Il y a 45 jours
Ray Winstone vs Marvel : quand les *reshoots* étouffent la magie du cinéma
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Pourquoi Ray Winstone a-t-il failli quitter *Black Widow* ? La face cachée des **reshoots** chez **Marvel**
L’acteur britannique **Ray Winstone** lève le voile sur une pratique controversée des studios **Marvel** : les reshoots systématiques, imposés même après validation des réalisateurs comme **Cate Shortland**. Malgré son refus catégorique et une performance déjà plébiscitée sur le plateau de *Black Widow* (2021), l’acteur s’est vu contraint de rejouer toutes ses scènes sous peine de sanctions contractuelles. Une révélation qui éclaire les coulisses d’un système où **l’excellence artistique** se heurte à une **logique industrielle** implacable, avec des budgets pharaoniques (*The Marvels* à 400M$) et des équipes épuisées. Entre la quête de perfection de **Kevin Feige** et le **"travail de Sisyphe"** dénoncé par les acteurs, ces méthodes interrogent : le cinéma **Marvel** fabrique-t-il encore des films... ou des produits standardisés ?A retenir :
- Ray Winstone révèle avoir été forcé de rejouer toutes ses scènes dans *Black Widow* (2021), malgré l’approbation de Cate Shortland – une pratique courante chez Marvel qui pousse les limites des contrats draconiens.
- "On ne refait pas un chef-d’œuvre" : l’acteur dénonce des reshoots systématiques, même pour des films comme The Marvels ou Captain America: Brave New World, où des scènes entières sont retravaillées après le tournage.
- Kevin Feige défend ces méthodes comme une quête d’"excellence", mais les budgets explosent (400M$ pour The Marvels) et les équipes s’épuisent – un technicien parle d’une "usine à films".
- Comparaison choc : chez Peter Jackson (*Lord of the Rings*), les reshoots ciblaient des détails précis ; chez Marvel, ce sont parfois des scènes entières qui sont refaites, altérant la vision originale.
- Débat brûlant : ces reshoots améliorent-ils vraiment les films, ou en étouffent-ils l’âme ? Winstone et d’autres acteurs pointent une standardisation qui tue la spontanéité du jeu.
- Révélation contractuelle : "Trouvez quelqu’un d’autre", avait supplié Winstone. Réponse de Marvel : "Non, tu es sous contrat" – un exemple frappant de l’emprise des studios sur les talents.
"J’avais déjà tout donné" : la révolte de Ray Winstone contre la machine Marvel
Imaginez : vous venez de tourner une scène que le réalisateur qualifie de "parfaite", les applaudissements crépitent sur le plateau, et quelques semaines plus tard, on vous ordonne de tout recommencer. C’est exactement ce qu’a vécu Ray Winstone sur le tournage de *Black Widow* (2021). L’acteur, connu pour ses rôles dans *The Departed* ou *Sexy Beast*, s’est heurté à une réalité peu glamour des blockbusters modernes : les reshoots imposés par Marvel Studios, même contre l’avis des artistes.
Dans une interview récente, Winstone a confié son amertume : "J’avais déjà tout donné. La réalisatrice [Cate Shortland] était satisfaite, l’équipe aussi. Puis Marvel a décidé qu’il fallait tout refaire. J’ai dit : ‘Mais c’est absurde !’". Pourtant, malgré ses protestations, l’acteur a dû se plier à ces nouvelles prises – non par conviction, mais parce que son contrat le lui imposait. Une clause courante chez Marvel, où les artistes signent souvent des accords les liant à des modifications illimitées, même après la fin officielle du tournage.
Ce cas n’est pas isolé. Scarlett Johansson (Black Widow) avait elle aussi évoqué des reshoots "épuisants" pour le même film, tandis que des rumeurs persistantes suggèrent que Brie Larson (*Captain Marvel*) et Simu Liu (*Shang-Chi*) ont dû affronter des retours en plateau similaires. La question se pose : cette pratique est-elle vraiment synonyme de qualité, ou simplement d’un contrôle excessif ?
Marvel et l’art du "plus-ing" : quand la quête de perfection vire à l’obsession
Derrière ces reshoots systématiques se cache une philosophie défendue bec et ongles par Kevin Feige, le président de Marvel Studios : le "plus-ing". Ce terme, popularisé dans les coulisses du MCU, désigne une volonté constante d’"ajouter" – plus d’action, plus d’humour, plus de liens avec l’univers étendu – même si cela signifie démonter des scènes déjà tournées. Pour Feige, il s’agit d’une "nécessité créative", une façon de garantir que chaque film soit "le meilleur possible".
Pourtant, les exemples récents montrent que cette méthode a un coût. The Marvels (2023), dont le budget aurait frôlé les 400 millions de dollars (en partie à cause des reshoots), a été un échec critique et commercial. Eternals (2021), où la réalisatrice Chloé Zhao (oscarisée pour *Nomadland*) a dû retravailler des séquences entières, a divisé les fans. Même Avengers: Endgame (2019), souvent cité comme un modèle, a subi des modifications majeures en post-production, avec des scènes clés retravaillées in extremis.
"On ne tourne pas un film, on le fabrique en usine", confiait un technicien anonyme après *Ant-Man and the Wasp: Quantumania* (2023). Une comparaison qui fait mal, surtout quand on la met en regard avec des sagas comme Le Seigneur des Anneaux, où les reshoots visaient à affiner des détails (un plan de bataille, une réplique) plutôt qu’à reconstruire des séquences entières. Chez Marvel, la frontière entre perfectionnisme et surproduction semble de plus en plus floue.
Contrats draconiens : quand Hollywood étouffe la créativité
Le cas de Ray Winstone met en lumière un problème plus large : l’emprise des contrats dans l’industrie du cinéma. Chez Marvel, comme dans d’autres grands studios, les acteurs signent souvent des accords les engageant à des reshoots illimités, sans compensation supplémentaire claire. "J’ai dit : ‘Trouvez quelqu’un d’autre’, mais ils m’ont répondu : ‘Non, tu es sous contrat’", raconte Winstone, illustrant un déséquilibre de pouvoir flagrant.
Cette rigidité contractuelle n’est pas sans conséquences. Des acteurs comme Robert Downey Jr. ou Chris Evans ont pu négocier des clauses plus favorables grâce à leur statut de stars, mais la majorité des interprètes – surtout les seconds rôles – n’ont pas cette marge de manœuvre. Résultat : une fatigue accumulée, un sentiment de dépossession artistique, et parfois, comme pour Winstone, une frustration profonde.
"C’est comme si on vous demandait de repeindre un tableau déjà terminé, juste parce que quelqu’un dans un bureau a décidé que le bleu devait être un peu plus clair", compare un directeur de la photographie ayant travaillé sur *Doctor Strange in the Multiverse of Madness* (2022). Une métaphore qui résume bien le malaise : dans cette course à la perfection algorithmique (les films Marvel sont massivement testés auprès d’audiences avant leur sortie), l’instinct artistique passe souvent après les données marketing.
Derrière les reshoots : une machine à broyer les talents ?
Si les reshoots existent depuis toujours à Hollywood, leur systématisation par Marvel pose question. Historiquement, des films comme *Apocalypse Now* (1979) ou *Blade Runner* (1982) ont subi des retours en plateau, mais pour des raisons artistiques ou techniques précises. Aujourd’hui, chez Marvel, ils semblent souvent dictés par :
- Les tests audiences : si une scène ne "fonctionne" pas auprès d’un panel, elle est retravaillée, quitte à altérer la cohérence du film.
- Les impératifs du MCU : il faut absolument lier le film à d’autres projets (ex : les scènes post-générique), même si cela force des ajouts tardifs.
- La peur de l’échec : après des flops comme *The Marvels*, le studio redouble de prudence, au risque de surcorriger ses productions.
"À un moment, on ne fait plus du cinéma, on fait du ‘content’", lance un scénariste ayant collaboré sur *Thor: Love and Thunder* (2022). Une critique qui rejoint celle de Winstone : dans cette logique, l’émotion brute et l’improvisation – ces étincelles qui font les grandes scènes – disparaissent au profit d’un produit lissé, calculé, asceptisé.
Pourtant, des exceptions existent. *Guardians of the Galaxy* (2014), par exemple, a bénéficié de reshoots... mais pour renforcer l’humour et les dynamiques entre personnages, pas pour gommer leur singularité. Preuve que lorsque les retours en plateau servent la vision originale plutôt que de la dénaturer, ils peuvent être bénéfiques.
Et si Marvel perdait son âme en cherchant la perfection ?
Le paradoxe est cruel : Marvel, qui a révolutionné le cinéma de super-héros en misant sur des personnages humains et des histoires interconnectées, semble aujourd’hui prisonnier de son propre système. Les reshoots à outrance, les contrats étouffants, la standardisation des scènes d’action... Tout cela contribue à une uniformisation que même les fans commencent à critiquer.
"Avant, chaque film Marvel avait une identité. Maintenant, ils se ressemblent tous", note un critique du Hollywood Reporter. *Black Widow*, avec ses reshoots controversés, en est un symbole : un film qui aurait pu être un hommage poignant à Natasha Romanoff, mais qui a fini par ressembler à un produit de plus dans la machine MCU.
Ray Winstone, lui, a tiré les leçons de cette expérience. "Je ne travaillerai plus comme ça", a-t-il déclaré. Un avertissement que d’autres talents pourraient suivre, à l’heure où des studios comme A24 ou Neon prouvent qu’on peut faire des blockbusters audacieux sans sacrifier la liberté créative. Marvel, lui, semble à la croisée des chemins : continuer sur la voie d’une perfection industrielle... ou redevenir le studio qui osait surprendre.
Une chose est sûre : si les **reshoots** deviennent la norme plutôt que l’exception, ce ne sont pas seulement les acteurs qui risquent de s’épuiser... mais aussi **les spectateurs**, lassés de voir des films formatés plutôt que des œuvres vibrantes. Comme le résume Winstone, avec ce mélange de lucidité et de regret : "Parfois, il faut savoir lâcher prise. Sinon, on tue la magie."