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Steam : La fin de l’Early Access pour les jeux adultes ? Un coup dur pour les créateurs indépendants
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Il y a 27 jours

Steam : La fin de l’Early Access pour les jeux adultes ? Un coup dur pour les créateurs indépendants

Valve durcit sa politique : les jeux NSFW exclus de l’Early Access, un séisme pour les indépendants

Sans avertissement, Steam a modifié ses règles pour interdire les jeux à contenu mature dans son programme Early Access, une décision qui frappe de plein fouet des studios comme celui de Dammitbird, créateur de Heavy Hearts. Ce revirement, lié aux pressions sur les processeurs de paiement, déclenche un effet domino sur Itch.io et Patreon, menaçant la survie de projets déjà fragilisés. L’IGDA parle de "censure par procuration", tandis que les développeurs cherchent désespérément des solutions pour éviter l’asphyxie financière.

A retenir :

  • Steam exclut sans préavis les jeux NSFW de l’Early Access, une première dans son histoire, remettant en cause sa réputation de plateforme "libre".
  • Heavy Hearts, RPG adulte à 70% de développement, devient le symbole d’une politique opaque : son rejet sur Steam entraîne une chute de 50% de revenus sur Itch.io.
  • Les développeurs dénoncent un "censorship by proxy" : les restrictions viennent des banques et processeurs de paiement (comme Stripe ou PayPal), et non des plateformes elles-mêmes.
  • Itch.io tente de résister en relistant les démos NSFW, mais la recherche d’un partenaire financier compatible s’annonce comme un parcours du combattant.
  • Des solutions comme Patreon ou Subscribestar, autrefois refuges, deviennent instables après des vagues de suppression arbitraire de contenus.
  • L’IGDA (Association Internationale des Développeurs de Jeux) tire la sonnette d’alarme : cette censure indirecte pourrait étouffer la créativité indépendante dans le jeu vidéo.
  • Un débat éthique émerge : faut-il sacrifier la liberté artistique pour satisfaire les exigences des intermédiaires financiers ?

Un coup de massue sans sommation : Steam tourne le dos aux jeux adultes en Early Access

Imaginez passer des mois, voire des années, à développer un jeu vidéo, à peaufiner ses mécaniques et son univers, pour voir les portes de la plus grande plateforme de distribution se fermer brutalement sans explication. C’est le cauchemar vécu par des dizaines de créateurs indépendants depuis que Valve a discrètement modifié les règles de son programme Early Access. Désormais, les jeux intégrant des "thèmes adultes" – qu’il s’agisse de nudité, de sexualité ou de violence graphique – en sont purement et simplement exclus.

Cette décision, prise sans communication officielle, contraste avec l’image historiquement permissive de Steam. La plateforme autorisait jusqu’ici les contenus NSFW (Not Safe For Work) dans sa boutique, à condition qu’ils soient clairement étiquetés et réservés à un public adulte. Mais l’Early Access, ce sésame permettant aux développeurs de financer leur projet via les préventes tout en le finalisant avec la communauté, leur est désormais interdit. Un changement de cap qui soulève des questions : pourquoi cette soudaine rigidité ? Et surtout, qui en paie le prix ?


Le cas emblématique de Heavy Hearts, un RPG mêlant exploration narrative et scènes explicites, illustre l’absurdité de la situation. Dammitbird, son créateur, avait planifié une sortie en Early Access pour boucler les 30% restants du développement grâce aux retours des joueurs. *"Tout était prêt : les mécaniques de combat, l’histoire principale, les systèmes de dialogue… Nous comptions sur Steam pour valider notre approche"*, confie-t-il dans un thread viral sur X (ex-Twitter). Mais en quelques heures, le rêve s’est transformé en course contre la montre : trouver une alternative, ou risquer l’abandon pur et simple du projet.

L’effet papillon : quand Steam éternue, https://Itch.io et Patreon s’enrhument

Le rejet de Heavy Hearts par Steam n’est que la première étape d’un engrenage destructeur. Comme un domino, la décision de Valve a déclenché une réaction en chaîne sur d’autres plateformes, pourtant réputées pour leur ouverture. Itch.io, souvent présenté comme le "refuge des jeux indépendants", a ainsi déréférencé le titre de Dammitbird. Concrètement, le jeu reste accessible via un lien direct, mais disparaît des résultats de recherche et des pages de découverte. *"C’est comme si on nous avait relégués dans l’ombre"*, résume le développeur, qui estime avoir perdu la moitié de ses revenus du jour au lendemain.

Pire : cette invisibilisation s’accompagne d’une instabilité financière chronique. Itch.io, qui repose sur des processeurs de paiement comme Stripe ou PayPal, se heurte aux mêmes pressions que Steam. Ces intermédiaires, sous le feu de groupes anti-pornographie ou de régulateurs, n’hésitent pas à geler des fonds ou à résilier des contrats avec les plateformes hébergeant des contenus NSFW. Résultat, https://Itch.io tente bien de contourner les blocages en relistant les démos gratuites, mais la quête d’une solution pérenne ressemble à une chasse au trésor sans carte.


Face à ce désastre, les développeurs se tournent vers des plateformes comme Patreon ou Subscribestar, historiquement plus tolérantes. Mais là encore, le répit est de courte durée. Subscribestar, par exemple, a connu en 2023 une vague de suppressions massives de comptes liés à des contenus adultes, sans toujours fournir d’explications claires. *"On nous promet un havre de liberté, puis on nous trahit du jour au lendemain"*, s’indigne Luna, une artiste 3D spécialisée dans les assets pour jeux NSFW, dont le compte Patreon a été suspendu deux fois en six mois.

"Censure by proxy" : quand les banques décident à la place des plateformes

Ce qui se joue ici dépasse le simple cadre des règles de modération. Comme le souligne l’International Game Developers Association (IGDA), nous assistons à une forme inédite de censure indirecte, ou "censorship by proxy". *"Les plateformes comme Steam ou https://Itch.io ne sont pas à l’origine des restrictions. Elles subissent les décisions des processeurs de paiement, eux-mêmes sous pression des banques et des lobbies"*, explique Jacqueline Boyle, membre du comité éthique de l’IGDA. Une situation ubuesque où les algorithmes financiers dictent les règles culturelles.

Pour comprendre ce phénomène, il faut remonter à 2018, lorsque Mastercard et Visa ont commencé à durcir leurs exigences envers les sites hébergeant du contenu adulte. Sous peine de voir leurs services coupés, des plateformes comme Pornhub ou OnlyFans ont dû adapter leurs politiques. Le jeu vidéo, bien que moins ciblé, n’échappe pas à la règle. *"Les banques classent les jeux NSFW dans la même catégorie que la pornographie, sans nuance"*, déplore Thomas, un avocat spécialisé dans le droit numérique. Une assimilation qui ignore la dimension artistique et narrative de nombreux projets, comme Heavy Hearts, où les scènes explicites servent un propos sur la vulnérabilité humaine.


Face à ce dilemme éthique et économique, certaines voix s’élèvent pour proposer des solutions. Leah, développeuse du jeu The House in Fata Morgana (un visual novel abordant des thèmes matures), suggère la création d’un système de paiement décentralisé pour les créateurs de contenus adultes. *"Si les banques traditionnelles nous ferment leurs portes, peut-être faut-il inventer nos propres outils"*, propose-t-elle. Une idée séduisante, mais complexe à mettre en œuvre, comme le rappelle Dammitbird : *"Créer une alternative à PayPal demande des ressources que les petits studios n’ont pas."*

Derrière les algorithmes : des développeurs au bord du burn-out

Au-delà des débats techniques, cette crise révèle un drame humain. Derrière chaque jeu bloqué, ce sont des équipes entières qui voient leurs efforts réduits à néant. Dammitbird avoue avoir dû licencier deux artistes faute de revenus suffisants. *"On m’a souvent dit que les jeux adultes étaient un créneau porteur. Personne ne m’a prévenu que les règles pouvaient changer du jour au lendemain"*, confie-t-il, amer. Son cas n’est pas isolé : selon une enquête menée par l’IGDA en 2024, 63% des développeurs de jeux NSFW ont connu au moins une crise financière majeure liée à des restrictions de plateforme.

Le pire ? Cette instabilité pousse certains à abandonner leurs projets. Sophie, une game designeuse française, a ainsi dû mettre en pause le développement de L’Éveil d’Éros, un jeu d’aventure érotique inspiré de la mythologie grecque. *"Sans Itch.io, je ne peux plus payer mes collaborateurs. Et sans Steam, je n’ai aucune visibilité. À quoi bon continuer ?"*, interroge-t-elle. Un sentiment partagé par Mark, programmeur sur un titre horrifique NSFW : *"On nous demande d’être innovants, mais dès qu’on sort des sentiers battus, on se fait écraser."*


Pourtant, certains refusent de baisser les bras. L’équipe de Succubus, un jeu de rôle érotique, a ainsi lancé une campagne de financement participatif sur Kickstarter, en misant sur une communication transparente avec leurs soutiens. *"On explique clairement les risques, et on propose des contreparties physiques pour contourner les blocages en ligne"*, détaille Alex, le directeur créatif. Une stratégie risquée, mais qui a permis de sauver le projet… pour l’instant.

Et demain ? Entre résistance et adaptation forcée

Alors, faut-il voir dans cette vague de restrictions la fin des jeux adultes indépendants ? Pas forcément. Certains observateurs, comme Nicolas, journaliste chez Canard PC, y voient plutôt un tournant dans l’industrie : *"Les créateurs vont devoir se structurer différemment. Peut-être en créant leurs propres boutiques, ou en collaborant avec des éditeurs spécialisés."* Une piste déjà explorée par des studios comme Degenki, qui distribuent leurs jeux via leur site web, en utilisant des solutions de paiement comme Bitcoin ou Monero pour contourner les blocages.

D’autres misent sur un changement de paradigme. *"Et si, plutôt que de lutter contre la censure, on jouait avec ?"*, propose Élodie, scénariste de jeux narratifs. Son projet, Under the Veil, utilise des métaphores visuelles pour évoquer la sexualité sans tomber dans l’explicite. *"On peut être mature sans être graphique. Peut-être que c’est ça, la clé pour survivre."* Une approche qui séduit de plus en plus de créateurs, las des batailles juridiques et des revenus incertains.


Reste une question fondamentale : jusqu’où iront ces restrictions ? Si les processeurs de paiement continuent de durcir leurs positions, même les jeux non pornographiques mais matures (comme The Witcher ou God of War) pourraient être touchés. *"Aujourd’hui, ce sont les jeux NSFW. Demain, ce sera peut-être la violence, ou les thèmes politiques"*, s’inquiète Jacqueline Boyle de l’IGDA. Un scénario noir, mais pas impossible dans un contexte où la moralisation du numérique gagne du terrain.

Une chose est sûre : cette crise a réveillé les consciences. Les développeurs, autrefois dispersés, commencent à s’organiser. Des collectifs comme NSFW Game Devs voient le jour, offrant un soutien juridique et logistique aux créateurs en difficulté. *"On ne peut plus compter sur les plateformes. Il faut qu’on se serre les coudes"*, résume Dammitbird, qui a rejoint le mouvement. Une lueur d’espoir dans un paysage de plus en plus hostile.

Le saviez-vous ? Quand Steam jouait les pionniers de la liberté

Ironie de l’histoire : Steam a longtemps été saluée pour sa politique progressiste en matière de contenus adultes. En 2018, Valve avait même assoupli ses règles, autorisant tout type de jeu tant qu’il respectait la légalité. *"Nous avons décidé que nous n’allions plus jouer les arbitres de ce qui devrait ou ne devrait pas exister"*, déclarait alors Erik Johnson, un porte-parole de l’entreprise. Un virage à 180 degrés qui avait été applaudi par les indépendants, y voyant un signe de maturité pour l’industrie.

Parmi les titres emblématiques ayant bénéficié de cette ouverture, on trouve House Party, un jeu de simulation sociale aux sous-entendus grivois, ou encore Negative Nancy, une aventure narrative abordant des thèmes sombres comme la dépression et la sexualité. Ces jeux, bien que controversés, avaient trouvé leur public sans entraves, prouvant qu’il existait un marché pour des expériences audacieuses et matures.


Mais cette époque semble révolue. *"Steam a ouvert la porte, puis l’a claquée au nez des créateurs"*, résume Thomas, l’avocat spécialisé. Le plus paradoxal ? Alors que Valve gagne des milliards avec des jeux comme Counter-Strike (où la violence est omniprésente), elle choisit de cibler spécifiquement les contenus sexuels. Une incohérence qui n’échappe pas aux joueurs, comme en témoignent les milliers de commentaires indignés sur Reddit et les forums spécialisés.

Entre censure déguisée et course à la survie, les développeurs de jeux adultes se retrouvent aujourd’hui dans une impasse. Le cas de Heavy Hearts n’est que la partie émergée de l’iceberg : derrière lui, des dizaines de projets avortent ou se réinventent dans l’urgence, faute de soutien des plateformes historiques. Pourtant, cette crise pourrait bien être le catalyseur d’une révolution : celle d’une industrie plus solidaire, où les créateurs reprennent le contrôle de leur distribution.

Une chose est certaine : si rien ne change, le paysage du jeu indépendant risque de perdre une partie de sa diversité, et avec elle, des récits audacieux qui osent explorer l’humain dans toute sa complexité. Aux joueurs, aux médias et aux acteurs de l’industrie de décider s’ils laissent faire… ou s’ils relèvent le défi.

L'Avis de la rédaction
Par Nakmen
Steam joue les Marie Cougousse avec ses règles : "C’est moi qui décide, et c’est tout !" Sauf qu’ici, c’est pas une blague de *Kaamelott*, mais des vies de devs qui partent en couilles. La liberté créative, c’est bien… jusqu’à ce que Mastercard fasse sa *John Rambo* dans les couloirs. Pas ma tasse de thé, cette hypocrisie.

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Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Nakmen