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Steam : Le Monopole Incontesté (et Contesté) du Jeu PC – Pourquoi les Développeurs Ne Peuvent Pas S’en Échapper
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Il y a 8 heures

Steam : Le Monopole Incontesté (et Contesté) du Jeu PC – Pourquoi les Développeurs Ne Peuvent Pas S’en Échapper

Steam écrase le marché du jeu PC : 72 % des professionnels le considèrent comme un monopole, et plus de 75 % des revenus des éditeurs en dépendent. Pourtant, malgré cette domination écrasante – illustrée par des succès comme Hollow Knight: Silksong –, 80 % des studios prévoient de diversifier leurs canaux d’ici 2029. Mais les alternatives, de l’Epic Games Store à GOG, peinent à percer. Pourquoi Steam reste-t-il indétrônable, et à quel prix pour l’industrie ?

A retenir :

  • 72 % des professionnels estiment que Valve détient un monopole sur le jeu PC, selon le sondage The State of PC Game Distribution (Atomik Research).
  • Steam génère plus de 75 % des revenus des éditeurs, malgré des alternatives comme l’Epic Games Store (48 % des studios) ou le Microsoft Store.
  • 80 % des développeurs veulent diversifier leurs plateformes d’ici 2029… mais GOG (10 %) et Itch.io (8 %) restent marginaux.
  • Des titres comme Hollow Knight: Silksong ou Baldur’s Gate 3 montrent comment Steam peut faire ou défaire un jeu indépendant.
  • La disparition des supports physiques (32 % des studios les maintiennent encore) accélère la dépendance aux plateformes numériques.

Steam, le "Google des jeux PC" : quand un monopole devient la norme

Imaginez un monde où un seul magasin concentre les trois quarts des ventes de votre industrie. Où vos revenus, votre visibilité, voire votre survie dépendent d’un seul acteur. Pour les développeurs de jeux PC, ce scénario n’est pas une dystopie, mais une réalité quotidienne. Le sondage The State of PC Game Distribution, mené par Atomik Research auprès de 306 responsables américains et britanniques, lève le voile sur une dépendance presque pathologique : 72 % des professionnels estiment que Valve détient un monopole sur le marché du jeu PC. Pire encore, plus de 75 % de leurs revenus proviennent de Steam – un chiffre qui frôle l’hégémonie pure.

Pour comprendre l’ampleur du phénomène, prenons un exemple concret : Hollow Knight: Silksong, l’un des jeux indés les plus attendus de la décennie. Son annonce exclusive sur Steam en 2019 a suffi à déclencher des vagues d’enthousiasme… et à sceller son destin commercial. Sans Steam, un tel projet aurait-il pu atteindre une audience mondiale ? "Steam n’est pas juste une plateforme, c’est un écosystème auto-entretenu", confie un développeur sous couvert d’anonymat. "Si tu n’y es pas, tu n’existes pas." Une phrase qui résume à elle seule la peur bleue des studios face à une éventuelle exclusion.


Pourtant, cette domination n’est pas une fatalité. En 2018, l’arrivée de l’Epic Games Store a secoué le paysage, avec des exclusivités temporaires (comme Borderlands 3) et des parts de revenus plus avantageuses pour les développeurs (88 % contre 70 % sur Steam). Résultat ? 48 % des studios y distribuent aujourd’hui leurs jeux. Mais l’impact reste limité : Epic peine à convertir les joueurs, et son store est souvent perçu comme un "coup marketing" plutôt qu’une réelle alternative. "On y va par obligation, pas par conviction", avoue un éditeur. Une stratégie de diversification… sans véritable émancipation.

L’illusion de la diversification : pourquoi les alternatives échouent

Sur le papier, les options ne manquent pas : Microsoft Store (intégré à Windows et Xbox), GOG (le temple du DRM-free), Itch.io (le repaire des indés), sans oublier les stores régionaux comme WeGame en Chine. Pourtant, leur part de marché reste dérisoire. GOG, malgré son aura auprès des puristes, n’est utilisé que par 10 % des studios. Itch.io, adulé pour son modèle ouvert, stagne à 8 %. Même le Microsoft Store, soutenu par la puissance de Xbox Game Pass, peine à séduire.

Le problème ? Steam a verrouillé les habitudes des joueurs. Avec ses 25 millions d’utilisateurs actifs quotidiens (chiffres 2023), ses outils sociaux (listes d’amis, chats, groupes), et son système de recommandations ultra-performant, la plateforme est devenue bien plus qu’un simple magasin. "C’est comme essayer de concurrencer Facebook en 2010", compare un analyste. Les joueurs y sont ancrés, et les développeurs n’ont d’autre choix que de suivre.


Pourtant, une lueur d’espoir subsiste : 80 % des professionnels interrogés prévoient d’élargir leurs canaux de distribution d’ici 2029. Mais cette volonté se heurte à une réalité cruelle : les alternatives manquent de visibilité. Prenez Baldur’s Gate 3, le RPG de Larian Studios. Malgré son succès phénoménal (plus de 10 millions de ventes en 2023), 90 % de ses joueurs l’ont acheté sur Steam. Même un titre aussi acclamé peine à exister ailleurs. "On a essayé de pousser GOG et Epic, mais les ventes y étaient 10 fois inférieures", révèle un membre de l’équipe. Un constat amer qui résume le dilemme des éditeurs : diversifier, oui… mais à quel coût ?

Le paradoxe Steam : entre opportunités et étouffement créatif

Steam n’est pas qu’un monopole, c’est aussi un accélérateur de succès. Grâce à son algorithme de recommandation, des jeux comme Valheim (2021) ou Vampire Survivors (2022) sont devenus des phénomènes mondiaux sans marketing traditionnel. "Sans Steam, on serait encore un jeu de niche", reconnaît le créateur de Vampire Survivors, Luca Galante. Mais cette dépendance a un prix : la standardisation des jeux.

Pour maximiser leurs chances sur la plateforme, les développeurs adaptent leurs créations aux attentes de l’algorithme. Résultat ? Une prolifération de jeux "Steam-friendly" : des titres courts, addictifs, avec des mécaniques de "achievement farming" (récompenses faciles à débloquer) et des prix bas pour figurer dans les promotions. "On voit de plus en plus de jeux conçus pour plaire à Steam, pas aux joueurs", déplore une développeuse indépendante. Une critique qui rejoint celle de certains joueurs, lassés de voir des "asset flips" (jeux recyclés) inondés le store.


Autre effet pervers : la guerre des prix. Avec des milliers de titres sortants chaque mois, les développeurs sont poussés à baisser leurs tarifs pour se démarquer. "Un jeu à 20 € sur Steam doit justifier son prix face à 100 autres jeux à 5 €", explique un éditeur. Une spirale qui érode les marges et pousse les studios à compenser via des DLCs ou des microtransactions – un modèle que beaucoup critiquent, mais que Steam encourage indirectement via son système de monetisation.

2029 : vers un déclin de Steam ou une dépendance encore plus forte ?

Alors, Steam est-il condamné à régner éternellement ? Pas si sûr. Plusieurs facteurs pourraient ébranler son trône :

  • L’essor des abonnements : Xbox Game Pass et PlayStation Plus grignotent déjà des parts de marché. Si Microsoft ou Sony ouvrent davantage leur catalogue PC, Steam pourrait perdre son avantage.
  • Les régulations antitrust : Avec des accusations de monopole de plus en plus fréquentes (notamment aux États-Unis), Valve pourrait être forcée à ouvrir son écosystème.
  • Les technologies émergentes : Le cloud gaming (GeForce Now, Amazon Luna) ou les stores décentralisés (basés sur la blockchain) pourraient rebattre les cartes.
  • La lassitude des développeurs : Si les alternatives parviennent à offrir une meilleure visibilité (via des algorithmes moins opaques), la balance pourrait pencher.

Mais pour l’instant, Steam reste le roi incontesté. Et comme le résume un vétéran de l’industrie : "On râle contre Steam, mais on ne peut pas s’en passer. C’est comme haïr McDonald’s tout en y mangeant trois fois par semaine." Une dépendance qui, sans surprise, profite avant tout à Valve – dont les revenus dépassaient les 8 milliards de dollars en 2023, selon les estimations de Newzoo.


Alors, que faire ? Certains misent sur l’union des petites plateformes (comme le partenariat GOG-Epic annoncé en 2024), d’autres sur l’auto-édition via des sites dédiés (à l’image de Mojang avec Minecraft avant son rachat). Mais une chose est sûre : tant que les joueurs resteront sur Steam, les développeurs n’auront pas le choix. Et Valve, elle, continuera de sourire.

Derrière les chiffres : le témoignage d’un studio indépendant

Pour illustrer ce dilemme, prenons l’exemple de Ghost Song, un Metroidvania développé par Old Moon Studios. Sorti en 2022 après 7 ans de développement, le jeu a été un succès critique… mais surtout sur Steam, qui a représenté 94 % de ses ventes. "On a mis le jeu sur GOG et https://Itch.io par conviction, mais les ventes y ont été anecdotiques", raconte Matt White, le directeur créatif. "Steam nous a sauvés, mais on se sent prisonniers."

Le studio a tenté une approche radicale pour son prochain projet : une sortie simultanée sur Steam, Epic, et leur propre site – avec des bonus exclusifs pour les acheteurs directs. Résultat ? "Les ventes hors Steam représentent 12 % du total. C’est mieux que rien, mais ça reste décevant." Un constat qui résume le paradoxe actuel : diversifier coûte cher, mais ne pas le faire est encore plus risqué.

Steam n’est pas près de tomber de son piédestal. Malgré les critiques, les alternatives timides, et les rêves d’indépendance des développeurs, la plateforme reste le cœur battant du jeu PC. Mais cette domination a un goût amer : celui d’une industrie où la créativité doit souvent s’incliner devant les algorithmes, et où la diversité des canaux de distribution reste un vœu pieux.
La vraie question n’est peut-être pas "Comment remplacer Steam ?", mais "Comment coexister avec lui sans étouffer ?" Une équation complexe, dont la solution dépendra autant des joueurs que des développeurs. En attendant, Valve peut dormir sur ses deux oreilles : son monopole, aussi contesté soit-il, est bien réel.
L'Avis de la rédaction
Par Nakmen
Steam, c'est comme si tu vivais dans une maison où tu dois payer le loyer à un seul propriétaire. C'est pratique, mais ça te laisse peu de marge de manœuvre. Les développeurs sont coincés entre l'amour et la haine pour cette plateforme.
Article rédigé par SkimAI
Révisé et complété par Nakmen

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