Il y a 7 jours
Satya Nadella (Microsoft) : 480 fois le salaire médian, tandis que Xbox sacrifie ses studios pour 30 % de marge
h2
En 2025, le PDG de Microsoft, Satya Nadella, a empoché 96,5 millions de dollars – soit 480 fois le salaire médian d’un employé du groupe. Pendant ce temps, la division Xbox impose une marge bénéficiaire de 30 %, provoquant licenciements, annulations de jeux et fermetures de studios. Une stratégie qui divise, entre succès boursier et sacrifices créatifs.
A retenir :
- Écart salarial record : Nadella touche 96,5 M$ (+22 % en un an), contre 200 972 $ en médiane chez Microsoft – un ratio de 1 à 480 (contre 1 à 250 en 2023).
- Xbox en crise créative : Hi-Fi Rush et Redfall annulés, Tango Gameworks et Arkane Austin fermés, State of Decay 3 reporté… pour respecter une marge de 30 % (Sony vise 15-20 %).
- Priorité à l’IA et aux actionnaires : Malgré une capitalisation de 4 000 milliards $, Microsoft gel les embauches (même chez 343 Industries) et revoit Fable ou Perfect Dark à la baisse.
- Conséquences pour les joueurs : Hausse des prix du Game Pass et des consoles, tandis que des exclusifs (Sea of Thieves, Grounded) débarquent sur… PS5.
- Un virage radical : La CFO Amy Hood privilégie les projets « peu coûteux et rentables », au détriment des « paris risqués ». L’ère des blockbusters Xbox est-elle terminée ?
Un fossé salarial qui défie l’entendement
En 2025, Satya Nadella a emporté un package de rémunération de 96,5 millions de dollars – une progression de 22 % par rapport à 2024. Une somme stratosphérique, composée d’un salaire fixe de 2,5 millions (gelé depuis 2019), de 84,2 millions en actions et d’un bonus en cash de 9,56 millions. À titre de comparaison, le salaire médian chez Microsoft s’élève à 200 972 dollars par an. Le ratio ? 1 à 480. Soit près du double de l’écart enregistré en 2023 (1 à 250).
Pour justifier cette rémunération, le conseil d’administration met en avant la performance boursière exceptionnelle du groupe : sous la direction de Nadella, l’action Microsoft a bondi de plus de 1 300 % depuis 2014, propulsant la capitalisation boursière à près de 4 000 milliards de dollars – un record historique. Pourtant, cette réussite financière contraste violemment avec les restructurations brutales subies par certaines divisions, à commencer par… Xbox.
Xbox : quand la rentabilité étouffe la créativité
Depuis 2023, la division gaming de Microsoft applique une directive interne implacable : tout projet doit afficher une marge bénéficiaire minimale de 30 %. Un seuil inédit dans l’industrie, où des concurrents comme Sony (15-20 % sur ses exclusifs PS5) ou Ubisoft (25 % en moyenne) restent bien plus prudents. Résultat ? Une hécatombe créative :
- Annulations en série : Hi-Fi Rush (Tango Gameworks), Redfall (Arkane Austin), ou encore Ara: History Untold (le nouveau projet de la créatrice de Civilization) ont été purement et simplement abandonnés.
- Fermetures de studios : Tango Gameworks (The Evil Within), Alpha Dog Games (Mighty Doom), et Arkane Austin (Redfall) ont disparu, malgré des projets en développement.
- Reports indéfinis : State of Decay 3 (Undead Labs) ou The Wolf Among Us 2 (Telltale) sont dans le flou, faute de rentabilité immédiate.
- Gel des embauches : Même 343 Industries, le studio derrière Halo, subit des restrictions, avec des postes non pourvus dans des équipes clés.
« On nous demande de faire plus avec moins, mais sans aucune visibilité sur l’avenir des franchises historiques. », confie un employé sous couvert d’anonymat à Bloomberg. Une logique qui rappelle les restructurations massives de Zynga en 2022 – sauf qu’à l’époque, le géant du mobile pouvait se targuer de profits records grâce à Candy Crush. Ici, la cure d’austérité semble décorrélée des résultats : Xbox a enregistré un chiffre d’affaires record de 16,3 milliards de dollars en 2023, porté par le Game Pass et l’acquisition d’Activision Blizzard.
L’IA d’abord, les joueurs ensuite ?
La priorité absolue de Microsoft ? L’intelligence artificielle. Le conseil d’administration salue un « leadership générationnel » dans ce domaine, et les investisseurs suivent : depuis 2023, l’action a grimpé de 40 %, dopée par les partenariats avec OpenAI (ChatGPT) et les solutions cloud Azure AI. Pourtant, cette obsession a un coût : la division gaming passe au second plan.
Selon des documents internes révélés par Bloomberg, la CFO Amy Hood aurait instauré une hiérarchie des projets :
- Priorité 1 : Les jeux « peu coûteux, scalables et rentables » (ex : Minecraft, Forza Horizon).
- Priorité 2 : Les franchises établies, mais revues à la baisse (ex : Fable, désormais développé par Playground Games avec un budget réduit).
- Priorité 3 (ou presque) : Les « paris risqués », comme Perfect Dark (The Initiative) ou les nouveaux IP, systématiquement remisés.
Conséquence directe : des licences historiques sont dépouillées de leur ambition. Fable, autrefois porté par Lionhead Studios, est désormais un « jeu de service » conçu pour maximiser les revenus récurrents. Perfect Dark, annoncé en 2020, peine à trouver sa voie, avec des rumeurs de reboot complet du projet. « On nous demande de penser comme des startups, mais avec les contraintes d’un géant », résume un développeur.
Pire : les joueurs trinquent. Depuis 2024, le prix du Game Pass a augmenté de 20 % dans certaines régions, tandis que les tarifs des consoles Xbox Series X|S ont suivi la même tendance. Cerise sur le gâteau ? Des exclusifs comme Sea of Thieves ou Grounded ont été portés sur PS5 – une première qui sonne comme un aveu d’échec pour la stratégie d’exclusivité de Microsoft.
Derrière les chiffres : une culture d’entreprise en mutation
Pour comprendre ce virage, il faut remonter à 2014, quand Satya Nadella prend les rênes de Microsoft. À l’époque, le géant de Redmond est en perte de vitesse, écrasé par Apple et Google. Nadella impose alors une culture du « growth mindset » : innovation, agilité, et… rentabilité à tout prix. Résultat ? En 10 ans, Microsoft redevient le royaume des actionnaires :
- +1 300 % sur le cours de l’action (contre +600 % pour Apple sur la même période).
- 2e capitalisation boursière mondiale, derrière Nvidia (mais devant Sony et Nintendo réunis).
- Dividendes multipliés par 3 depuis 2014, avec des rachats d’actions records.
Pourtant, cette obsession des marges a un prix humain. En janvier 2024, Microsoft annonce le licenciement de 1 900 employés dans ses divisions gaming et Activision Blizzard – soit 8 % des effectifs. « On nous serre la vis alors que l’entreprise n’a jamais été aussi riche. C’est une question de choix, pas de nécessité », dénonce un syndicaliste interrogé par The Verge.
Le paradoxe ? Même les succès de Xbox sont remis en question. Starfield (Bethesda), sorti en 2023, a coûté plus de 200 millions de dollars à développer. Malgré des ventes correctes (plus de 10 millions d’exemplaires), le jeu n’aurait pas atteint la marge de 30 % escomptée. « Un blockbuster comme God of War ou The Last of Us ne verrait jamais le jour chez Xbox aujourd’hui », estime un analyste de Wedbush Securities.
Et maintenant ? Trois scénarios pour l’avenir de Xbox
Face à cette stratégie, trois hypothèses émergent parmi les observateurs :
- Le statu quo : Microsoft continue de privilégier l’IA et le cloud, réduisant Xbox à un catalogue de jeux « safe » (sport, course, Minecraft). Les joueurs fidèles migrent vers PS5 ou PC, tandis que le Game Pass devient une plateforme de « jeux as a service » low-cost.
- Le rebond créatif : Sous la pression des fans et des médias, Microsoft assouplit ses exigences de marge et relance des projets ambitieux. Fable, Perfect Dark, ou un nouveau Gears of War redonnent espoir. « Il suffirait d’un seul hit pour inverser la tendance », note un éditorialiste de IGN.
- La scission : Si les pertes s’accumulent, Microsoft pourrait vendre Xbox – comme il l’a fait avec Nokia en 2014. Sony, Tencent, ou même Amazon seraient sur les rangs. « Une option extrême, mais pas impossible si la division devient un boulet », prévient un expert de Newzoo.
En attendant, une certitude : 2025 sera une année charnière. Avec des sorties attendues comme Avowed (Obsidian) ou STALKER 2 (en exclusivité temporaire), Xbox a une dernière chance de prouver que créativité et rentabilité peuvent coexister. Sinon, le géant de Redmond risque de devenir le roi des actionnaires… et le fossoyeur des rêves des gamers.

