Il y a 28 jours
RFK Jr. relance la polémique : les jeux vidéo rendent-ils violents ? Entre science, politique et contradictions financières
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Pourquoi RFK Jr. cible-t-il les jeux vidéo dans le débat sur les armes à feu ?
Robert F. Kennedy Jr., figure controversée de la santé publique américaine, relance un débat vieux de 20 ans en pointant du doigt les jeux vidéo violents comme possible facteur aggravant des violences par armes à feu. Pourtant, la science reste divisée : tandis que des chercheurs comme Tobias Greitemeyer (2019) observent un lien avec l’agressivité, l’université d’Oxford conclut à l’absence de corrélation avec les crimes réels. Entre instrumentalisation politique (de Clinton à Trump) et manque de preuves tangibles, le sujet resurgit avec une ironie de taille : RFK Jr. a lui-même investi 24 000 $ dans GameStop en 2024, un géant du secteur qu’il critique aujourd’hui. Contradiction financière ou stratégie communication ? Une affaire qui révèle les tensions entre morale, science et intérêts économiques dans l’Amérique contemporaine.A retenir :
- RFK Jr. et les jeux vidéo : Le secrétaire à la Santé américain relie violence réelle et jeux violents, malgré des études scientifiques contradictoires (Greitemeyer vs. Oxford).
- Un débat politisé depuis 20 ans : De Hillary Clinton (comparaison avec le plomb) à Donald Trump (« culture de la violence »), les jeux vidéo servent de bouc émissaire récurrent — sans preuve solide.
- GameStop, l’investissement qui dérange : RFK Jr. a injecté 24 000 $ dans l’entreprise en 2024, alors qu’il dénonce aujourd’hui son secteur. Opportunisme ou incohérence ?
- L’ESA contre-attaque : L’association des éditeurs de jeux rappelle qu’« aucune étude ne prouve de lien causal » — un argument ignoré par les discours politiques.
- Culture vs. réalité : Pourquoi les jeux vidéo sont-ils ciblés plutôt que les armes à feu, pourtant responsables de 40 000 morts par an aux États-Unis ? Un débat qui évite l’essentiel.
Les jeux vidéo dans le collimateur : quand RFK Jr. ravive un fantasme vieux de 20 ans
En juillet 2024, Robert F. Kennedy Jr., fraîchement nommé secrétaire à la Santé des États-Unis, a relancé une polémique aussi ancienne qu’éculée : les jeux vidéo violents pourraient-ils favoriser les comportements agressifs, voire les tueries de masse ? Une déclaration qui a immédiatement divisé les experts, mais aussi exaspéré l’industrie du jeu, habituée à servir de bouc émissaire dans les débats sur la violence.
Pourtant, la question n’est pas nouvelle. Dès 2005, Hillary Clinton comparait l’impact des jeux vidéo sur le cerveau des enfants à celui du plomb sur le QI, proposant une régulation similaire à celle du tabac. En 2019, Donald Trump, après une tuerie dans un lycée du Texas, dénonçait une *« culture glorifiant la violence »*, visant explicitement les *« jeux vidéo macabres »*. Un discours moralisateur qui revient comme un leitmotiv — mais que dit vraiment la science ?
D’un côté, des études comme celle de Tobias Greitemeyer (2019) suggèrent un lien entre jeux violents et agressivité accrue en laboratoire. De l’autre, une recherche de l’université d’Oxford (2020) conclut à l’absence de corrélation avec les crimes réels. L’Entertainment Software Association (ESA), qui représente les éditeurs, enfonce le clou : *« Aucune étude ne prouve de lien causal entre jeux vidéo et violence »*. Alors, pourquoi ce débat persiste-t-il ?
La réponse est peut-être politique. Aux États-Unis, où les armes à feu tuent plus de 40 000 personnes par an, pointer du doigt les jeux vidéo permet d’éviter le vrai sujet : le contrôle des armes. RFK Jr. le sait — et son intervention tombe à point nommé dans un contexte de tensions sociales croissantes. Mais ce qui rend son cas particulièrement ironique, c’est son investissement personnel dans GameStop, révélateur d’une contradiction flagrante.
GameStop, l’investissement qui discrédite le discours de RFK Jr.
En mai 2024, alors que les actions de GameStop connaissaient un nouveau sursaut grâce au retour de *« Roaring Kitty »* (Keith Gill, l’instigateur du short squeeze de 2021), RFK Jr. décidait d’y placer 24 000 dollars. Un geste symbolique, destiné à soutenir les petits investisseurs face aux fonds spéculatifs — mais aussi un paradoxe retentissant.
À l’époque, l’action valait 17 dollars. Aujourd’hui, elle oscille autour de 23 dollars, une performance modeste qui n’a pas empêché RFK Jr. de s’exposer à un conflit d’intérêts apparent. Comment peut-il critiquer les jeux violents tout en finançant une entreprise qui en vend ? Certains y voient une stratégie de diversification ; d’autres, une hypocrisie caractéristique des hommes politiques.
GameStop n’est pas un éditeur, mais un revendeur — ce qui signifie que RFK Jr. n’a pas directement soutenu des jeux comme Call of Duty ou Grand Theft Auto. Pourtant, son investissement bénéficie à l’écosystème global du gaming, y compris aux titres les plus controversés. Un détail qui n’a pas échappé aux critiques, comme le souligne Patricia Vance, présidente de l’ESA : *« Si les jeux étaient vraiment dangereux, pourquoi investir dans ceux qui les distribuent ? »*.
La question reste en suspens : RFK Jr. a-t-il vendu ses parts avant de tenir ses propos ? Aucune déclaration officielle ne l’indique. Ce flou alimente les théories, entre calcul politique et incompétence communicationnelle. Une chose est sûre : son cas illustre à merveille l’ambivalence américaine face aux jeux vidéo — à la fois diabolisés et célébrés, craints et consommés en masse.
Derrière le débat : une guerre culturelle qui cache la forêt des armes à feu
Aux États-Unis, le débat sur les jeux vidéo est avant tout un symptôme. Un symptôme d’une société divisée, où la violence par armes à feu est un fléau endémique, mais où toute régulation des armes se heurte au deuxième amendement. Dans ce contexte, accuser les jeux vidéo est une tactique commode :
- Ça détourne l’attention des vraies causes (accès facile aux armes, santé mentale, inégalités sociales).
- Ça flatte l’électorat conservateur, prompt à voir dans la culture populaire une menace pour les valeurs traditionnelles.
- Ça évite de froisser la NRA (National Rifle Association), un lobby puissant et redouté.
Pourtant, les chiffres sont têtus : les pays où les jeux violents sont populaires (Japon, Corée du Sud, Allemagne) ont des taux d’homicides bien inférieurs à ceux des États-Unis. Comme le note le psychologue Christopher Ferguson, *« si les jeux vidéo causaient la violence, nous aurions une épidémie mondiale. Or, ce n’est pas le cas »*.
Alors, pourquoi ce mythe persiste-t-il ? Parce qu’il est facile à vendre. Un jeu comme Grand Theft Auto montre des scènes de violence graphique — c’est visible, choquant, médiatique. Une arme à feu, elle, est un objet du quotidien aux États-Unis, banalisé à outrance. Dénoncer les jeux vidéo, c’est faire semblant d’agir sans remettre en cause le statut quo.
« Ils ne comprennent pas notre culture » : la rébellion des gamers
Face à ces accusations répétées, la communauté des joueurs ne reste pas silencieuse. Sur les réseaux sociaux, le hashtag #GamesAreNotTheProblem a resurgi, porté par des influenceurs comme DrLupo ou Pokimane, qui rappellent que les jeux sont un exutoire, pas une cause.
« Ils ne comprennent tout simplement pas notre culture », explique Marcus, un streamer Twitch de 28 ans. *« On joue à GTA pour se défouler, pas pour apprendre à tuer. C’est comme accuser les films d’action d’apprendre aux gens à conduire comme des fous »*. Une comparaison qui fait écho aux études sur le cinéma : malgré des décennies de films violents, aucune corrélation n’a été établie avec la criminalité.
Les joueurs pointent aussi l’hypocrisie des médias : pourquoi ne parle-t-on jamais des jeux non violents qui sauvent des vies ? Des titres comme Celeste (sur la dépression) ou Hellblade (sur la psychose) sont utilisés en thérapie, mais passent sous les radars. *« On nous montre toujours le pire, jamais le meilleur »*, déplore Sophie, une gameuse et psychologue.
Même certains politiques reconnaissent l’absurdité du débat. En 2020, le sénateur Chris Murphy (Démocrate) avait ironisé : *« Si les jeux vidéo rendaient violents, le Canada serait un champ de bataille. Or, ce n’est pas le cas »*. Une remarque qui résume bien l’incohérence du discours anti-jeux.
Et si le vrai problème était ailleurs ? Le cas norvégien qui dérange
Pour clore le débat, prenons un exemple édifiant : la Norvège. Ce pays a l’un des taux de possession de jeux violents les plus élevés au monde (avec des titres comme Counter-Strike ou Battlefield très populaires). Pourtant, son taux d’homicides est 5 fois inférieur à celui des États-Unis.
La différence ? Un contrôle strict des armes à feu. En Norvège, obtenir un pistolet relève du parcours du combattant : vérifications psychologiques, justificatifs, stages obligatoires. Aux États-Unis, dans certains États, acheter une arme est plus facile que d’adopter un chien.
Le lien est donc clair : ce n’est pas la culture (jeux, films, musique) qui détermine la violence, mais l’accès aux moyens de la commettre. Comme le résume le chercheur Andrew Przybylski (Oxford) : *« Blâmer les jeux vidéo, c’est comme accuser les cuillères de rendre obèse »*.
Alors, que reste-t-il des déclarations de RFK Jr. ? Un coup de projecteur médiatique, une diversion bien pratique, et surtout, l’occasion manquée de parler des vraies solutions : régulation des armes, accès aux soins psychologiques, lutte contre la pauvreté. En attendant, les joueurs, eux, continueront de s’évader dans leurs mondes virtuels — sans pour autant devenir des criminels.