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Sackbird Studios : quand l’échec de
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Après l’annulation brutale de Project Blackbird, d’anciens développeurs de The Elder Scrolls Online relèvent un défi audacieux : fonder Sackbird Studios, un studio 100 % indépendant et autofinancé. Leur objectif ? Créer des expériences narratives originales, libres des contraintes des géants du AAA. Un pari risqué, mais porteur d’espoir pour une industrie souvent étouffée par les logiques commerciales.
A retenir :
- Project Blackbird, le MMO cyberpunk annulé par Xbox, a poussé ses développeurs à créer Sackbird Studios, un studio indépendant autofinancé.
- Sans investisseurs externes, l’équipe mise sur une liberté créative totale, inspirée par des modèles comme Obsidian ou Frost Giant, mais sans pression éditoriale.
- Leur premier jeu, encore secret, promet un "univers original" axé sur la narration et les personnages, pour PC et consoles.
- Une structure agile et 100 % détenue par ses employés, pour éviter les pièges des annulations brutales, comme celle qui a frappé Project Blackbird.
- David Worley, directeur créatif, insiste : "Nous ne répondons qu’à des passionnés de jeux", une philosophie rare dans un secteur dominé par les géants.
L’ombre de Project Blackbird : quand un échec devient un tremplin
Imaginez un jeu qui aurait pu rivaliser avec Cyberpunk 2077 en termes d’ambiance et avec Destiny pour son gameplay dynamique. Project Blackbird, ce MMO ambitieux développé sous la bannière ZeniMax pour Xbox, promettait exactement cela. Pourtant, en 2022, Microsoft annonçait son annulation pure et simple, laissant une équipe de vétérans du The Elder Scrolls Online sans projet, mais surtout, sans illusions sur les risques du développement AAA.
Plutôt que de se disperser dans d’autres studios ou de rejoindre des mastodontes comme Ubisoft ou Electronic Arts, ces développeurs ont choisi une voie bien plus rare : celle de l’indépendance totale. Leur réponse à l’échec ? Sackbird Studios, un nom qui joue avec ironie sur leur passé (le "sac" évoquant peut-être le licenciement, le "bird" rappelant Blackbird), mais aussi avec une touche d’autodérision bienvenue dans un milieu souvent trop sérieux. Un clin d’œil qui en dit long sur leur état d’esprit : résilient, créatif, et déterminé à reprendre le contrôle.
Comme le confie David Worley, directeur créatif du studio, dans une interview accordée à GamesIndustry.biz : "L’annulation de Blackbird a été un choc, mais aussi une libération. Nous avons réalisé que nous voulions créer des jeux pour les joueurs, pas pour des actionnaires." Une déclaration qui résonne comme un manifeste, dans une industrie où les décisions artistiques sont trop souvent dictées par des impératifs financiers.
Un modèle révolutionnaire : l’indépendance comme arme créative
Contrairement à la plupart des studios nouvellement créés, Sackbird Studios refuse catégoriquement les investisseurs externes. Pas de levées de fonds, pas de pression pour des retours sur investissement immédiats, pas de compromis sur la vision artistique. Le studio est entièrement autofinancé, avec une trésorerie suffisante pour plusieurs années de développement. Une approche qui rappelle celle de Frost Giant, fondé par d’anciens employés de Blizzard, ou encore celle d’Obsidian Entertainment avant son rachat par Microsoft.
Mais là où ces exemples ont finalement cédé à l’appel des géants de l’édition, Sackbird semble déterminé à rester maître de son destin. Leur structure est volontairement légère : moins d’une dizaine de membres pour l’instant, tous des vétérans expérimentés. Pas de hiérarchie lourde, pas de réunions interminables avec des départements marketing, juste une équipe soudée, focalisée sur un seul objectif : "créer des expériences qui comptent", comme le précise leur site officiel.
Leur premier projet, bien que encore enveloppé de mystère, est déjà décrit comme une "expérience narrative audacieuse", centrée sur des personnages profonds et un univers original. Un choix qui tranche avec la tendance actuelle des MMO et des jeux live-service, souvent critiqués pour leur manque de profondeur scénaristique. Sackbird mise clairement sur le storytelling, un pari risqué dans un marché dominé par les jeux-as-a-service, mais qui pourrait bien séduire une audience en quête de sens.
Pourtant, tous les observateurs ne sont pas convaincus. Comme le souligne Julien Chièze, journaliste spécialisé dans l’industrie du jeu vidéo, "l’indépendance totale est un luxe que peu de studios peuvent se permettre. Sans le soutien d’un éditeur, le risque financier est énorme, surtout si le premier jeu ne rencontre pas son public." Un avis partagé par plusieurs analystes, qui rappellent que même des studios cultes comme Double Fine ou TellTale Games ont frôlé la faillite malgré des projets ambitieux.
"On ne répond qu’aux joueurs" : la philosophie qui défie l’industrie
Ce qui frappe chez Sackbird Studios, c’est leur refus catégorique de se plier aux règles non écrites du secteur. Pas de crunch (ces heures supplémentaires épuisantes si courantes dans le AAA), pas de features imposées par un éditeur, pas de délais irréalistes. Leur credo ? "Nous ne répondons qu’à des passionnés de jeux." Une phrase qui peut sembler évidente, mais qui est en réalité révolutionnaire dans un milieu où les développeurs sont souvent traités comme des rouages interchangeables.
Leur approche rappelle celle d’InXile Entertainment avant son rachat par Xbox, avec une différence majeure : Sackbird n’a aucune intention de se vendre. "Nous voulons prouver qu’un studio indépendant peut rivaliser avec les géants, sans sacrifier sa liberté", explique un membre de l’équipe sous couvert d’anonymat. Une ambition qui passe par des choix techniques et artistiques assumés, comme celui de privilégier un univers original plutôt que de s’appuyer sur une licence existante – une stratégie pourtant très prisée pour minimiser les risques.
Leur inspiration ? Des jeux comme Disco Elysium, qui a prouvé qu’un titre narratif ambitieux pouvait triompher sans le soutien d’un grand éditeur, ou encore Hades, développé par Supergiant Games, un autre studio indépendant devenu une référence. "Nous ne voulons pas être les prochains Destiny ou Cyberpunk. Nous voulons être Sackbird." Une déclaration qui en dit long sur leur volonté de tracer leur propre chemin.
Derrière le rideau : comment Project Blackbird a tout changé
Pour comprendre la naissance de Sackbird Studios, il faut revenir sur l’histoire tourmentée de Project Blackbird. Ce MMO, annoncé en grande pompe par ZeniMax (la maison-mère de Bethesda) en 2018, devait être le fer de lance de Xbox dans le genre. Mélangeant l’esthétique cyberpunk d’un Neon Noir et la jouabilité addictive d’un Destiny, il promettait de révolutionner le marché. Pourtant, après des années de développement et des millions de dollars investis, Microsoft a soudainement tiré la prise en 2022, sans explication claire.
Les rumeurs évoquent des désaccords créatifs, des retards accumulés, ou encore une stratégie globale de recentrage sur des franchises plus sûres comme Halo ou Forza. Qu’importe la raison officielle, le résultat fut le même : une équipe talentueuse se retrouvait sans projet, mais avec une certitude – celle de ne plus jamais vouloir subir les caprices d’un éditeur. "Blackbird était notre bébé. Le voir mourir comme ça, sans même avoir eu une chance… Ça nous a brisé, mais aussi réveillé", confie un ancien membre de l’équipe.
C’est cette colère, mêlée à une détermination sans faille, qui a donné naissance à Sackbird. Contrairement à d’autres studios qui, après une annulation, se dispersent ou rejoignent la concurrence, eux ont choisi de rester unis. Leur premier réflexe ? Acheter du matériel avec leurs propres économies, louer un petit bureau à Austin (Texas), et commencer à prototyper. "Nous n’avions pas besoin de millions. Juste d’une idée solide et de la liberté de la réaliser."
Et demain ? Les défis qui attendent Sackbird Studios
Bien sûr, le chemin sera semé d’embûches. Le premier défi ? Rester visible dans un marché saturé, où des centaines de jeux indépendants sortent chaque mois. Sans le soutien marketing d’un grand éditeur, Sackbird devra miser sur le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux pour se faire connaître. Une stratégie risquée, mais qui a déjà fait ses preuves pour des titres comme Valheim ou Among Us.
Ensuite, il y a la question du financement. Même avec une trésorerie initiale solide, développer un jeu ambitieux coûte cher. "Nous savons que nous devrons peut-être faire des compromis sur la taille de l’équipe ou la durée de développement, mais jamais sur la qualité", précise David Worley. Une philosophie louable, mais qui pourrait les contraindre à réduire leurs ambitions si les fonds viennent à manquer.
Enfin, il y a le risque le plus redouté : celui de l’échec commercial. Dans un secteur où même des jeux acclamés par la critique peuvent se vendre modestement (Death’s Door ou The Forgotten City en sont des exemples récents), Sackbird devra trouver le bon équilibre entre originalité et accessibilité. "Nous ne voulons pas créer un jeu de niche. Nous voulons toucher les joueurs, tout simplement", résume un développeur.
Pourtant, malgré ces défis, l’optimisme règne au sein du studio. Leur secret ? Une communauté déjà acquise, composée de fans de The Elder Scrolls Online et de Project Blackbird, qui suivent avec attention leur nouvelle aventure. "Les joueurs nous ont soutenu après l’annulation. Maintenant, nous voulons leur donner une raison de continuer à croire en nous.", conclut David Worley, visiblement ému.
Leur premier jeu, attendu avec impatience, sera un test crucial. S’il parvient à concilier originalité et succès commercial, Sackbird pourrait bien devenir un symbole pour une nouvelle génération de développeurs, refusant de se soumettre aux diktats des géants. Une chose est sûre : dans le paysage vidéludique actuel, leur aventure mérite d’être suivie de près.