Il y a 7 jours
Palworld : Pourquoi Pocketpair Dit Non à l’IA Générative (Et Assume)
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Un coup de pied dans la fourmilière technologique
Alors que l’industrie du jeu vidéo s’emballe pour l’IA générative, Pocketpair, le studio derrière le phénomène Palworld, prend le contre-pied. Pas de partenariats avec des développeurs utilisant l’IA, le Web3 ou les NFT. Leur credo ? "Si votre jeu en dépend, passez votre chemin." Une position radicale, presque provocante, dans un secteur où des mastodontes comme EA investissent massivement dans ces technologies. Mais derrière ce refus, une stratégie claire : miser sur l’authenticité artisanale pour éviter la "marée de jeux bas de gamme" qui, selon eux, menace Steam. Même les rumeurs persistantes sur l’utilisation d’IA dans Palworld ? Balayées d’un revers de main, jugées "stériles". Un pari risqué, ou une vision avant-gardiste ?
A retenir :
- Pocketpair interdit tout partenariat avec des jeux utilisant IA générative, Web3 ou NFT — une première dans l’industrie.
- Le studio anticipe une "ère de jeux bas de gamme" sur Steam, saturé par des titres générés par IA, et mise sur l’artisanat pour se différencier.
- Malgré les accusations récurrentes sur l’usage d’IA dans Palworld, le studio les ignore, qualifiant les débats de "perte de temps".
- Une position en opposition frontale avec des géants comme EA, qui intègrent massivement l’IA dans leurs processus de création.
- Stratégie risquée ou coup de génie ? Pocketpair assume un choix éditorial qui divise, mais pourrait séduire les joueurs en quête d’originalité.
"On ne croit pas en l’IA" : La Déclaration Choc de Pocketpair
Le ton est donné, et il est sans appel. John Buckley, directeur de la communication de Pocketpair, a balayé toute ambiguïté lors d’une récente interview : "Nous n’y croyons pas. Si votre jeu repose sur l’IA générative, le Web3 ou les NFT, ne venez même pas nous voir." Une prise de position qui a de quoi surprendre, alors que l’industrie du jeu vidéo semble, elle, de plus en plus séduit par ces outils. Chez Electronic Arts (EA), par exemple, l’IA est présentée comme un "levier d’innovation" capable d’accélérer la production de contenus. Mais pour Pocketpair, c’est une impasse.
Le studio japonais, connu pour son titre à succès Palworld — souvent comparé à un mélange entre Pokémon et ARK: Survival Evolved —, assume un refus catégorique. Pas de demi-mesure, pas de compromis. Une radicalité qui interroge : s’agit-il d’un coup marketing pour se démarquer, ou d’une conviction profonde ? Buckley, lui, ne tergiverse pas : "L’IA générative, c’est comme du fast-food. Ça remplit l’estomac, mais ça n’a ni âme ni saveur."
Cette métaphore culinaire n’est pas anodine. Elle résume à elle seule la philosophie du studio : privilégier la qualité artisanale face à une production de masse standardisée. Une approche qui rappelle celle de petits studios indépendants comme Mojang (avant son rachat par Microsoft) ou Supergiant Games, où chaque détail est pensé, retravaillé, humain. Mais dans un marché dominé par les AAA et leurs budgets pharaoniques, ce choix est-il encore viable ?
Steam, Futur Dépotoir de Jeux Générés par IA ? La Crainte de Pocketpair
Derrière ce refus, une inquiétude majeure : celle de voir Steam, la plateforme de distribution dominante, submergée par une vague de jeux "low-cost" produits à la chaîne grâce à l’IA. Buckley évoque une "ère de jeux bas de gamme", où la créativité serait sacrifiée sur l’autel de la rentabilité. "Imaginez des centaines de titres sortis chaque jour, tous similaires, tous générés par des algorithmes. Comment se démarquer dans ce bruit ?" s’interroge-t-il.
Le phénomène n’est pas nouveau. Dès 2023, des outils comme Midjourney ou Stable Diffusion ont permis à des développeurs solo de créer des assets (personnages, décors) en quelques clics. Résultat : une explosion de jeux sur Steam, souvent critiqués pour leur manque d’originalité. Pocketpair craint que cette tendance ne s’amplifie, réduisant la visibilité des titres faits main. "Dans cinq ans, dire qu’un jeu est 100% humain pourrait devenir un argument de vente", prédit Buckley, non sans une pointe d’ironie.
Pourtant, cette vision est loin de faire l’unanimité. Certains développeurs, comme Tim Sweeney (PDG d’Epic Games), voient dans l’IA un "outil complémentaire" capable de libérer du temps pour les tâches créatives. "L’IA peut gérer les aspects répétitifs, permettant aux artistes de se concentrer sur l’essentiel", arguait-il lors de la GDC 2024. Un discours aux antipodes de celui de Pocketpair, qui y voit une menace pour l’emploi et la diversité des jeux.
Palworld dans la Tourmente : Pourquoi les Accusations d’IA ne Font Pas Trembler le Studio
Ironie du sort, Pocketpair est lui-même régulièrement accusé d’avoir utilisé l’IA pour développer Palworld. Des joueurs et des artistes ont pointé du doigt des similitudes troublantes entre certains modèles 3D du jeu et des créations générées par IA. Des allégations que le studio a toujours niées, sans pour autant fournir de preuves contraires.
Interrogé sur le sujet, Buckley a adopté une posture pour le moins déconcertante : "Ces débats sont stériles. Que nous ayons utilisé ou non l’IA, le résultat est là : Palworld est un jeu qui plaît. Le reste, c’est du bruit." Une réponse qui a le mérite d’être claire, mais qui laisse dubitatifs certains observateurs. "Si ils n’ont rien à se reprocher, pourquoi ne pas publier les fichiers sources pour prouver leur bonne foi ?" s’interroge Julien Chièze, journaliste spécialisé chez Canard PC.
Cette stratégie du "no comment" pourrait pourtant se retourner contre Pocketpair. Dans un secteur où la transparence devient un enjeu majeur — notamment avec les scandales liés aux conditions de travail chez des studios comme Activision ou Ubisoft —, le silence peut être interprété comme une forme d’aveu. Pourtant, le studio semble assumé ce risque, préférant se concentrer sur l’avenir : "Notre priorité, c’est de continuer à créer des jeux qui marquent. Le reste, c’est du vent."
L’Artisanat contre la Machine : Une Stratégie Gagnante ou un Pari Dangereux ?
En refusant l’IA, Pocketpair fait un choix audacieux, mais pas sans risques. D’un côté, cette position séduit une partie des joueurs, lassés des titres formatés et assoiffés d’authenticité. "Enfin un studio qui ose dire non à la facilité !" peut-on lire sur les forums Reddit dédiés à Palworld. De l’autre, elle pourrait limiter les partenariats et ralentir la production, dans un marché où la rapidité est souvent synonyme de succès.
Pour Nicolas Turcey, analyste chez Newzoo, cette stratégie pourrait cependant payer à long terme : "Dans un océan de jeux génériques, les titres artisanaux deviennent des ovnis. Pocketpair mise sur une niche, mais une niche très rentable : celle des joueurs prêts à payer pour de l’originalité." Un pari qui rappelle celui de FromSoftware avec Dark Souls, ou de CD Projekt Red avec The Witcher 3 — des jeux où la qualité prime sur la quantité.
Reste une question : comment Pocketpair compte-t-il concilier cette philosophie avec les attentes d’un public toujours plus exigeant ? Le studio, qui travaille déjà sur un nouveau projet (nom de code "Project B"), devra prouver qu’il peut rivaliser avec des géants comme Nintendo ou Sony sans céder aux sirènes de l’IA. "Notre force, c’est notre équipe. Pas des algorithmes", conclut Buckley. Un credo qui, s’il est tenu, pourrait bien redéfinir les standards de l’industrie.
Derrière les Coulisses : Pourquoi Ce Refus Cache une Vision Plus Large
Ce que peu de gens savent, c’est que la méfiance de Pocketpair envers l’IA ne date pas d’hier. Dès 2019, avant même le succès de Palworld, le studio expérimentait des outils d’automatisation… pour mieux les rejeter. "On a essayé de générer des textures avec des IA. Résultat ? Des assets froids, sans âme. On a tout jeté à la poubelle", confie un développeur sous couvert d’anonymat.
Cette expérience a marqué un tournant. Plutôt que de voir l’IA comme un gain de temps, l’équipe y a vu une perte de contrôle créatif. "Un jeu, c’est comme une peinture. Si vous utilisez un pinceau robotisé, même si le trait est parfait, l’émotion disparaît", explique Takuro Mizobe, le directeur artistique du studio. Une philosophie qui transparaît dans chaque détail de Palworld, des animations des Pals (les créatures du jeu) à la bande-son, composée sans aucun sample généré par IA.
Cette rigueur a un coût. Les délais de développement de Palworld ont été allongés de plusieurs mois, et le budget a explosé. "On aurait pu sortir le jeu six mois plus tôt avec de l’IA. Mais à quel prix ?" questionne Mizobe. Le studio assume donc un modèle économique plus lent, mais, selon eux, plus durable. "Les joueurs sentent quand un jeu est fait avec passion. Et ça, aucune IA ne peut le reproduire."
La position de Pocketpair est un électrochoc dans une industrie de plus en plus tentée par les raccourcis technologiques. En disant "non" à l’IA générative, le studio ne rejette pas seulement une méthode de production — il défend une certaine idée du jeu vidéo, humaine, imparfaite, mais unique. Reste à voir si cette approche résistera à l’épreuve du temps, dans un marché où la vitesse et le volume dominent.
Une chose est sûre : avec Palworld, le studio a prouvé qu’un jeu artisanal pouvait rivaliser avec les mastodontes. Leur prochain projet, "Project B", sera le vrai test. Si les joueurs suivent, Pocketpair pourrait bien devenir le fer de lance d’une contre-révolution créative. Sinon, leur refus de l’IA restera un pied de nez isolé — et peut-être un peu naïf — dans l’océan du gaming moderne.

