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Subnautica 2 : Pourquoi Unknown Worlds Résiste à l'IA Générative Malgré Krafton
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Un studio qui dit non à l'IA générative
Dans un secteur où l’IA générative s’impose comme la nouvelle norme, Unknown Worlds Entertainment fait bande à part. Le studio derrière Subnautica 2 refuse catégoriquement d’intégrer cette technologie, malgré les 70 millions de dollars investis par son éditeur, Krafton Inc., dans une stratégie "AI-first". À la place, l’équipe mise sur des behavior trees maison, hérités du premier Subnautica (2018), pour animer son écosystème sous-marin. Un choix audacieux, qui s’inscrit dans un contexte tendu : conflits juridiques avec Krafton, report de la sortie à 2026, et une question lancinante – peut-on encore développer un AAA sans IA générative ?A retenir :
- Subnautica 2 se passe volontairement d’IA générative, malgré la stratégie agressive de Krafton Inc. (PUBG, The Callisto Protocol) en la matière.
- Le studio utilise des behavior trees artisanaux, développés en interne depuis 2018, pour des interactions "organiques" entre le joueur et les créatures.
- Un conflit ouvert avec Krafton : l’ancienne direction d’Unknown Worlds a poursuivi l’éditeur en septembre 2024 pour désaccords sur la gestion de la propriété intellectuelle.
- Conséquence directe : le jeu, initialement prévu pour 2025, est repoussé à 2026 – un retard qui interroge sur l’avenir du projet.
- Comparaison frappante : alors que des titres comme Hi-Fi Rush 2 ou The Callisto Protocol misent sur l’IA générative, Subnautica 2 assume un développement "à l’ancienne".
- Débat sous-jacent : l’IA est-elle un progrès inévitable, ou les méthodes traditionnelles gardent-elles une légitimité dans le game design ?
L’IA Générative, une Ligne Rouge pour Unknown Worlds
En 2024, l’industrie du jeu vidéo semble obnubilée par une seule technologie : l’IA générative. Des géants comme Ubisoft ou Electronic Arts en font leur fer de lance, tandis que des éditeurs comme Krafton Inc. y injectent des dizaines de millions de dollars. Pourtant, au milieu de cette frénésie, un studio résiste : Unknown Worlds Entertainment, les créateurs de Subnautica. Dans une déclaration officielle sans équivoque, l’équipe affirme que Subnautica 2 ne contiendra aucune IA générative, ni pour ses environnements, ni pour ses créatures, ni pour ses quêtes.
Une position d’autant plus remarquable que Krafton, éditeur du jeu et propriétaire de franchises comme PUBG ou The Callisto Protocol, a annoncé en 2023 un plan d’investissement de 70 millions de dollars pour faire de l’IA un pilier de ses futures productions. Parmi elles, le très attendu Hi-Fi Rush 2, où l’IA générative devrait jouer un rôle clé dans la création de niveaux et d’ennemis. Alors, pourquoi ce refus catégorique ?
La réponse tient en partie à l’ADN du studio. Depuis Subnautica (2018), Unknown Worlds utilise des behavior trees – des arbres de comportement – pour donner vie à son écosystème sous-marin. Ces systèmes, développés en interne, permettent aux créatures d’agir de manière prédictible mais dynamique, en fonction des actions du joueur. Antonio Muñoz Gallego, ingénieur en chef chez Unknown Worlds, explique :
"Nos behavior trees ne sont pas parfaits, mais ils offrent une cohérence que l’IA générative ne peut pas garantir. Quand un Leviathan vous attaque dans Subnautica, c’est parce que vous avez déclenché une séquence logique, pas parce qu’un algorithme a décidé aléatoirement de vous cibler. Cette approche crée une immersion bien plus forte."
Un argument qui séduit les puristes, mais qui place le studio en porte-à-faux avec son éditeur. Krafton, lui, voit dans l’IA générative un moyen de réduire les coûts et d’accélérer la production – deux enjeux cruciaux dans une industrie où les budgets des AAA explosent. Le clash était inévitable.
Autonomie Créative vs. Stratégie Éditoriale : Le Bras de Fer avec Krafton
Le refus d’Unknown Worlds n’est pas qu’une question technique : c’est aussi une révolte silencieuse contre la mainmise croissante de Krafton sur ses studios. En septembre 2024, l’ancienne équipe dirigeante d’Unknown Worlds a porté plainte contre l’éditeur coréen, l’accusant de violations des accords de propriété intellectuelle et d’ingérences abusives dans le développement de Subnautica 2. Un conflit qui a directement impacté le calendrier du jeu : initialement prévu pour 2025, sa sortie a été repoussée à 2026.
Pour comprendre cette tension, il faut remonter à 2020, quand Krafton a racheté Unknown Worlds. À l’époque, le studio californien était connu pour son indépendance et son approche artisanale du game design. Mais sous l’ère Krafton, les priorités ont changé. L’éditeur, fort du succès de PUBG, a imposé une logique de rentabilité maximale, avec des outils comme l’IA générative pour standardiser la production. Problème : cette vision entre en contradiction totale avec la philosophie d’Unknown Worlds.
Charlie Cleveland, fondateur du studio et directeur créatif de la série Subnautica, l’a résumé en ces termes lors d’une interview en 2023 :
"Nous ne faisons pas des jeux pour cocher des cases. Si Krafton veut utiliser l’IA pour sortir trois jeux par an, grand bien leur fasse. Mais Subnautica 2 sera développé comme nous l’entendons, avec des systèmes que nous maîtrisons. Même si cela prend plus de temps."
Une prise de position courageuse, mais risquée. Sans le soutien total de son éditeur, Unknown Worlds doit composer avec des ressources limitées et une pression accrue pour livrer un jeu à la hauteur des attentes. D’autant que des titres concurrents, comme The Callisto Protocol (2022), ont déjà commencé à intégrer des éléments d’IA générative pour leurs environnements et leurs ennemis – avec des résultats mitigés, il est vrai.
Behavior Trees vs. IA Générative : Le Pari Technologique de Subnautica 2
Alors, en quoi les behavior trees d’Unknown Worlds sont-ils si différents de l’IA générative ? Pour le comprendre, prenons un exemple concret : les Stalkers, ces créatures emblématiques de Subnautica qui suivent le joueur pour voler ses ressources.
Dans le premier opus, leur comportement était régi par un arbre de décisions préétabli :
1. Détecter le joueur à moins de 50 mètres.
2. S’approcher lentement si le joueur a des métaux dans son inventaire.
3. Fuir si le joueur sort une arme ou s’approche trop près.
Un système simple, mais efficace, qui donne l’illusion d’une intelligence sans recourir à des algorithmes complexes. À l’inverse, un jeu utilisant l’IA générative, comme The Callisto Protocol, pourrait faire en sorte que les ennemis apprennent des actions du joueur au fil de la partie, ou génèrent des patterns de mouvement aléatoires pour éviter la répétition.
Avantages des behavior trees :
✅ Cohérence : Les créatures agissent de manière logique et prévisible, ce qui renforce l’immersion.
✅ Contrôle total : Les développeurs maîtrisent chaque paramètre, évitant les bugs imprévisibles.
✅ Optimisation : Moins gourmand en ressources que l’IA générative, idéal pour un jeu aussi exigeant techniquement que Subnautica 2.
Limites :
❌ Répétition : Sans variation aléatoire, certains joueurs pourraient trouver les interactions trop scriptées.
❌ Temps de développement : Tout doit être programmé manuellement, ce qui rallonge les délais.
Face à ces défis, Unknown Worlds a choisi d’améliorer ses behavior trees plutôt que de céder à la mode de l’IA générative. Pour Subnautica 2, l’équipe a ajouté des couches de randomisation contrôlée et des systèmes de mémoire limitée (les créatures "se souviennent" des actions du joueur pendant quelques minutes). Une solution hybride, qui conserve l’âme du premier jeu tout en évitant ses écueils.
"On Ne Fait Pas de la Souppe avec des Robots" : La Philosophie d’Unknown Worlds
Derrière ce choix technique se cache une vision artistique bien précise. Pour Unknown Worlds, un jeu comme Subnautica n’est pas qu’un produit : c’est une expérience sensorielle, où chaque détail compte. L’IA générative, avec son côté imprévisible, risque de briser cette harmonie.
Joe Radkin, lead designer sur Subnautica 2, compare le processus à la cuisine :
"Imaginez que vous préparez un bouillon. Si vous utilisez des ingrédients frais, choisis avec soin, le résultat sera riche et équilibré. Maintenant, imaginez que vous remplacez la moitié de ces ingrédients par des substituts synthétiques générés par une machine. Ça peut marcher, mais le goût ne sera plus le même. Chez Unknown Worlds, on préfère prendre le temps de tout faire maison."
Cette philosophie transparaît dans chaque aspect du jeu. Les biomes sous-marins sont conçus à la main pour offrir une progression naturelle. Les sons ambiants sont enregistrés en conditions réelles (certains bruits de créatures viennent de véritables cétacés !). Même les bugs sont assumés : dans le premier Subnautica, certains joueurs ont découvert des Leviathans coincés dans des grottes, créant des moments uniques et mémorables. Des imperfections qui, paradoxalement, renforcent l’attachement des fans.
À l’inverse, des jeux comme The Callisto Protocol ont été critiqués pour leur usage de l’IA générative, jugée trop visible : des textures floues, des animations saccadées, ou des ennemis aux comportements incohérents. Des défauts qui rappellent que la technologie, aussi avancée soit-elle, ne remplace pas le savoir-faire humain.
2026 : Un Pari Risqué dans un Marché en Pleine Mutation
Reste une question cruciale : ce choix de résister à l’IA générative est-il tenable sur le long terme ? Avec une sortie prévue en 2026, Subnautica 2 arrivera dans un paysage vidéoludique radicalement différent de celui de 2018. D’ici là, des dizaines de jeux auront intégré l’IA générative, des indés aux AAA. Les joueurs, eux, seront-ils encore réceptifs à une approche "artisanale" ?
Les avis sont partagés. Marc Dupont, rédacteur en chef du site JeuxVideo.fr, estime que :
"Unknown Worlds joue un coup dangereux. D’un côté, leur approche plaît aux puristes et aux fans de la première heure. De l’autre, ils risquent de se retrouver à contre-courant, avec un jeu qui paraîtra 'dépassé' techniquement face à des concurrents dopés à l’IA. Tout dépendra de l’accueil critique et public à la sortie."
Un autre défi attend le studio : la communication. Alors que Krafton met en avant ses innovations technologiques pour promouvoir ses jeux, Unknown Worlds devra convaincre les joueurs que son approche "low-tech" est un atout, et non un handicap. Une tâche d’autant plus difficile que le jeu a déjà subi un report, ce qui peut alimenter les doutes sur sa stabilité.
Pourtant, des exemples récents montrent qu’un développement traditionnel peut encore payer. Baldur’s Gate 3 (2023), acclamé par la critique, a largement utilisé des systèmes d’IA classique pour ses interactions, sans recourir à la génération procédurale. Preuve que l’innovation ne passe pas forcément par la technologie la plus récente, mais par la maîtrise de l’expérience joueur.
En attendant, une chose est sûre : Subnautica 2 sera scruté à la loupe. Non seulement pour ses qualités intrinsèques, mais aussi comme test grandeur nature d’une question qui agite toute l’industrie – peut-on encore créer un blockbuster sans IA générative ?

