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PS5 : Comment
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Pourquoi Assassin’s Creed Valhalla – un jeu multiplateforme sorti en 2020 – domine-t-il toujours les statistiques de jeu solo sur PS5 en 2024, devant des exclusivités comme God of War Ragnarök ? Une analyse des chiffres, des stratégies éditoriales et des habitudes des joueurs qui bouscule les idées reçues.
A retenir :
- Le choc des chiffres : Valhalla (120h de contenu) devance Ragnarök (50h) malgré son statut d’exclusivité Sony, prouvant que la longévité prime sur l’exclusivité.
- Hogwarts Legacy (3ᵉ place) confirme la règle : les joueurs PS5 privilégient les mondes ouverts persistants – même non exclusifs – aux expériences narratives courtes.
- 84,2 millions de PS5 vendues : un score honorable, mais loin des 117M de PS4, freiné par les pénuries et l’essor du cloud gaming (Xbox Game Pass, PS Plus Premium).
- Stratégie Sony : après l’échec relatif des exclusivités courtes (Returnal, The Last of Us Part I), le géant mise sur des blockbusters longs et cinématiques (Final Fantasy XVI, Spider-Man 2).
- Paradoxe : les jeux multiplateformes (Fortnite, GTA V) trustent toujours le top temps de jeu sur PS5, malgré les milliards investis dans les exclusivités.
Un classement qui défie la logique : pourquoi Valhalla écrase Ragnarök
En 2024, les données de PlayStation révèlent une surprise de taille : Assassin’s Creed Valhalla, sorti en novembre 2020 sur PS4 et PS5 (via rétrocompatibilité), reste le jeu solo le plus joué sur la console next-gen de Sony. Plus étonnant encore, il devance God of War Ragnarök (2022), pourtant exclusif PS5/PS4 et acclamé par la critique (94/100 sur Metacritic). Comment un titre multiplateforme, disponible même sur Xbox Game Pass, peut-il ainsi dominer une production 100% Sony ?
La réponse tient en trois mots : durée de vie. Selon HowLongToBeat, Valhalla propose 120 heures de contenu en moyenne (200h pour les completionistes), contre 50 heures pour Ragnarök. Mais ce n’est pas qu’une question de quantité. Ubisoft a adopté une stratégie agressive de mises à jour gratuites et d’extensions payantes, comme Dawn of Ragnarök (2022), qui a relancé l’engouement. À l’inverse, Santa Monica Studio a clos l’aventure de Kratos sans DLC, suivant la tradition des jeux narratifs linéaires de Sony.
Le constat est brutal : les joueurs PS5 privilégient désormais les expériences longues et évolutives aux chefs-d’œuvre courts et figés. Une tendance que confirme Troy Baker, doubleur emblématique (Joel dans The Last of Us) : *« Les joueurs veulent des mondes où ils peuvent revenir, pas juste une histoire qu’ils oublient en un week-end. »*
Hogwarts Legacy ou l’art de surfer sur la nostalgie (sans être exclusif)
Troisième du classement, Hogwarts Legacy (2023) illustre une autre réalité : sur PS5, les licences fortes et les mondes ouverts l’emportent sur la technicité pure. Avec 45 heures de jeu en moyenne, le titre de Warner Bros a séduit 22 millions de joueurs en un an (chiffres officiels), malgré des bugs persistants et un système de combat critiqué. Son atout ? Un univers Harry Potter intemporel, couplé à une liberté d’exploration rare dans les jeux sous licence.
Ici, pas besoin d’être une exclusivité pour cartonner. Hogwarts Legacy a même battus des records sur PS5 : selon Sony, il figure parmi les 3 jeux les plus précommandés de l’histoire de la console, devant Cyberpunk 2077 (2020) et Elden Ring (2022). Preuve que les joueurs sont prêts à payer 70€ pour un jeu non-exclusif, à condition qu’il offre une immersion durable.
Mais attention aux limites : comme le souligne Julie Chalmette (journaliste à Canard PC), *« Hogwarts Legacy est un one-shot : une fois le monde exploré, les joueurs passent à autre chose. Contrairement à Valhalla, il n’a pas de contenu post-lancement pour fidéliser. »* Un choix risqué à l’ère du live-service.
PS5 : 84,2 millions de ventes, mais un modèle à repenser
Avec 84,2 millions d’unités écoulées (chiffres Sony, mai 2024), la PS5 affiche une croissance solide (+4M en 3 mois). Pourtant, elle reste loin des 117 millions de PS4. Plusieurs facteurs expliquent ce retard :
- Les pénuries de puces (2020-2022), qui ont limité la production pendant 2 ans.
- La concurrence du cloud : Xbox Game Pass (25M d’abonnés) et PS Plus Premium (11M) réduisent l’attrait pour l’achat de console.
- Le prix : à 549€ (version disque), la PS5 reste 30% plus chère qu’une PS4 au lancement (399€ en 2013).
- L’absence de "killer app" : contrairement à la PS4 (portée par The Last of Us Part II et Spider-Man), la PS5 peine à justifier son achat via des exclusivités incontournables.
Sony a réagi en misant sur des blockbusters longs : Final Fantasy XVI (50h+), Spider-Man 2 (30h + DLC prévus), ou Stellar Blade (avril 2024). Une stratégie qui contraste avec les jeux courts des premières années (Returnal, Demon’s Souls), souvent salués par la critique mais peu joués (moins de 5M de ventes chacun).
Le paradoxe des exclusivités : pourquoi Fortnite et GTA V dominent toujours
Ironie du sort : malgré des milliards investis dans les exclusivités, les jeux multiplateformes trustent toujours le top temps de jeu sur PS5. Selon les données PlayStation (2023) :
- Fortnite (2017) : 1ᵉʳ jeu le plus joué (toutes catégories confondues).
- GTA V (2013 !) : 2ᵉ place, devant Call of Duty: Warzone.
- FIFA 23 : 4ᵉ place, devant la première exclusivité (God of War Ragnarök, 5ᵉ).
Pourquoi cet écart ? Parce que les joueurs PS5 utilisent leur console comme un "hub social" : ils y jouent à Fortnite avec des amis sur Xbox ou PC, ou revisitent GTA Online pour ses mises à jour régulières. À l’inverse, les exclusivités Sony restent des expériences solitaires, limitées à l’écosystème PlayStation.
Jim Ryan, ex-PDG de Sony Interactive, l’admet : *« Nous avons sous-estimé l’importance du multijoueur et du contenu récurrent. Les joueurs veulent des jeux qui évoluent, pas des musées interactifs. »* Un aveu qui explique le virage actuel vers des titres comme ConceredApe’s next game (annonce 2024) ou Fairgame$, des projets live-service inédits pour Sony.
Derrière les chiffres : ce que ces classements révèlent des joueurs PS5
Ces données dessinent un portrait inattendu du joueur PS5 en 2024 :
- Il veut du temps de jeu : exit les expériences courtes (Astro’s Playroom, Returnal). Les titres de 100h+ (Valhalla, Elden Ring) sont rois.
- Il est multiplateforme : il achète une PS5 pour ses exclusivités, mais y joue aussi à Fortnite ou GTA avec des amis sur d’autres supports.
- Il est nostalgique : Hogwarts Legacy et GTA V prouvent que les licences historiques fonctionnent mieux que les nouvelles IP (Forspoken, Stray).
- Il est exigeant : il attend des mises à jour (comme Dawn of Ragnarök pour Valhalla), pas juste un jeu "fini" à la sortie.
Conséquence pour Sony : la recette des jeux narratifs linéaires (qui a fait le succès de la PS4) ne suffit plus. D’où les rumeurs d’un God of War en monde ouvert pour le prochain opus, ou d’un The Last of Us multiplayer (reporté à 2025).
Et demain ? Tout dépendra de la capacité de Sony à concilier qualité narrative (son ADN) et durée de vie (la demande des joueurs). Un équilibre périlleux, comme le résume Shuhei Yoshida (légende de Sony) : *« Nous devons inventer un nouveau genre : des jeux qui racontent une histoire, mais où les joueurs veulent rester. »*

