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EA sous pression : BioWare et DICE en danger après le rachat record de 55 milliards ?
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Un rachat historique qui fait trembler l’industrie du jeu vidéo
Avec une dette colossale de 20 milliards de dollars à rembourser après son rachat pour 55 milliards par un consortium mené par le fonds saoudien PIF, **EA** se prépare à des restructurations radicales. Les studios emblématiques **BioWare** (Dragon Age: The Veilguard) et **DICE** (Battlefield 6) sont dans la ligne de mire, tandis que même **Maxis** (The Sims), pourtant ultra-rentable, n’est pas totalement à l’abri. Licenciements massifs, cessions de studios et recentrage sur les licences les plus lucratives : voici ce qui attend l’éditeur dans les mois à venir.A retenir :
- 55 milliards de dollars : le rachat d’EA par le PIF et Silver Lake devient le plus gros LBO de l’histoire, avec une dette de 20 milliards à éponger.
- BioWare et DICE en première ligne : leurs derniers jeux (Dragon Age: The Veilguard et Battlefield 6) pourraient sceller leur sort.
- Même Maxis (The Sims), pourtant générateur de 1,8 milliard de dollars depuis 2014, n’est pas intouchable.
- Des licenciements "inévitables" selon les analystes, y compris dans les divisions les plus rentables.
- Une stratégie financière à court terme qui enterre les promesses de "créativité audacieuse" brandies lors du rachat.
Un rachat record aux conséquences explosives
Quand le fonds souverain saoudien PIF et le géant de l’investissement Silver Lake annoncent le rachat d’Electronic Arts pour 55 milliards de dollars, l’industrie retient son souffle. Non seulement parce que cette opération pulvérise tous les records en matière de leveraged buyout (LBO), mais surtout à cause de son corollaire immédiat : une dette abyssale de 20 milliards que l’éditeur devra rembourser dans les années à venir. Pour les analystes, la donne est claire : EA va devoir serrer la vis. Très fort.
"Les LBO de cette envergure s’accompagnent systématiquement de plans de restructuration agressifs", explique David Cole, analyste chez DFC Intelligence. "L’objectif ? Réduire les coûts à tout prix pour rembourser la dette, quitte à sacrifier des pans entiers de l’entreprise." Dans le collimateur : les studios dont les performances ne justifient plus leur coût. Et parmi eux, deux noms reviennent sans cesse : BioWare et DICE.
BioWare : l’icône devenue fardeau
Il fut un temps où BioWare était synonyme d’excellence narrative et d’innovation. Mass Effect, Dragon Age, Star Wars: Knights of the Old Republic… Des licences qui ont marqué l’histoire du jeu vidéo. Pourtant, aujourd’hui, le studio canadien est au bord du précipice. La faute à Dragon Age: The Veilguard, sorti en 2024, dont les ventes et les critiques ont été bien en deçà des attentes d’EA. "Un échec cuisant", résume un ancien employé sous couvert d’anonymat.
Après des vagues de licenciements répétées (plus de 50 postes supprimés en 2023, selon Bloomberg), l’équipe restante planche désormais sur le prochain Mass Effect, un projet qui pourrait soit sauver le studio… soit accélérer sa chute. "Si ce jeu ne performe pas, BioWare deviendra un actif toxique", prédit Michael Pachter, analyste chez Weddbush Securities. "Dans ce cas, EA aura tout intérêt à le vendre, ne serait-ce que pour récupérer une partie de ses investissements."
Ironie de l’histoire : c’est précisément parce que BioWare a encore une valeur symbolique (son héritage, ses licences) qu’il pourrait attirer des repreneurs. Embracer Group, connu pour ses rachats de studios en difficulté, est souvent cité. Mais à quel prix ? "Personne ne paiera le prix fort pour un studio en crise créative", tempère un investisseur proche du dossier.
DICE et Battlefield 6 : le dernier round ?
De l’autre côté de l’Atlantique, en Suède, DICE retient son souffle. Le studio, historique chez EA, mise tout sur Battlefield 6, un FPS conçu pour rivaliser avec Call of Duty. Problème : après l’échec relatif de Battlefield 2042 (sorti en 2021), la marge d’erreur est quasi nulle. "Si Battlefield 6 ne cartonne pas dès sa sortie, DICE sera dans une position intenable", avertit Serge Hasson, consultant en stratégie jeu vidéo.
Pourtant, le studio a des atouts : une expertise reconnue en multijoueur, une technologie maison (le moteur Frostbite), et une communauté fidèle. Mais dans l’équation financière d’EA, ces arguments pèsent peu face aux chiffres. "Les actionnaires veulent du ROI [retour sur investissement], pas des promesses", rappelle David Cole. "Si Battlefield 6 ne génère pas au moins 500 millions de dollars la première année, DICE deviendra un candidat idéal à la cession."
Qui pourrait reprendre le flambeau ? Microsoft est souvent évoqué, notamment pour renforcer son catalogue Xbox Game Studios en FPS. Mais là encore, le prix sera un facteur clé. "EA ne bradera pas DICE, mais elle ne refusera pas une offre sérieuse", estime un source interne.
Maxis et The Sims : intouchable… vraiment ?
Si BioWare et DICE sont en danger, Maxis, lui, devrait être à l’abri. Grâce à The Sims 4, le studio génère des revenus récurrents faramineux : plus de 1,8 milliard de dollars depuis son lancement en 2014, selon les chiffres officiels d’EA. Une machine à cash qui semble intouchable.
Pourtant, même Maxis n’est pas totalement hors de danger. "Tout dépend du prix", nuance David Cole. "Si un acteur comme Tencent ou NetEase propose une somme astronomique, EA pourrait être tentée. Après tout, The Sims est une licence mature, avec un public fidèle. Un repreneur pourrait en tirer encore plus de valeur."
Un scénario qui reste peu probable, mais révélateur de l’état d’esprit actuel : dans le nouveau monde post-LBO d’EA, rien n’est sacré. Pas même les vaches à lait. "Les actionnaires veulent maximiser la valeur à court terme", explique un cadre d’EA sous anonymat. "Si vendre Maxis permet de rembourser une partie de la dette, la direction y réfléchira à deux fois… mais pas plus."
Licenciements massifs : l’inévitable purge
Au-delà des cessions de studios, c’est l’ensemble des effectifs d’EA qui risque de payer le prix fort. "Les LBO sont synonymes de réductions de coûts massives", rappelle Michael Pachter. "EA va devoir supprimer des centaines, voire des milliers de postes pour allégement sa structure."
Les premiers touchés ? Les équipes support, les studios secondaires (comme Motive ou Criterion), et les projets expérimentaux. "Tout ce qui n’est pas directement lié à FIFA, Madden, ou The Sims sera passé au crible", prédit un employé. Même au sein des divisions rentables, les effectifs pourraient être revus à la baisse. "On nous a déjà prévenus : les temps vont être durs", confie un développeur de Maxis.
Cette stratégie n’est pas sans risque. "En licenciant massivement, EA pourrait tuer la poule aux œufs d’or", met en garde Serge Hasson. "Les talents fuient déjà vers des studios plus stables. À force de serrer la vis, il ne restera plus grand monde pour innover."
La fin des promesses créatives ?
Lors de l’annonce du rachat, les nouveaux actionnaires avaient vanter une vision "audacieuse" et "créative" pour EA. Pourtant, les réalités financières semblent déjà avoir pris le dessus. "Les promesses de créativité, c’est du vent", lâche un développeur sous le coup de la colère. "Ce qui compte maintenant, c’est le bilan trimestriel."
Un constat partagé par les observateurs. "EA va se recentrer sur ses franchises historiques, au détriment de l’innovation", prédit Michael Pachter. "Les jeux comme It Takes Two [développé par Hazelight, un studio indépendant publié par EA] seront de plus en plus rares. Trop risqués."
Pourtant, certains y voient une opportunité. "Si EA se débarrasse de studios comme BioWare ou DICE, d’autres acteurs pourraient leur redonner une seconde vie", espère Serge Hasson. "Parfois, un changement de propriétaire peut relancer la créativité." Une lueur d’optimisme dans un paysage par ailleurs bien sombre.
Une chose est sûre : l’ère post-rachat d’EA s’annonce tumultueuse. Entre dettes colossales, pressions actionnariales et restructurations douloureuses, l’éditeur historique du jeu vidéo va devoir naviguer en eaux troubles. Avec, en ligne de mire, une question cruciale : jusqu’où ira le sacrifice sur l’autel de la rentabilité ?