette formulation, d’une généralité déconcertante, pourrait s’appliquer à des dizaines de jeux sans aucun lien avec *Pokémon*.
Déposé en mars 2023, ce document a été validé sans opposition par l’USPTO (*United States Patent and Trademark Office*), une décision qui surprend au vu de son potentiel disruptif. *« C’est comme si quelqu’un brevétait le fait de sauter dans un jeu de plateforme »*, s’indigne un avocat spécialisé dans le droit du jeu vidéo, sous couvert d’anonymat. *« La formulation est assez large pour couvrir *Digimon*, *Monster Hunter Stories*, voire certains aspects de *Final Fantasy*… »*
Pour comprendre l’ampleur du problème, il faut remonter à l’ADN de *Pokémon* : depuis 1996, la licence repose sur un trio indissociable – capture, dressage, combat – que des générations de joueurs ont internalisé. Or, ce brevet ne se contente pas de protéger une mécanique précise (comme le système de types ou les *Poké Balls*), mais bien l’idée même d’invoquer une créature pour affronter un adversaire. Une définition si large qu’elle frôle l’abus de droit, selon certains juristes.
*« Ce n’est pas la première fois que Nintendo utilise des brevets pour étouffer la concurrence »*, rappelle Julien Kaibeck, journaliste spécialisé dans l’industrie du jeu vidéo. *« En 2024, le procès contre *Palworld* a montré à quel point Kyoto était prêt à aller loin pour défendre son pré carré. »* Et pour cause : le studio *Pocketpair* a dû revoir entièrement des éléments clés de son jeu, sous peine de se voir interdire sa commercialisation au Japon.
*Palworld*, cobaye malgré lui : quand Nintendo force les studios à plier
Le cas *Palworld* est emblématique. Dès sa sortie en janvier 2024, le *« Pokémon with guns »* (comme le surnommaient certains joueurs) a attiré les foudres de Nintendo. Le géant nippon a rapidement pointé du doigt :
- Les *Pal Sphères*, des objets de capture quasi identiques aux *Poké Balls* (brevet n°7545191).
- Le système de vol porté par des créatures, inspiré des *Pokémon* comme *Dodrio* ou *Noadkoko* (brevet n°7528390).
- L’animation de capture, jugée trop proche de celle des jeux *Pokémon*.
*« Nous avons reçu une lettre de mise en demeure deux semaines après le lancement »*, confie Takuro Mizobe, cofondateur de *Pocketpair*, dans une interview accordée à Famitsu. *« Le ton était clair : soit nous modifiions le jeu, soit nous risquions un procès coûteux. »* Le studio a dû agir en urgence, supprimant les *Pal Sphères* (remplacées par des *Pal Gear* moins controversées) et retravaillant les animations de vol. *« Cela nous a coûté des mois de développement et une partie de notre identité visuelle »*, regrette-t-il.
Pourtant, *Palworld* n’est pas un simple clone. Le jeu mise sur un ton plus mature (armes à feu, survie), une économie complexe et un système de construction de base absent chez *Pokémon*. *« Nous avions volontairement évité les mécaniques trop proches, comme les types ou les évolutions »*, explique Mizobe. *« Mais Nintendo a ciblé des éléments basiques, comme l’acte même de lancer une créature au combat. »* Un comble, quand on sait que des jeux comme *Digimon Story* ou *Yo-Kai Watch* exploitent des systèmes similaires sans jamais avoir été inquiétés.
*« La différence ? *Palworld* a cartonné, et Nintendo ne supporte pas la concurrence »*, analyse Marie-Laure Ryan, économiste spécialisée dans les monopoles culturels. *« Quand un indie dépasse les 10 millions de ventes en un mois, cela devient une menace. »* Preuve en est : des titres comme *Temtem* (2022) ou *Cassette Beasts* (2023), bien que moins populaires, n’ont jamais été poursuivis – peut-être parce que leur audience restait confidentielle.
Indie studios : l’innovation sous surveillance
Si les géants comme Square Enix (*Final Fantasy*) ou Atlus (*Persona*) peuvent dormir sur leurs deux oreilles – leurs franchises sont assez établies pour résister à une attaque juridique –, les petits développeurs sont en première ligne. *« Un brevet comme celui-ci, c’est une épée de Damoclès »*, s’inquiète Thomas « Tom » Francis, créateur de *Heat Signature* et ancien journaliste chez *PC Gamer*. *« Même si votre jeu est original à 90%, il suffit d’un mécanisme vaguement similaire pour que Nintendo vous traîne en justice. »*
Le problème ? Les coûts exorbitants d’un procès aux États-Unis ou au Japon. *« Une plainte pour contrefaçon, c’est 50 000 à 200 000 dollars rien que pour la défense initiale »*, estime Me Sophie Martin, avocate en propriété intellectuelle. *« Pour un studio indie, c’est souvent la faillite assurée. »* Résultat : beaucoup préfèrent céder aux exigences de Nintendo plutôt que de risquer le tout pour le tout.
*« Nous avons abandonné un projet de jeu de monstres en 2023 après avoir vu ce qui arrivait à *Palworld* »*, confie un développeur sous anonymat, dont le studio est basé en Europe. *« Même si notre système était différent, le risque était trop grand. »* Une auto-censure qui pourrait se généraliser, selon les observateurs. *« Si Nintendo continue sur cette voie, nous allons vers une industrie où seuls les géants pourront innover »*, craint Kaibeck.
Pourtant, des voix s’élèvent pour défendre la démarche de Nintendo. *« Protéger ses mécaniques, c’est normal »*, argue Kenji Ito, game designer chez *Game Freak*. *« Imaginez si n’importe qui pouvait copier le système de combat de *Street Fighter* ou les *Souls-like* sans conséquences. »* Mais la comparaison boite : unlike les jeux de combat, où les mécaniques sont techniquement complexes et brevetables (ex. : le système de *parry* dans *Tekken*), le brevet de Nintendo couvre une idée abstraite – celle d’invoquer une créature.
*« C’est comme breveter le fait de tirer avec une arme dans un FPS »*, ironise Francis. *« Où s’arrête la protection, et où commence l’étouffement de la créativité ? »* La question est d’autant plus brûlante que le genre des *« monster tamers »* (jeux de dressage de créatures) est en plein essor, porté par des titres comme *Monster Sanctuary* ou *Ooblets*.
Derrière le brevet : une stratégie à double tranchant
Pourquoi Nintendo prend-il ce risque ? La réponse tient en trois mots : contrôle, monopole, héritage. *« Pokémon est la franchise la plus rentable de l’histoire du jeu vidéo, avec plus de 140 milliards de dollars de revenus depuis 1996 »*, rappelle Ryan. *« Protéger son modèle, c’est protéger ses profits. »*
Mais cette stratégie a un coût invisible : celui de la réputation. *« Nintendo était autrefois vu comme un acteur bienveillant, proche des fans »*, note Kaibeck. *« Aujourd’hui, on le perçoit comme un géant prêt à écraser les petits pour garder son trône. »* Un changement d’image qui pourrait, à long terme, aliéner une partie de sa communauté.
*« Regardez ce qui est arrivé à *Konami* après ses poursuites contre les fans de *Metal Gear* »*, compare Francis. *« Les joueurs ont la mémoire longue. »* D’autant que Nintendo n’est pas à l’abri d’un effet boomerang : si le brevet est jugé trop large, il pourrait être invalidé par les tribunaux, comme ce fut le cas pour certains brevets d’Apple ou de Samsung dans les années 2010.
*« Juridiquement, ce brevet est une bombe à retardement »*, prédit Me Martin. *« Soit Nintendo l’utilise avec parcimonie, soit il risque de se retourner contre eux. »* Car en verrouillant une mécanique aussi basique, Kyoto ouvre la porte à des contre-attaques : et si un autre studio brevétait, par exemple, *« le fait de sauter sur des plateformes »* ? *« Nous entrons dans une ère où les idées les plus simples deviennent des armes juridiques »*, conclut-elle.
Et maintenant ? Trois scénarios pour l’avenir des « monster tamers »
Face à ce brevet, trois issues semblent possibles pour les développeurs :
- L’évitement pur et simple : Les studios contourneront les mécaniques brevetées, au risque de perdre en originalité. *« On va voir fleurir des jeux où les créatures se battent sans être ‘invoquées’ »*, prédit Francis. *« Par exemple, elles pourraient être déjà sur le champ de bataille, comme dans *Auto Chess*. »*
- La contre-attaque juridique : Un studio pourrait contester le brevet devant l’USPTO, en prouvant qu’il est trop vague ou qu’il existe des antécédents (des jeux plus anciens utilisant des mécaniques similaires). *« Ce serait long et coûteux, mais pas impossible »*, estime Me Martin.
- L’innovation forcée : Certains développeurs pourraient réinventer le genre, en créant des systèmes hybrides. *« Imaginez un jeu où les créatures ne combattent pas directement, mais influencent l’environnement »*, propose Mizobe. *« Cela pourrait donner naissance à de nouvelles mécaniques. »*
*« Dans tous les cas, ce brevet va changer la donne »*, résume Ryan. *« Soit les indie studios disparaissent, soit ils deviennent plus créatifs que jamais. »* Une chose est sûre : l’ère des *« Pokémon-like »* sans risque juridique est révolue.
Le mot de la fin : un brevet qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses
*« Est-ce que Nintendo protège son œuvre… ou étouffe un genre entier ? »* La question, posée par Takuro Mizobe lors d’une conférence en 2024, résume parfaitement le débat. Ce brevet, par son ambiguïté même, pourrait :
- Stimuler l’innovation en forçant les développeurs à sortir des sentiers battus.
- Créer un climat de peur, où seuls les géants oseront investir dans des jeux de créatures.
- Donner lieu à des procès historiques, redéfinissant les limites de la propriété intellectuelle dans le jeu vidéo.
*« Une chose est sûre : nous ne sommes qu’au début de cette histoire »*, conclut Francis. *« Et comme toujours quand Nintendo s’en mêle, cela va être passionnant… et un peu effrayant. »*