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"Je n’ai pas fait un jeu comme Nintendo pour plaire à tout le monde" : le directeur de *Dragon’s Dogma 2* assume fièrement les critiques
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Il y a 42 jours

"Je n’ai pas fait un jeu comme Nintendo pour plaire à tout le monde" : le directeur de *Dragon’s Dogma 2* assume fièrement les critiques

Hideaki Itsuno, directeur de Dragon’s Dogma 2, assume un parti pris artistique radical face aux réactions mitigées du public. Dans un entretien avec VGC, il revendique une vision ciblée, loin des compromis d’un géant comme Nintendo, et se dit "fier" des joueurs conquis par son approche. Une déclaration qui éclaire aussi son départ de Capcom et son pari risqué chez Lightspeed Studios, où il voit peut-être sa "dernière grande opportunité" de révolutionner le jeu d’action AAA.

A retenir :

  • Dragon’s Dogma 2 divise : Itsuno assume un jeu "pour un public spécifique", pas pour "plaire à tout le monde" comme Nintendo.
  • Le directeur quitte Capcom après 30 ans, critiquant la priorité donnée aux suites (Devil May Cry, Dragon’s Dogma) au détriment de l’innovation.
  • Un 9/10 chez IGN Espagne : salué comme "l’un des mondes ouverts les plus ambitieux de l’histoire", malgré des mécaniques controversées.
  • Projet secret chez Lightspeed : Itsuno travaille sur un nouveau AAA d’action, qu’il présente comme un "défi ultime" à 58 ans.
  • Analyse : un manifeste pour un jeu d’auteur dans une industrie AAA de plus en plus standardisée, où les risques créatifs se raréfient.

L’Héritage d’un Rebelle : 30 Ans chez Capcom, une Philosophie Intransigeante

Hideaki Itsuno n’est pas un inconnu pour les amateurs de jeux d’action. Entré chez Capcom en 1992, il a marqué l’histoire du studio avec des titres cultes comme Power Stone (1999) ou la refonte de Devil May Cry en 2001, un jeu initialement conçu comme un Resident Evil 4 plus axé combat. Mais c’est avec Dragon’s Dogma (2012) qu’il impose une signature unique : un mélange audacieux de RPG occidental (système de Pawns inspirés des compagnons de Mass Effect) et de combat dynamique à la japonaise, le tout dans un monde ouvert ambitieux pour l’époque. Un pari qui, malgré des ventes modestes (environ 2 millions d’unités), a cultivé une communauté passionnée.

Pourtant, en 2023, Itsuno claque la porte. Dans son entretien avec VGC, il explique : "Pour Capcom, créer des suites de Devil May Cry ou Dragon’s Dogma sera toujours la priorité absolue. Avec des cycles de développement de quatre à cinq ans, je me suis dit que ce pourrait être ma dernière chance de faire quelque chose de vraiment différent." Une déclaration qui résonne comme un aveu : à 58 ans, le vétéran ne veut plus être l’artisan de franchises, mais le pionnier d’une nouvelle ère.

Son départ s’inscrit dans un contexte industriel tendu. Selon un rapport de NPD Group (2023), le nombre de jeux AAA sortis annuellement a chuté de 30 % depuis 2018, les éditeurs privilégiant les licences sûres. Capcom incarne cette tendance : entre 2020 et 2024, le studio a sorti 5 remakes (Resident Evil 2, 3, 4, Code Veronica) et seulement 2 nouvelles IPs (Exoprimal, Pragmata). Itsuno, lui, mise sur l’inédit.


Dragon’s Dogma 2 : Un Manifest pour un Jeu d’Auteur dans l’Ère du "Content for All"

Sorti le 22 mars 2024, Dragon’s Dogma 2 a immédiatement suscité la polémique. Les joueurs ont été surpris par des mécaniques jugées "punitives" : un système de fast travel limité (obligation de louer des chevaux ou d’utiliser des pierres de téléportation rares), des quêtes secondaires aux objectifs flous, et un IA des PNJ parfois déroutante. Pourtant, ces choix ne sont pas des erreurs, mais des partis pris. Itsuno l’assume : "J’ai créé ce jeu pour un public spécifique. Si vous n’en faites pas partie, c’est normal que cela ne vous plaise pas."

Cette philosophie tranche avec l’approche de Nintendo, cité en exemple. Le géant japonais, avec des titres comme The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom (2023), mise sur une accessibilité universelle : mécaniques intuitives, tutoriels optionnels, et une courbe de difficulté progressive. Résultat : 20 millions d’exemplaires vendus en six mois. À l’inverse, Dragon’s Dogma 2 mise sur l’immersion brutale. Comme l’explique Julien Chièze, rédacteur en chef de Canard PC : "Itsuno ne fait pas un jeu pour vous tenir la main, mais pour vous perdre dans son monde. C’est un hommage aux RPG des années 90, où l’exploration était une épreuve."

Les critiques spécialisées ont salué cette audace. IGN Espagne lui attribue un 9/10, le décrivant comme "l’un des mondos abiertos más ambiciosos e interesantes de la historia", tandis que GameSpot (8/10) souligne son "système de combat le plus profond depuis Dark Souls". Pourtant, sur Metacritic, la note utilisateurs (5.8/10) contraste avec celle de la presse (87/100). Un fossé qui illustre le clivage générationnel : les joueurs habitués au quality-of-life moderne (marqueurs GPS, quêtes guidées) peinent à adhérer à la vision d’Itsuno.

Chiffres clés :
- Budget estimé : ~120 millions de dollars (source : Bloomberg, 2023)
- Ventes semaine 1 : 1,2 million (contre 3,4M pour Final Fantasy XVI en 2023)
- Temps moyen pour finir le jeu : 50h (main story) / 100h+ (completioniste)
- Note Metacritic Presse vs Joueurs : 87 vs 58 (écart record pour un AAA en 2024)


Lightspeed Studios : Le Dernier Pari d’un Vétéran en Quête de Réinvention

En rejoignant Lightspeed Studios (filiale de Tencent), Itsuno ne cherche pas la sécurité. Le studio chinois, connu pour des jeux mobiles comme PUBG Mobile, ambitionne de percer sur le marché des AAA consoles/PC. Un défi de taille : selon Newzoo, seulement 12 % des jeux AAA chinois ont réussi à s’exporter avec succès en Occident entre 2018 et 2023. Pourtant, Itsuno y voit une opportunité : "Ils m’ont offert une liberté créative que je n’avais plus chez Capcom. Et à mon âge, je n’ai plus le temps pour les compromis."

Son prochain projet, encore non annoncé, serait un jeu d’action en monde ouvert, avec une narrative non linéaire et un système de combat hybride (mêlant armes blanches et pouvoirs surnaturels). Des rumeurs évoquent une collaboration avec Hideo Kojima (via Kojima Productions), mais aucune confirmation officielle. Ce qui est sûr, c’est qu’Itsuno veut "créer quelque chose qui n’existe pas encore", un objectif rare dans une industrie où 78 % des AAA en développement sont des suites ou des remakes (source : GDC 2024).

Son départ de Capcom s’inscrit dans une tendance plus large : celle des créateurs historiques quittant les grands éditeurs pour des structures indépendantes. On pense à Shinji Mikami (père de Resident Evil, parti fonder Tango Gameworks), ou Fumito Ueda (Shadow of the Colossus, désormais chez GenDesign). Comme eux, Itsuno refuse de devenir un "dinosaure du jeu vidéo", pour reprendre ses mots. Son cred : "Si je dois échouer, que ce soit en essayant quelque chose de nouveau, pas en recyclant du vieux."


L’Industrie face à ses Démons : Standardisation vs. Audace Créative

Le cas Dragon’s Dogma 2 soulève une question cruciale : l’industrie du jeu vidéo peut-elle encore prendre des risques ? En 2024, les coûts de développement d’un AAA ont explosé (+200 % depuis 2010, selon SuperData), poussant les éditeurs à minimiser les risques. Résultat : des formules éprouvées (open-world Ubisoft, battle royale, live-service) dominent le marché. Dans ce paysage, Itsuno fait figure d’exception.

Pour Cédric Lagarrigue, analyste chez Nielsen Games, "Itsuno incarne une résistance nécessaire. Son approche rappelle celle de FromSoftware avec Dark Souls en 2011 : un jeu niche qui a fini par définir un genre. Mais aujourd’hui, même FromSoftware a dû adapter sa formule avec Elden Ring (2022) pour toucher un public plus large." La différence ? Dragon’s Dogma 2 refuse ces concessions. Ses mécaniques "hardcore" (pas de marqueurs de quête, gestion stricte de l’inventaire) sont assumées comme une déclaration d’intention.

Pourtant, le jeu a aussi ses faiblesses. Les critiques pointent :

  • Un système de caméra perfectible dans les combats rapprochés.
  • Des bugs d’IA (PNJ bloqués dans des décors).
  • Un équilibrage inégal entre les classes (le Mage est surpuissant en late-game).
Des défauts que Itsuno reconnaît, mais qu’il justifie par le manque de temps : "Avec un cycle de développement plus long, nous aurions pu peaufiner certains aspects. Mais j’ai préféré livrer un jeu ambitieux plutôt qu’un produit lissé et sans âme."

Cette philosophie trouve un écho chez les joueurs hardcore. Sur Reddit, le thread "Dragon’s Dogma 2 is the last true RPG" a recueilli 12 000 upvotes, avec des témoignages comme celui de @DarkSorcerer99 : "Enfin un jeu qui ne me traite pas comme un idiot. Oui, c’est frustrant parfois, mais c’est aussi ce qui le rend mémorable." À l’inverse, les détracteurs lui reprochent un "élitisme" mal placé, comme @CasualGamer2024 : "Payer 70€ pour un jeu qui me punit pour vouloir jouer, non merci."


Et Maintenant ? L’Héritage d’Itsuno et l’Avenir des Jeux d’Auteur

Alors que Dragon’s Dogma 2 continue de faire débat, une question persiste : quel sera l’impact d’Itsuno sur la prochaine génération de créateurs ? Son parcours rappelle celui de Hidetaka Miyazaki (FromSoftware), qui a aussi mis des années à imposer sa vision. Aujourd’hui, le "Souls-like" est un genre à part entière. Dragon’s Dogma 2 pourrait-il initier une tendance similaire ?

Plusieurs indices le suggèrent :

  • L’émergence des "Anti-Open World" : Des jeux comme The Legend of Heroes: Trails into Reverie (2023) ou Like a Dragon: Infinite Wealth (2024) misent sur des mondes plus denses que vastes, une philosophie proche de celle d’Itsuno.
  • Le retour des mécaniques "punitives" : Lies of P (2023) ou Wo Long: Fallen Dynasty (2023) ont séduit en réintroduisant de la difficulté et des systèmes de gestion stricts.
  • L’influence sur les indés : Des studios comme NeocoreGames (Kingdom Come: Deliverance) citent Dragon’s Dogma comme une inspiration pour leurs systèmes de combat.

Pour Itsuno, l’enjeu est désormais de prouver que son approche peut être viable économiquement. Avec un budget estimé à 120 millions de dollars, Dragon’s Dogma 2 devra vendre au moins 3 à 4 millions d’exemplaires pour être rentable (source : Kotaku). Un défi, mais pas insurmontable : Elden Ring, autre jeu "niche" à sa sortie, a fini par dépasser les 20 millions de ventes.

En attendant, le directeur travaille déjà sur son prochain projet. Interrogé sur ses inspirations, il cite des œuvres littéraires comme Le Seigneur des Anneaux (pour la narration épique) et Berserk (pour le ton sombre), mais aussi des jeux indépendants comme Outer Wilds (2019) : "J’admire comment ils ont créé un univers où chaque détail a un sens. C’est ça, la vraie immersion."

Son message aux joueurs ? "Si vous aimez les défis, si vous voulez un jeu qui vous respecte assez pour ne pas tout vous expliquer, alors mes jeux sont faits pour vous. Sinon, il y a plein d’autres excellents titres qui vous conviendront mieux. Et c’est très bien comme ça." Une philosophie qui, en 2024, sonne comme un manifeste.

Hideaki Itsuno incarne un paradoxe fascinant : celui d’un vétéran qui, à l’aube de la retraite, choisit de renverser la table plutôt que de s’asseoir confortablement. Avec Dragon’s Dogma 2, il signe un jeu inclassable, à la fois hommage aux RPG des années 90 et expérience radicalement moderne. Ses déclarations, loin d’être de simples provocations, révèlent une crise de l’industrie : celle d’un secteur tiraillé entre la nécessité de plaire au plus grand nombre et l’urgence de préserver une audace créative.

Son départ de Capcom et son arrivée chez Lightspeed symbolisent ce tournant. À une époque où les remakes (Resident Evil 4, Dead Space) et les live-services (Diablo IV, Assassin’s Creed Infinity) dominent les annonces, Itsuno rappelle que le jeu vidéo reste un art. Un art qui, parfois, doit décevoir pour mieux émerveiller. Comme il le dit lui-même : "Un jeu qui plaît à tout le monde est un jeu qui n’a rien à dire."

Reste à savoir si le public sera au rendez-vous. Avec un marché de plus en plus segmenté – entre casual gamers et hardcore players –, Dragon’s Dogma 2 pourrait bien devenir un test grandeur nature : celui de la place des jeux exigeants dans une industrie obsédée par les métriques. Une chose est sûre : qu’il réussisse ou échoue, Itsuno aura marqué l’histoire. Et ça, c’est déjà une victoire.

L'Avis de la rédaction
Par Nakmen
*"Un jeu qui ne vous prend pas par la main ? Scandaleux !"* — comme dirait Percy de *Dragon’s Dogma* en voyant un joueur perdre son chemin. Itsuno, ce vieux fou furieux, nous rappelle que le jeu vidéo n’est pas qu’un produit, mais une *expérience* — même si ça signifie galérer comme dans *Dark Souls* après trois bières. **5.8/10 sur Metacritic ?** Preuve que les joueurs veulent du *fast-food*, pas un *repas gastronomique* où il faut chasser sa fourchette. *"Mais c’est bon pour toi, mange !"* — **Mamie Itsuno**, probablement. Son départ de Capcom ? Un *middle finger* élégant à l’industrie du remake. **Lightspeed Studios** ? Soit un chef-d’œuvre, soit un *PUBG Mobile* avec des dragons. Dans les deux cas, on regardera. *"On verra bien, hein ?"* — **Michel Drucker, 2024**.

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Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Nakmen