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« The Outer Worlds 2 » : quand l’édition Premium à 100€ se moque de votre "défaut de consumérisme"
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Sorti le 29 octobre sur PC, PS5 et Xbox Series X|S, The Outer Worlds 2 d’Obsidian Entertainment pousse l’audace jusqu’à railler ses joueurs ayant acheté l’édition Premium à 100€ via un message in-game cynique. Ce "défaut de consumérisme", intégré au système de Flaws du jeu, réduit les prix des marchands de 15%... tout en dévaluant vos objets vendus de 10%. Une mécanique qui interroge sur les limites de l’auto-dérision corporative dans un AAA.
A retenir :
- Provocation assumée : Le jeu affiche un message moqueur pour les acheteurs de l’édition Premium ("Vous êtes la raison pour laquelle notre marketing fonctionne")
- Mécanique double tranchant : Le "défaut de consumérisme" offre -15% sur les achats mais -10% sur les ventes, reflétant une critique sociale intégrée
- Autres Flaws révélateurs : "Foot-In-Mouth Syndrome" (dialogues aléatoires pour +15% d’XP) ou "Easily Distracted" (points de compétence dispersés)
- Stratégie marketing risquée : Obsidian joue avec le feu en ciblant ses super-consommateurs, une première dans un jeu AAA
- Réception contrastée : Entre rires et critiques sur Reddit, certains y voient un génie narratif, d’autres un manque de respect
« Vous êtes notre cible idéale » : quand un jeu se paie le luxe de critiquer ses propres clients
Le 29 octobre 2024 restera marqué comme le jour où The Outer Worlds 2 a osé ce que peu de franchises AAA auraient imaginé : tourner en dérision ses joueurs les plus dépensiers. Comme le révèle un post Reddit devenu viral (via GamesRadar), l’utilisateur disenchantor a découvert un message in-game après avoir lancé son édition Premium à 99,99€ : "Le Directoire Terrestre a détecté un défaut chez vous : Consumérisme. Vous êtes la raison pour laquelle notre marketing fonctionne. Les promotions et soldes ont rongé votre cerveau, et vous préférez acheter la prochaine nouveauté plutôt que de planifier vos finances."
Ce "défaut" (Flaw en VO) n’est pas qu’un simple trait d’humour noir. Il s’intègre au système de Flaws du jeu, hérité du premier opus, où les choix du joueur peuvent déclencher des modificateurs permanents – positifs ou négatifs. Ici, le Consumerism Flaw offre un bonus de -15% sur les prix des marchands, mais pénalise les ventes de vos objets avec -10% de valeur. Une mécanique qui, selon Tim Cain, directeur du jeu chez Obsidian, vise à "créer des histoires émergentes où le joueur assume les conséquences de ses actes" (interview IGN, 2023).
Pourtant, la provocation va plus loin qu’un simple gameplay. Elle interroge sur la frontière entre auto-dérision et cynisme corporatif. Comme le souligne Jason Schreier (Bloomberg), "c’est la première fois qu’un jeu AAA ose explicitement se moquer de sa base de fans premium, ceux-là mêmes qui financent les DLC et éditions collectors". Un pari risqué, surtout dans un contexte où les microtransactions et éditions deluxe sont déjà critiquées (rapport Newzoo 2024 sur la fatigue des consommateurs).
Contexte historique : Obsidian n’en est pas à son coup d’essai. Dès Fallout: New Vegas (2010), le studio jouait avec les quatrième murs (ex : le personnage Mr. House critiquant les joueurs pressés). Mais ici, la cible est précise : les early adopters prêts à débourser 100€ pour 3 jours d’avance. Une stratégie qui rappelle les April Fools de Blizzard (comme le Hearthstone "pay-to-lose" en 2018), mais avec une portée systémique bien plus large.
Le système de Flaws : un miroir tendu aux joueurs (et à l’industrie)
Le Consumerism Flaw n’est qu’un exemple parmi d’autres dans The Outer Worlds 2. Le système, inspiré des Perks de Fallout mais poussé à l’extrême, transforme vos habitudes de jeu en mécaniques permanentes. Trois autres Flaws ont déjà été documentés par la communauté :
- Foot-In-Mouth Syndrome : Pour les joueurs qui zappent les dialogues, le jeu choisit aléatoirement vos réponses après 5 secondes... mais offre +15% d’XP. "Vous détestez parler aux autres, alors on le fait pour vous", explique le message in-game.
- Easily Distracted : Si vous disperser vos points de compétence sans focus, le jeu vous récompense avec +1 point par niveau... mais vous force à investir dans des skills sous-utilisées. "Un touche-à-tout vaut mieux qu’un expert", ironise le texte.
- Trigger-Happy (non confirmé) : Rumeur d’un Flaw pour les joueurs qui tirent avant de parler, réduisant les dégâts de -20% mais augmentant la cadence de tir.
Ces mécaniques ne sont pas anodines. Elles s’inscrivent dans une tendance ludo-narrative où le jeu commente vos actions en temps réel. Disco Elysium (2019) avait ouvert la voie avec ses "thoughts" intrusifs, mais Obsidian va plus loin en liant ces commentaires à des bonus/malus concrets. Selon Kate Gray (Kotaku), "c’est une façon de rappeler que vos choix ont un coût, même dans un univers satirique".
Analyse technique : Le système repose sur un algorithme de détection comportementale qui analyse :
- Le temps passé dans les menus marchands (seuil : >30% du temps de jeu)
- La fréquence de saut de dialogues (déclencheur après 5 skips consécutifs)
- La répartition des points de compétence (détection si >3 skills différentes par niveau)
Une approche qui nécessite une infrastructure serveur pour stocker ces données (confirmé par les patch notes du Day One), soulevant des questions sur la vie privée. Obsidian a répondu via Twitter : "Tout est local, on ne vend pas vos données... contrairement à nos personnages !".
Réactions des joueurs : entre rire jaune et colère légitime
Sur Reddit, les réactions sont polarisées. Le post original de disenchantor (12k upvotes) a déclenché un débat houleux :
- Les pro-Flaws : "Enfin un jeu qui ose nous traiter comme des adultes ! C’est drôle et intelligent" (u/BigBoi69, https://4.2k likes).
- Les sceptiques : "Payez 100€ pour qu’un jeu vous insulte ? Next level de l’arrogance corporative" (u/No_Money_Left, https://8.7k likes).
- Les analystes : "C’est un test pour voir jusqu’où ils peuvent pousser le méta-humour avant que les joueurs ne se rebellent" (u/IndieDevWatch).
Le débat dépasse le cadre du jeu. Comme le note Stephen Totilo (Axios Gaming), "c’est un symptôme de l’ère post-GamerGate, où les studios testent les limites de leur relation avec les joueurs". Certains y voient une critique du capitalisme (thème central de The Outer Worlds), d’autres une stratégie marketing déguisée pour faire parler du jeu.
Comparaison industrielle : D’autres jeux ont joué avec l’auto-référence, mais rarement de manière aussi agressive :
- Metal Gear Solid 2 (2001) : Kojima critiquait les joueurs via Raiden, mais sans mécanisme de jeu.
- Undertale (2015) : Toby Fox punissait les joueurs violents, mais dans un cadre indie.
- Cyberpunk 2077 (2020) : CD Projekt Red avait retiré une blague sur les crunch après le backlash.
Obsidian et Microsoft : une satire qui arrange bien les actionnaires
Derrière cette provocation se cache une réalité économique. Depuis son rachat par Microsoft en 2018 (pour 3,5 milliards de dollars), Obsidian bénéficie d’une liberté créative inédite... mais aussi d’une pression accrue pour monétiser ses franchises. The Outer Worlds 2 est le premier jeu du studio sous cette ère, et ses ventes sont scrutées :
- Objectif interne : 5 millions d’unités en 6 mois (source : Jeff Grubb, Giant Bomb).
- Stratégie : L’édition Premium (100€) inclut 3 jours d’avance + un season pass – un modèle calqué sur Call of Duty.
- Risque : Aliéner les whales (gros dépensiers) pourrait impacter les revenus récurrents (estimés à 40% du CA chez Xbox Game Studios).
Pour Shannon Loftis, tête de Xbox Game Studios Publishing, "le ton satirique de The Outer Worlds est un atout, pas un risque. Les joueurs savent qu’on ne les prend pas pour des porte-monnaie ambulants" (interview The Verge, octobre 2024). Pourtant, les chiffres de SuperData montrent que les éditions Premium représentent 12% des ventes totales du jeu – un segment trop lucratif pour être ignoré.
Impact culturel : Cette polémique s’inscrit dans un contexte plus large de fatigue des joueurs face aux pratiques AAA :
- 2023 : Boycott de Diablo IV pour ses microtransactions.
- 2024 : Procès collectif contre EA pour les loot boxes de FIFA.
- 2025 : Régulation européenne en préparation sur les éditions collectors (proposition de loi Digital Services Act 2.0).
Et demain ? Quand la satire devient-elle contre-productive ?
Le vrai test pour Obsidian sera la rétention des joueurs. Si les Flaws restent optionnels et cohérents avec l’univers (où les corporations exploitent les faiblesses humaines), ils pourraient devenir une signature du studio. Mais si les mécaniques sont perçues comme punitives, le backlash pourrait être violent.
Trois scénarios possibles :
- Adoption massive : Les joueurs intègrent les Flaws comme une couche méta (ex : speedrunners utilisant Foot-In-Mouth pour gagner du temps).
- Patch correctif : Obsidian atténue les effets négatifs après des plaintes (comme pour le grind dans Avowed).
- Effet Streisand : La polémique amplifie les ventes, mais discrédite le message anti-capitaliste du jeu.
Prédiction d’expert : Pour Dr. Mia Consalvo (chercheuse en game studies à Concordia University), "Obsidian marche sur une ligne fine. Si les Flaws restent une critique du système, ça peut fonctionner. S’ils deviennent une excuse pour justifier des prix élevés, les joueurs se rebelleront".
À surveiller :
- Les mods qui désactiveront les Flaws (déjà en développement sur Nexus Mods).
- La réaction de Sony et Nintendo, dont les politiques de modération sont plus strictes que chez Microsoft.
- L’impact sur les notes Metacritic (actuellement 88/100, mais avec 200+ reviews utilisateurs négatives mentionnant les Flaws).
The Outer Worlds 2 prouve qu’Obsidian reste un maître de la satire ludique, mais cette fois, la cible n’est plus seulement le capitalisme fictif de Halcyon – c’est le joueur lui-même. En transformant nos habitudes de consommation en mécaniques de jeu, le studio franchit une ligne rouge : jusqu’où un jeu peut-il se permettre de juger ceux qui le financent ?
Si l’intention est louable (dénoncer l’obsolescence programmée et les éditions collectors abusives), la méthode interroge. Comme le résume Jim Sterling dans sa vidéo du 30 octobre : "Critiquer le consumérisme tout en vendant une édition à 100€, c’est comme fumer en plein milieu d’une conférence anti-tabac".
Reste une question : cette provocation restera-t-elle un coup de génie narratif ou marquera-t-elle le début d’une désaffection des joueurs envers les pratiques AAA ? Une chose est sûre : dans l’univers impitoyable de The Outer Worlds, personne n’est épargné – pas même ceux qui paient le plus.

