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Silent Hill : Pourquoi Konami a osé tout miser sur une relance explosive en 2022
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En 2022, Konami a choqué l’industrie en annonçant trois projets Silent Hill d’un coup : un remake du mythique Silent Hill 2, un nouveau chapitre inédit (Silent Hill F), et une expérience narrative interactive (Townfall). Une manœuvre audacieuse, presque provocante, qui a payé bien au-delà des espérances. Deux ans plus tard, les critiques encensent les jeux sortis en 2024, un remake du premier opus est en route, et un film (Return to Silent Hill) arrive en 2026. Décryptage d’une relance qui a redéfini les règles du survival horror.
A retenir :
- Un coup de maître marketing : Konami annonce trois projets Silent Hill simultanément en 2022, une première dans l’industrie, pour éviter une relance timide et marquer les esprits.
- Silent Hill 2 (remake) et Silent Hill F cartonnent en 2024, avec des notes exceptionnelles (88/100 sur Metacritic pour le remake), prouvant que la franchise a toujours sa place.
- Une stratégie multi-support : jeux, série interactive, film (Return to Silent Hill en 2026), et intégration au PS Plus – Konami mise sur tous les fronts pour dominer le survival horror.
- Et ce n’est pas fini : un remake du premier Silent Hill est confirmé, tandis que Townfall promet une expérience narrative inédite pour les fans.
- Le pari fou de Konami : plutôt que de tester le terrain avec un seul titre, le studio a choisi l’offensive totale, un risque calculé qui a relancé la licence avec brio.
2022 : Le jour où Konami a réinventé la relance de franchise
Octobre 2022. Lors d’une présentation en ligne, Konami balance une bombe : trois projets Silent Hill dévoilés en même temps. Un remake du légendaire Silent Hill 2 (2001), un tout nouveau chapitre intitulé Silent Hill F, et Townfall, une série interactive développée en collaboration avec des créateurs de contenus. Une annonce qui a laissé les fans sans voix – et les concurrents perplexes.
Pourquoi un tel coup d’éclat ? La réponse vient de Motoi Okamoto, producteur chez Konami : "Lancer un seul projet aurait pu donner l’impression que nous testions simplement l’eau. En annonçant trois titres d’un coup, nous avons montré que Silent Hill était de retour pour de bon." Une stratégie frontale, presque agressive, qui tranche avec les relances prudentes d’autres licences horrifiques. À titre de comparaison, Resident Evil a espacé ses remakes (RE2 en 2019, RE4 en 2023), tandis que Dead Space a misé sur un seul remake en 2023 avant d’envisager une suite.
Le risque était énorme. Développer un remake et un jeu original en parallèle, sans savoir si les joueurs répondraient présents, relevait du pari fou. Pourtant, Konami avait un atout dans sa manche : l’émotion brute associée à Silent Hill. Contrairement à des franchises comme Call of Duty ou Assassin’s Creed, où l’aspect technique prime, Silent Hill repose sur une atmosphère unique, un mélange de terreur psychologique, de symbolisme freudien et de narration ambiguë. Une identité forte que même des années d’absence n’avaient pas effacée.
"On ne relance pas Silent Hill à moitié" : La philosophie de Konami
Derrière cette stratégie se cache une conviction : Silent Hill mérite mieux qu’un retour discret. Comme l’explique Okamoto, "Cette licence a marqué l’histoire du jeu vidéo. La relancer avec un seul titre, ce serait comme rouvrir un musée en n’exposant qu’une seule œuvre. Nous voulions une exposition complète."
Chaque projet annoncé en 2022 avait un rôle précis :
- Silent Hill 2 (remake) : Rassurer les puristes en modernisant un chef-d’œuvre sans en trahir l’âme.
- Silent Hill F : Séduire les nouveaux joueurs avec une aventure originale, plus accessible mais toujours angoissante.
- Townfall : Explorer de nouveaux formats via une expérience narrative interactive, en collaboration avec des créateurs comme Stories Untold (Derkeethus).
Une approche qui rappelle étrangement celle de Marvel avec son Univers Cinématographique : plutôt que de miser sur un seul film, le studio a saturé l’espace médiatique avec plusieurs projets interconnectés. Sauf qu’ici, Konami n’avait pas le luxe d’un public déjà captif. Silent Hill était une licence endormie depuis Silent Hill: Downpour (2012) et l’échec cuisant de P.T. (2014), la démo annulée du Silent Hills de Hideo Kojima et Guillermo del Toro.
Certains observateurs, comme le journaliste Jason Schreier (Bloomberg), restaient sceptiques : "Konami a une réputation de gestion hasardeuse de ses licences. Annoncer trois jeux d’un coup, c’est soit du génie, soit de l’inconséquence." Deux ans plus tard, le doute n’est plus permis.
2024 : L’année où Silent Hill a de nouveau fait peur (au bon sens du terme)
Les résultats sont sans appel :
- Silent Hill 2 (remake), développé par Bloober Team (Layers of Fear, The Medium), obtient un 88/100 sur Metacritic, avec des éloges unanimes pour son respect du matériel original et ses améliorations techniques (ray tracing, animations faciales, bande-son retravaillée par Akira Yamaoka).
- Silent Hill F, confié au studio japonais Neobards Entertainment, surprend par son approche narrative non-linéaire et son design sonore oppressant, récoltant un 82/100.
- Townfall, bien que moins médiatisé, crée l’événement en mêlant gameplay interactif et collaboration avec des streamers, prouvant que la licence peut innover hors des sentiers battus.
Le plus frappant ? L’accueil du public. Les joueurs historiques, souvent méfiants envers les remakes, ont été conquis. Sur Reddit, un utilisateur résume : "Je pensais que rien ne pourrait recréer la magie de SH2. Bloober Team a réussi l’impossible." Même son de cloche du côté des nouveaux venus, séduits par l’ambiance unique de Silent Hill F, plus moderne mais tout aussi glaçante.
Preuve ultime du succès : Silent Hill 2 (remake) a rejoint le catalogue PS Plus Extra/Premium en juin 2024, seulement quelques mois après sa sortie. Une décision qui confirme la volonté de Konami de démocratiser la licence sans la vulgariser. Comme le note Jim Ryan, ancien PDG de PlayStation : "Konami a compris que Silent Hill n’est pas qu’une franchise, c’est une expérience. La rendre accessible ne signifie pas la diluer."
Derrière les monstres : Le secret de la renaissance de Silent Hill
Comment expliquer un tel retour en grâce ? Plusieurs facteurs entrent en jeu :
- Le choix des développeurs : Konami a confié les rênes à des studios spécialisés dans l’horreur (Bloober Team, Neobards) plutôt qu’à des généralistes. Un contraste saisissant avec l’époque où la licence était gérée en interne, avec des résultats inégaux.
- L’écoute des fans : Contrairement à la période P.T., où les décisions semblaient prises dans l’opacité, Konami a cette fois impliqué la communauté via des tests joueurs et des feedbacks ciblés.
- Une identité visuelle préservée : Les remakes et nouveaux opus conservent le brouillard étouffant, les décors rouillés et les créatures difformes emblématiques, tout en modernisant les mécaniques de jeu.
- La bande-son, toujours aussi terrifiante : Akira Yamaoka, compositeur historique de la série, est revenu pour les deux titres sortis en 2024, garantissant une continuité audio indispensable à l’immersion.
Mais le vrai tour de force de Konami a été de transformer un handicap en force. L’absence de nouveaux Silent Hill depuis 2012 avait créé un vide – et donc une nostalgie immense. Plutôt que de l’ignorer, le studio a joué avec, en misant sur des remakes qui réveillent des souvenirs tout en attirant de nouveaux joueurs. Une stratégie que Nintendo a aussi utilisée avec succès pour The Legend of Zelda: Link’s Awakening (2019) ou Metroid Dread (2021).
Et maintenant ? L’empire Silent Hill contre-attaque
La machine est lancée, et Konami ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Voici ce qui nous attend :
- Le remake de Silent Hill 1 : Annoncé comme "en développement avancé", ce projet devrait sortir d’ici 2025-2026. Contrairement au remake de SH2, il promet une refonte plus radicale du gameplay, tout en conservant l’atmosphère du titre original (1999).
- Return to Silent Hill (2026) : Le film, réalisé par Christophe Gans (à qui l’on doit l’adaptation de 2006), se veut un reboot cinématographique plus fidèle aux jeux. Avec un budget estimé à 50 millions de dollars, il mise sur des effets pratiques pour les créatures, une première depuis des années dans le cinéma d’horreur.
- Townfall et au-delà : La série interactive, prévue pour 2025, pourrait ouvrir la voie à d’autres expériences transversales (livres, podcasts, voire un jeu mobile – une piste évoquée par Okamoto en 2023).
- Une possible collaboration avec Kojima : Bien que P.T. soit mort et enterré, des rumeurs persistantes (notamment relayées par Jeff Grubb, journaliste chez Giant Bomb) suggèrent que Konami aurait recontacté Hideo Kojima pour un projet lié à Silent Hill. Rien n’est confirmé, mais l’idée fait déjà frémir les fans.
Interrogé sur les limites de cette expansion, Okamoto reste prudent : "Nous ne voulons pas saturer le marché. Silent Hill doit rester un événement, pas une routine." Une philosophie qui tranche avec l’approche "une suite par an" de franchises comme Call of Duty ou FIFA.
Enfin, il y a la question des autres licences Konami. Après Silent Hill, certains espèrent un retour de Castlevania ou Metal Gear Solid. Mais Okamoto coupe court : "Chaque franchise a son propre rythme. Pour l’instant, notre focus est à 100% sur Silent Hill."
Leçon d’une relance réussie : Ce que les autres studios peuvent en retenir
La stratégie de Konami offre plusieurs enseignements pour l’industrie :
- Oser la saturation (maîtrisée) : Annoncer plusieurs projets d’un coup peut sembler risqué, mais cela crée un effet de halo – chaque titre bénéficie de la hype des autres.
- Miser sur l’émotion, pas seulement la technique : Silent Hill n’est pas une franchise "next-gen" au sens graphique, mais son atmosphère et son lore suffisent à captiver.
- Impliquer les fans sans les flatter : Konami a écouté les retours, mais sans céder à toutes les demandes (ex. : pas de retour du Pyramid Head original dans SH F, une décision assumée).
- Varier les formats : Jeux, série interactive, film… Silent Hill devient une marque multimédia, pas seulement une licence de jeux.
À l’inverse, des erreurs à éviter :
- Négliger la cohérence : Les trois projets annoncés en 2022 partagent une identité visuelle et sonore commune, évitant l’écueil d’une franchise éclatée (comme Resident Evil avec ses spin-offs ratés comme Umbrella Corps).
- Sous-estimer le temps de développement : Konami a pris deux ans entre l’annonce et les premières sorties, évitant le piège d’un rush (cf. Cyberpunk 2077 à son lancement).
Pour Serge Hascoët, ancien directeur créatif d’Ubisoft, "Konami a réussi là où beaucoup échouent : relancer une licence sans trahir son ADN, tout en la modernisant. C’est un équilibre incroyablement difficile à trouver."
Reste une question : jusqu’où ira Konami ? Avec un remake du premier opus en route, un film ambitieux, et des rumeurs de collaboration avec Kojima, une chose est sûre – Silent Hill n’a pas fini de nous hanter. Et cette fois, c’est une bonne nouvelle.

